Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

Un spectre hante l’Europe et le monde occidental : le spectre de la révolution numérique-robotique. Toutes les puissances du monde occidental se sont unies en une Sainte-Alliance pour se soumettre à ce spectre qui s’impose dialectiquement à l’histoire du monde moderne. En effet de nos jours on ne peut plus nier la force innovatrice des entités technologiques.  La robotique, le numérique qui par leur forte présence risquent de changer de manière radicale tout notre monde, tous nos concepts économiques sociaux et politiques. Rien ne sera plus comment avant.
Nos usines, la classe ouvrière, le concept du travail, les moyens de production rien ne sera comme avant sous l’ère de la robotisation industrielle et de l’industrie 4.0.
Nos démocraties, nos libertés, nos vies privées se soumettront au numérique et au big data.

L’ère de la robotisation industrielle et de l’industrie 4.0

La robotisation industrielle consiste à rendre plus autonome les moyens de production. Dans quelques années, il n’y aura presque plus d’ouvriers manuels dans les chaines de productions car ils seront tout simplement remplacés par des machines robotisées et bien équipées de capteurs et d’actionneurs de pointe afin d’assurer une qualité optimale et une production élevée avec un moindre coût. Cela ne relève plus de la science-fiction mais d’une réalité observable dans tous les moyens de la production modernes.

Considérer la robotisation industrielle de cette manière permet de réaliser un rêve éphémère du capitalisme tout en présentant une libération et un soulagement à cette classe. La robotisation industrielle laisse entendre la fin de l’exploitation et l’émergence d’une nouvelle classe sociale issue de la classe ouvrière.

Le concept de l’industrie 4.0 est plus développé que celui de la robotisation puisqu’il ne se limite pas à la robotisation des moyens de protection mais engobe leur gestion et même les prises de décisions afin d’atteindre les objectifs. D’une manière plus vulgarisé la machine générera par l’analyse des données sur les sites de production et conformément aux objectifs, des décisions directionnelles à appliquer par des moyens de production ou par des cadres. Viendra peut-être le jour où une intelligence artificielle serait capable de décider de votre licenciement ou de votre changement de poste dans le seul objectif de renforcer le gain et la production. Cette description peut paraître alarmiste voire techno-conservatrice et il est important de rappeler que l’industrie 4.0 peut aussi être un concept qui assure l’équilibre entre l’optimalité de la production, l’abaissement des collaborateurs et l’optimisation des ressources ainsi que le respect de l’environnement. En effet cela ne dépendra pas du concept lui-même mais de son usage et des objectifs à atteindre comme indicateur de réussite. Il est évident que si le seul objectif du programme dans la machine est d’assurer une plus grande production cela sera néfaste.

Identité numérique et réseaux sociaux

De nos jours, le citoyen a deux identités : une identité civile, et une identité numérique. La première concerne vos coordonnées personnelles et des informations qui vous définissent civilement. La seconde, identité numérique, est l’ensemble des informations qui vos concernent :  votre dernier livre lu, ou le dernier plat que vous avez mangé, vos amis, vos opinions, vos trajets, vos messages envoyés à 18h30 à votre compagne/compagnon il y a quelques semaines pour lui parler du film que vous souhaiteriez voir le samedi prochains …toutes ces traces constituent votre identité numérique. Avez-vous déjà essayé de récupérer vos données numériques ? Faites-le, et vous serez étonné.

Tout ça pour dire que l’identité numérique est une manière de vous définir en tant qu’entité sociale complexe.

La constitution de l’identité numérique en elle-même ne présente pas une menace, par contre la manière de l’utiliser peut-être menaçante. Ce qui est menaçant c’est le fait d’utiliser ces données dans un autre objectif que celui qui consiste à définir la personne. En effet, l’utilisation de ces données peut constituer une menace sérieuse à la protection de la vie privée car certaines de vos données qui peuvent certes vous définir en tant que personne constituent des données personnelles et privées qui ne sont pas destinées à être partagées. Mais malheureusement ce n’est pas toujours le cas car l’identité numérique dans son ensemble constitue aussi un produit chèrement vendu aux divers acteurs politiques et économiques. A cet égard, on peut citer le scandale de Cambridge Analytica en 2014. Hélas votre identité numérique ne vous appartient pas mais appartient à un ensemble d’entreprises numériques dont la seule activité économique consiste à vous vendre en commercialisant vos données numériques à des entités de collecte et de traitement d’informations massives. Ces informations traitées peuvent être utilisé par des systèmes de recommandation dans le but de cibler vos besoins et d’influencer vos opinions.

Heureusement que des règlements sont apparus afin de régir l’usage de l’identité numérique. Dans ce cadre, Je citerai le Règlement général sur la protection des données (RGPD) appliqué en Europe qui renforce le droit des personnes, responsabilise les acteurs traitant des données et crédibilise la régulation grâce à une coopération renforcée entre les autorités de protection des données.

Cependant le (RGPD) ne s’applique que dans le cadre des sociétés européennes ou celles qui traitent ou collectent les données des résidents européens. Par contre, rien ne règlemente la protection des données numériques des citoyens tunisiens. À ce jour il n’y a aucun accord entre les acteurs du numérique (Facebook, Google) et l’Etat tunisien qui réglementes l’usage des données numériques des résidents tunisien.

En effet, la société tunisienne prise par les débats identitaires, politiques, et économiques n’a jamais eu le temps de débattre de cette révolution numérique et de ses impacts sur la Tunisie de demain.