Une telle scène est familière à Sidi Hassine. Se rendre à l’hôpital ou à un dispensaire est une tâche dure et épuisante dans cette région en manque de moyens de transport. D’emblée, la route vers ces centres de soins bondés parait semé d’embûches. Il y a trois dispensaires dans la commune de Sidi Hassine : le premier au centre de la localité, près du marché,  le second dans le quartier du 25 Juillet, tandis que le troisième, située au cœur du quartier « 20 mars », est hors service. Il a en effet été incendié durant la révolution, et n’a toujours pas été remis en état par les autorités. A noter qu’il y a également un centre de santé intermédiaire, à deux kilomètres de l’avenue principale de Sidi Hassine, en direction de la région d’Al-Attar.

Or la zone est caractérisée par la forte densité de sa population. Selon les chiffres de l’Institut national de la statistique, la population totale de Sidi Hassine a été estimée en 2014 à 109 mille 672 habitants, avec un taux de croissance démographique annuel évalué à 5%. Quelque 26 mille 501 familles vivent ainsi sur une superficie de de 82,34 km2. Le nombre des personnes habitant à moins d’un km du centre de santé de base le plus proche, est estimé à environ 9528, tandis que 1597 personnes vivent à moins d’un km de l’hôpital local le plus proche.

Les chiffres sont parlants. Ainsi, lors d’une visite au dispensaire du centre de Sidi Hassine, a-t-on pu constater de visu les lieux bondés. Un centre de santé de base, sous la forme d’un appartement au  rez-de-chaussée, avec une véranda semi-ouverte où les patients se bousculent. Au hall du centre de soin, s’étalent trois rangées de chaises. Le guichet d’enregistrement est juste en face, ainsi que la salle du médecin. Une petite pharmacie propose ses services via deux guichets, l’un pour les hommes, l’autre pour les femmes. L’attente parait d’autant plus longue dans la salle en raison du grand nombre de malades, et en particulier des enfants.

Il en va de même pour le dispensaire du quartier du 25 juillet : bondé en tout moment et en toutes circonstances. A ce sujet, Ridha, un infirmier qui y travaille, déclare : « Nous avons demandé à plusieurs reprises et depuis des années à la direction régionale de la Santé d’accélérer la réouverture du dispensaire du 20 mars, afin de nous soulager. Nous n’avons reçu aucune réponse ». Et d’ajouter : « Vous voyez notre situation : la plupart des patients sont assis par terre. Imaginez qu’un malade débarque avec une crise d’asthme ou une jambe fracturée, devrons-nous l’asseoir sur le sol ? L’air est-il respirable dans cette petite pièce » ?

Le centre de santé intermédiaire, à environ deux kilomètres du centre de Sidi Hassine, fait face, quant à lui, au problème de de la facilité d’accès et des transports. Un seul bus public assure la liaison entre les zones de Birinn, Al-Attar et Zahrouni, en passant devant le centre de santé. Seuls quelques taxis clandestins proposent sporadiquement leurs services aux malades. « Vous voyez ce que nous subissons à chaque fois que nous voulons aller chez le médecin », déclare Najat, la mère d’un bébé de sept mois.  « Mon fils souffre de fièvre et je reste parfois plus d’une heure au croisement de Ben Daha pour trouver comment aller au centre de santé intermédiaire. Il n’y a pas de transport et je ne peux pas marcher deux kilomètres par cette canicule avec mon fils dans les bras. Devrais-je attendre que mon fils meure pour qu’ils nous trouvent enfin une solution » ?

Le problème de l’accès est d’autant plus grave, que le centre de santé intermédiaire prodigue des soins pédiatriques, gynécologiques ou obstétriques et dispose d’un laboratoire d’analyses sanguines et d’un service d’échographie. Interpelé sur les problèmes des dispensaires bondés et les difficultés des transports, le délégué de Sidi Hassine El Sijoumi, Mohamed Kamel Boujeh a déclaré à Nawaat : « Il est vrai que le centre de santé intermédiaire est relativement éloigné du centre Sidi Hassine. Nous avons reçu depuis quelques temps des demandes d’autorisation de transport rural assurant la liaison entre Sidi Hassine, Jayyara, Birinn et Al-Attar. Nous y avons répondu favorablement, en particulier parce que ces lignes ne sont pas desservies. Cependant, ceux qui ont obtenu ces permis ont changé de lignes et ont finalement préféré desservir d’autres  destinations telles que Fouchana et le centre de la capitale. Ils ont argué que les lignes initiales n’étaient pas rentables, et ne permettaient même pas de couvrir les coûts du carburant. C’est pour cela que ces zones sont desservies peu fréquemment et uniquement par deux bus des transports publics ». Le responsable a ajouté : « Le plan de développement intégré, sur lequel nous travaillons actuellement, tient compte de ce constat. Nous trouverons des solutions dès que possible en coordination avec la direction régionale des Transports ».

En attendant, les habitants de Sidi Hassine continuent de faire face aux problèmes des centres de soins bondés ou difficiles d’accès. Avec de graves conséquences en cas de maladies chroniques telles que le diabète ou l’hypertension, ou quand il s’agit de traiter des blessures. Sans parler de la pénurie et du prix prohibitif des médicaments, qui aggravent la situation de certaines couches de la population, à Sidi Hassine, comme dans le reste des régions marginalisées du pays.