A quelques semaines de la tenue du SMSI à Tunis, les autorités tunisiennes poursuivent et accentuent le harcèlement de la société civile faisant fi des principes adoptés dans la Déclaration du Sommet de Genève qui affirment la centralité des droits de l’homme et des libertés : principes fondamentaux de la société de l’information.
La brutalité des attaques révèle la duplicité des autorités tunisiennes dans le déploiement du SMSI pour qu’il se déroule selon leur volonté et en conformité avec leurs objectifs : refuser l’élargissement du champ des libertés et obtenir une caution internationale pour leurs pratiques d’étouffement de la société civile tunisienne indépendante. Ces pratiques répressives se sont aggravées, par :

  • La tentative de paralyser la Ligue Tunisienne pour la défense des Droits de l’Homme (LTDH) L’offensive contre la LTDH a été couverte d’un habillage judiciaire : celle-ci a été interdite de tenir son 6e congrès pour le 9 septembre par un arrêt en référé rendu le 5 septembre. Aujourd’hui les autorités entravent les activités des sections par l’encerclement policier de leurs locaux.
  • Les tentatives de la mainmise du pouvoir sur l’Association des Magistrats Tunisiens (AMT) suite à l’opposition de celle-ci à la nouvelle loi réformant le statut des magistrats. Cette opposition a provoqué l’éviction de sa direction légitime et son remplacement par des juges inféodés au pouvoir.
  • L’interdiction de la tenue du congrès constitutif du Syndicat des Journalistes Tunisiens (SJT) prévu pour le 7 septembre 2005 et le harcèlement continu de ses membres dirigeants depuis le 3 mai 2005 à la suite de la publication d’un rapport sur la situation professionnelle des journalistes tunisiens.
  • L’offensive contre le barreau tunisien allant jusqu’à l’agression physique des avocats au Palais de justice et la condamnation de maître Mohamed Abbou, défenseur de droits humains, en juin 2005, à trois ans de prison ferme, à l’issue d’un procès inéquitable, pour avoir publié sur un site Internet une tribune critiquant la situation des prisons tunisiennes.
  • Les mesures de rétorsion prises contre les enseignants universitaires en juin dernier et le refus de reconnaître leur syndicat élu..
  • Les entraves mises à l’exercice du droit de réunion et notamment l’interdiction par les forces de police de la tenue des AG des ONG indépendantes (CNLT, AISPP, RAID…), l’encerclement de leurs locaux par la police (CNLT) et l’usage de la violence contre leurs militants.

Les organisations de la société civile indépendante considèrent que ces coups de force sont une atteinte flagrante à leurs droits constitutionnels de réunion, d’organisation et d’expression. Elles affirment que le silence qu’opposent les autorités tunisiennes à leurs revendications prolongent et aggravent les conditions déjà déplorables qui préludent à la phase de Tunis du SMSI. Contre ce déferlement répressif des autorités, elles réitèrent leurs revendications déjà proclamée aux Prepcoms 1 et 2, et qui portent, sur :

  • Le déni du droit à l’activité légale aux associations qui ont accompli les formalités administratives (CNLT, RAID, OLPEC, AEL, ANAR, CIJ, AISPP, ALT, SJT)
  • Le refus arbitraire d’autoriser la publication de nouveaux périodiques et de radios et TV indépendants.
  • Le blocage des sites Internet dissidents et le contrôle de la messagerie électronique et l’écoute téléphonique systématique.
  • La censure systématique qui continue de s’exercer sur les journaux ainsi que sur l’édition des livres.
  • Les campagnes de diffamation qui sont régulièrement déclenchées par les journaux aux ordres contre les défenseurs et les opposants en toute impunité et sans possibilité de recours judiciaire.
  • le recours systématique à la torture lors des interrogatoires préliminaires en vue d’extorquer des aveux comme preuves à charge.
  • L’instrumentalisation de la lutte contre le terrorisme pour condamner sans preuves des jeunes à l’issue de procès jugés iniques par des observateurs internationaux (Les jeunes de Zarzis, de l’Ariana, de Bizerte…)
  • Le maintien de plus de 500 prisonniers d’opinion en prison dans des conditions dégradantes et inhumaines et le harcèlement de ceux qui ont purgé leurs peine en leur imposant des mesures de contrôle administratif allant jusqu’au bannissement : (cas de Abdallah Zouari banni à 500 km, actuellement en grève de la faim).

Les organisations de la société civile indépendante tunisienne appellent les ONG internationales à accentuer leur pression sur les autorités tunisiennes afin que le SMSI soit un moment décisif en vue de garantir l’exercices des libertés et le respect des droits de l’homme en Tunisie et dans le monde.

Elles les appellent en outre à faire preuve de vigilance afin qu’elles ne soient pas induites à cautionner la politique de répression et de verrouillage des autorités tunisiennes et que leur présence ne soit pas perçue comme prétexte pour redorer l’image de celles-ci.

Il est en effet crucial que lors des travaux de la prepcom3, l’état des libertés du pays hôte du SMSI soit mis en perspective et produise les réserves qui s’imposent et que les questions relatives à la fracture numérique et à la gouvernance d’Internet ne servent pas de feuille de vigne au déficit démocratique.

C’est pourquoi, nous lançons un appel à la solidarité de la société civile internationale afin qu’elle prenne en considération ces derniers développements en vue d’élaborer une stratégie commune et opérationnelle conséquente.

La coordination de la société civile tunisienne indépendante pour le SMSI


Amicale Nationale des Anciens Résistants (ANAR)
Association des Ecrivains Libres (AEL)
Association Internationale pour le soutien aux prisonniers politiques (AISPP)
Association de Lutte contre la Torture en Tunisie (ALTT)
Conseil National pour les Libertés en Tunisie (CNLT)
Ligue Tunisienne pour la défense des droits de l’Homme (LTDH)
Observatoire pour la Liberté de Presse, d’Edition et de Création (OLPEC)
Rassemblement pour une Alternative Internationale de Développement (RAID-Attac)
Syndicat des journalistes tunisiens (SJT)