Ahmed Ghazouani exhibant la photo de son fils Ghaith emprisonné

Le 11 octobre s’ouvrira devant le Tribunal de Première Instance de Tunis le procès d’un groupe de jeunes gens détenus à la prison de Mornaguia, déférés tous en état d’arrestation, sur les fondements de la loi antiterroriste et du code pénal tunisien. Parmi les personnes déférées figure une jeune femme, détenue à la prison pour femmes de La Mannouba. Par ailleurs, deux des accusés sont des anciens prisonniers politiques, condamnés en vertu des dispositions de la loi de 2003.

A l’issue de l’instruction [1], le 29 mai 2010, le juge Saïd Ben Romdhane les a informés des charges pesant contre eux. Zyed Labidi, Rafik Ali, Héni Mchichi et Houda Ouertani sont accusés d’ « d’adhésion à une organisation et à une entente ayant fait du terrorisme un moyen de réaliser ses objectifs ».

Zyed Labidi et Rafik Ali sont accusés d’ « incitation à commettre des infractions terroristes et à adhérer à une organisation et à une entente en rapport avec des infractions terroristes ».

Zyed Labidi et Houda Ouertani sont accusés de « fourniture d’armes, d’explosifs, de munitions et matériel à une organisation, une entente et à des personnes en rapport avec les infractions terroristes ».

Zyed Labidi est également accusé d’ « agression violente d’un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions et de menaces au moyen d’une arme » et de « falsification et usage d’une carte d’identité nationale ».

Quant à Ghaith Ghazouani, il est accusé de « non révélation immédiate aux autorités d’informations lui étant parvenues sur la commission d’une infraction terroriste ».

L’affaire remonte au 28 février 2010 avec l’arrestation de Zyed Labidi et Houda Ouertani dans la région de Zerga, Babouch, dans la délégation d’Aïn Draham, à proximité de la frontière algérienne. Des agents d’une patrouille de la garde nationale leur ont demandé leur identité. Ils se sont alors enfuis et les agents ont ouvert le feu, les atteignant tous les deux.

Zyed Labidi est né le 28 juin 1981. Il est titulaire d’une licence de physique, chômeur, marié avec Houda Ouertani. Il est sorti de prison le 5 janvier 2008 au terme d’une peine prononcée en vertu des fondements de la loi anti terroriste.

Il effectuait une peine complémentaire de contrôle administratif lorsqu’il a été interpellé avec son épouse. Zyed Labidi a été soigné à l’hôpital des Forces de Sécurité Intérieures de La Marsa, puis écroué à la prison de la Mornaguia. Au mois de juillet, il a mené une grève de la faim car il n’était pas soigné en prison et des examens avaient révélé que les services de l’hôpital n’avaient pas procédé à l’extraction de la balle qui l’avait atteint à la jambe. Quant à la prison, elle s’est contentée de lui administrer des calmants.

Houda Ouertani est née le 26 octobre 1985. Elle a une licence de physique. Elle est mariée et n’a pas d’antécédents judiciaires. Houda Ouertani a été hospitalisée à l’hôpital de la Marsa suite au coup de feu, mais n’a pas été arrêtée. Pourtant elle n’a pu recevoir la visite de sa famille et de son avocat à l’hôpital. A la suite de son déférement devant le juge d’instruction, ce dernier l’a faite écrouer à la prison pour femmes de la Mannouba.

Ghaith Ghazouani, né le 10 juin 1983, avait été arrêté une première fois en 2005 en Algérie et livré aux autorités tunisiennes qui l’avaient arrêté, torturé et écroué.

Il avait été condamné sur les fondements de la loi antiterroriste et effectué une peine de quatre ans et demi d’emprisonnement. Il était sorti de prison le 13 décembre 2009, atteint de tuberculose contractée en prison. Il effectuait une peine complémentaire de contrôle administratif lorsqu’il a été de nouveau arrêté, à son domicile, le 3 mars 2010 ; sa famille a été informée le 6 mars que leur fils serait déféré le 8 mars pour l’instruction. Depuis son incarcération, Ghaith Ghazouani ne reçoit pas les soins et les traitements requis par son état, qui s’est notoirement aggravé depuis qu’il est affecté de dépression.

Héni Mchichi, né le 1er octobre 1988, suivait un enseignement professionnel lors de son arrestation le 3 mars 2010. Il n’a pas d’antécédents judiciaires. Sa mère, l’a cherché en vain. Après que sa disparition ait été médiatisée sur internet, elle a appris que son fils serait déféré le 8 mars devant un juge d’instruction.

Rafik Ali, est né le 4 novembre 1983. Il est ingénieur en énergie et moteurs et travaillait dans une clinique à Tunis lorsqu’il a été arrêté sur son lieu de travail aux Berges du Lac, le 2 mars 2010. Il n’a pas d’antécédents judiciaires. Le 27 avril, soit pendant l’instruction de l’affaire, il a commencé une grève de la faim pour exiger sa libération, considérant que les accusations portées contre lui sont dénuées de tout fondement.

En d’autres termes, Zyed Labidi aurait tenté de fuir les persécutions policières et de mettre son épouse en sûreté en tentant de passer en Algérie après avoir tenté de se cacher à Kelibia. Sans les informer de son projet de fuite, il aurait demandé des aides à des amis à lui comme Rafik Ali,-innocenté par l’expertise de son ordinateur par ailleurs-, pour l’aider à trouver un logement, pour le conduire en voiture notamment. Qu’ils aient ou non accepté de l’aider, ces derniers se retrouvent sur le banc des accusés puisque l’accusation a considéré que ce « groupe » aurait contribué à l’aider à rejoindre Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI).

Rien de plus, rien de moins.

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1- Sixième bureau d’instruction, Tribunal de Première Instance de Tunis, affaire n°6/17596.