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Du 04 au 16 juin dernier, le Programme d’Appui à la Société Civile (PASC) et l’Unité de Gestion du Projet PIC participatif du ministère de l’Intérieur ont organisé la formation du premier groupe de facilitateurs dans le cadre du Plan d’Investissement Communal (PIC) sur le grand Tunis. Pendant plus de 10 jours, ces jeunes de la société civile ont été le premier groupe à être formé afin de devenir le lien entre la commune et les citoyens.

Si les facilitateurs en budget participatif existent déjà en Tunisie et dans le monde, il s’agit là d’une première mondiale en matière de Plans d’Investissement communaux. En effet, à travers ce projet, la Tunisie se veut être le précurseur en matière de participation citoyenne aux Plans d’Investissements Communaux.

Nawaat avait déjà aborder ce sujet dans un précédent article, il s’agit ici d’essayer de mieux appréhender et comprendre le processus du PIC participatif et le rôle pratique du facilitateur dans cette optique participative.

Un long processus pour une participation inclusive

Il faut rappeler que le budget communal se partage en 2 chapitres : un premier relatif aux frais de gestion et un second relatif aux investissements. C’est sur cette deuxième partie que ce projet de participation citoyenne s’attelle.

Comme tout cycle de projet, le processus du PIC participatif s’articule autour de 5 étapes majeures décrites dans l’organigramme suivant :

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Pour la mise en œuvre de ce processus, 4 acteurs majeurs sont interpellés :

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Ces quatre acteurs devront mettre en place la participation la plus inclusive possible tout au long du processus. Pour ce faire, une cartographie des acteurs clés est dressée. A partir de celle-ci, un découpage de la commune en zones administratives s’opère.

Les délégués des zones administratives

Le découpage de la commune en zones administratives reviendra à l’autorité municipale, au facilitateur et aux accompagnateurs du processus. Ils auront pour tâche de concevoir un découpage correspondant à un espace optimal et en prenant en compte les facteurs socioculturels spécifiques à chaque zone. (Exemple : zone rurale, zone industrielle, zone résidentielle, zone touristique…)

Une fois ce découpage effectué, un forum de mise en place des délégués des zones administratives est opéré. Chaque citoyen de ces zones pourra choisir un ou plusieurs délégués les représentant tout au long du processus. Ces délégués sont des volontaires non rémunérés justifiant une résidence dans la zone concernée et ne peuvent faire partie de l’administration communale, ni du comité de la ville (voir ci-dessous), et ne doivent pas avoir de responsabilité politique.

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Ces délégués ont pour mission de tenir informés à temps les citoyens qu’ils représentent et porter leurs voix au niveau communal. Leur rôle est de favoriser une large participation de la population locale autour de la définition des projets de proximité – ceux touchant directement les citoyens dans leurs quartiers – mais aussi la mobilisation des ressources, l’adhésion et l’implication aux choix communaux. Pour ce faire, les autorités municipales doivent leur fournir les moyens nécessaires à leurs obligations.

Dans la pratique, les délégués devront organiser des réunions avec les citoyens de leurs zones afin de discuter des possibilités des projets de proximités à présenter. S’en suit une nouvelle réunion avec les autres délégués des zones administratives et l’autorité municipale afin d’arrêter les projets prioritaires selon une clé de répartition des ressources discutées avec cette dernière.

Le comité de la ville

Le comité de la ville regroupe différentes catégories de la population communale, et ne prend donc pas en considération le découpage administratif préalablement effectué pour les zones administratives.

Le comité de la ville sera principalement actif au sein des projets structurants –ceux touchant la ville- afin d’améliorer l’attractivité de la ville. Reposant sur une vision stratégique de celle-ci, il s’agira d’exploiter au mieux la compétitivité qu’elle peut offrir. Afin d’assurer un niveau élevé d’inclusion celui-ci sera composé de membres désignés et de volontaires représentant la population de la ville.

Les membres désignés seront : le conseil municipal, le Secrétaire Général de la Commune, le chargé des affaires municipales au sein du gouvernorat, le représentant de l’UTICA, le représentant de l’UGTT, et les représentants des structures déconcentrés de l’Etat.

Les membres volontaires répondant à une nécessité d’inclusion la plus large possible seront dressés selon une liste non-exhaustive en fonction de la cartographie des acteurs dressée par les accompagnateurs techniques. On y retrouve, par exemple, des représentants des femmes, des jeunes, des chômeurs, des handicapés, de la diaspora, de la société civile, et des notables de la ville… .

Le choix d’une telle représentation répond à la nécessité d’assurer une coordination avec les autres communes mais aussi à veiller à l’harmonie des PICS aux stratégies nationales.

Il faut cependant rappeler que le comité de la ville ne remplace pas le conseil municipal. Le deux entités agiront en concertation afin de fixer les objectifs communaux et la mobilisation des acteurs autour des projets structurants.

Projets administratifs, projets structurants et projets de proximité

Une fois les acteurs identifiés, le comité de la ville et les délégués des zones administratives définies, chacun d’entre eux devra arrêter ses projets suite à la validation du diagnostic technique. Il s’agit par la suite de la combinaison des projets de chacun de ces acteurs, qui, ensemble, formeront le Plan d’Investissement Communal.

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Les projets administratifs sont des projets touchant à la municipalité, à ses structures et à ses ressources. Il s’agira pour le conseil municipal de présenter aux autres acteurs concernés les projets administratifs retenus et le budget qui y sera alloué. (Exemple de projet administratif : Construction d’une nouvelle salle de réunion au sein de la municipalité)

Les projets structurants sont des projets améliorant le cadre de vie et l’attractivité économique de la ville. On peut citer par exemple le réaménagement d’un cimetière, la construction d’un parc de loisir, d’un stade municipal, d’une salle de cinéma… .

Les projets de proximité sont ceux qui touchent directement la population dans leurs quartiers. L’on peut citer par exemple comme projets de proximités l’éclairage public, l’alimentation en eau potable ou encore les chaussées et trottoirs… .

Une fois ces projets administratifs, structurants et de proximité validés, un atelier de validation communal du PlC dans son ensemble est organisé. Il s’agira de la présentation finale du PIC à la population et à son dépôt auprès de l’autorité de tutelle pour approbation.

Sans entrer plus en détail dans la mise en œuvre et le suivi de lévaluation du PIC, ces premières étapes seront déterminantes pour l’instauration des principes édictés dans l’article 139 de la Constitution qui stipule que :

Les collectivités locales adoptent les instruments de la démocratie participative et les principes de la gouvernance ouverte afin d’assurer la plus large participation des citoyens et de la société civile dans la préparation de projets de développement et d’aménagement du territoire et le suivi de leur exécution, et ce, conformément à ce qui est prévu par la loi.

Le facilitateur : clé de voûte du processus

Toutes les étapes du processus de participation citoyenne au PIC sont sous la houlette d’un facilitateur externe qui aura la lourde tâche de mener à bien ce processus jusqu’au bout. Si des facilitateurs en budget participatifs existent en Tunisie, l’Unité de Gestion du Projet PIC participatif du ministère de l’Intérieur en collaboration avec le Programme d’Appui à la Société Civile (PASC) a initié la formation d’un premier groupe de facilitateurs en PIC participatif, en attendant la formation de près de 300 facilitateurs sur l’ensemble du territoire dans les mois à venir.

Les facilitateurs suivront une formation afin de pouvoir gérer au mieux l’ensemble des ateliers, des forums et des rencontres entre les différents acteurs expliqués plus haut. La tâche du facilitateur sera d’aider le groupe à la réflexion et à la prise de décision, en neutralisant les jeux de pouvoir et en favorisant la compréhension mutuelle. Sans entrer dans le fond des décisions, il a pour mission de réunir l’ensemble des acteurs autour d’objectifs communs.

Cette formation revêt de nombreux aspects : communication, gestion de conflits, planification par objectifs, mais aussi la maîtrise de l’ensemble du processus de la participation citoyenne au Programme d’Investissement Communal.

Le facilitateur est donc le rouage essentiel, garant de la réussite ou de l’échec de ce processus. Un tel poids sur les épaules d’une seule et unique personne peut cependant amener à quelques interrogations :

Peut-il supporter un si long processus ? Et surtout est-il capable de garder ses valeurs morales tout au long du processus sans interférer dans la prise de décision ?

Bien que sur le plan théorique, la participation citoyenne aux Plans d’Investissements Communaux semble être un idéal facile à atteindre, tout dépendra de ce qui se passera dans la pratique. Si à ce jour nous ne pouvons établir des critiques à ce projet, cela est en partie dû à l’absence de volet pratique qui ne verra le jour qu’après la promulgation de la loi institutionnalisant ce processus.

Une autre interrogation demeure quant à la participation citoyenne à la prise de décision au niveau local. L’ensemble du processus repose essentiellement sur une inconnue : la conscience et la responsabilisation citoyenne.