le-pouvoir-aux-tunisiens-9-avril

Personne n’aura échappé ces temps-ci aux interminables débats sous forme de polémique sur l’ensemble des mouvements sociaux qui ponctuent la vie de la nation. Des mouvements populaires sans précédent. Des révoltes qui n’ont fait que mettre en évidence, sous les grossissements d’une loupe impardonnable de vérité, les inégalités entre les diverses couches du pays et autres « richesses » inégalement dispatchées sur les différentes régions.

« Dignité », « égalité », voici ce que réclament les « révoltés ». Ceux qui se révoltent encore après un certain 14 Janvier habité, peuplé, envahi par les mêmes slogans, les mêmes revendications. Face à six gouvernements successifs, tous beaux parleurs chacun à leur manière. Tous avec des promesses non tenues. Parole, parole, parole… encore des parole.

Plus d’une centaine de grèves au total. Et Redeyef aujourd’hui redevenue le noyau effervescent de la contestation. Redeyef symbole, malheureuse icône de l’injustice sociale et de l’iniquité. Avec continuellement, jusqu’ici, point d’eau potable, point de sécurité, point d’organisme municipal de tutelle, avec une situation sanitaire et environnementale catastrophiques.

Alors, ceux qui se soulèvent et font grève, n’ont plus rien à perdre. Même avec toutes les menaces de l’univers.

Aucun développement en vue pour les régions de l’intérieur dont la population se meut tous les jours dans les rêves déchus d’une traitre « révolution de la dignité ».

Une UGTT qui prend les choses, ou les décloses, en main. Elle agite puis elle précipite. Elle dit puis confond. Elle mêle et démêle ses propos, pour les remailler finalement en une indéfinissable politique politicienne. Depuis quand celle-ci n’à point pris de réelles décisions claires et transparentes qui vont dans un sens, ou dans l’autre ? Vers le système politique en place, donc quelque part « avarié » à plus ou moins de degrés, ou bien vers le citoyen, ce citoyen plongé dans un continuel désarroi face à l’incertitude de son avenir.

De grèves légales, grèves sauvages à grèves anarchiques, un jour, deux jours, une semaine à ne pas travailler, et des mois à essayer de comprendre. Avec préavis ou sans préavis Conducteurs de trains, de métros, de bus, de taxis, compagnie de chemins de fer, ouvriers des compagnies de phosphate, enseignants, magistrature, administration, personnel hospitalier, maitres et maitresses d’une économie vacillante, dont l’une des plus significatives de part son taux de participation de grévistes est celle des instituteurs, suite à une série débutée depuis mi-avril.

Les citoyens souffrent. Les travailleurs souffrent. Personne ne comprend l’autre, ou du moins n’essaye de le faire, et le souffre se répand partout même dans les cœurs les plus propres.

Des accords et des contrats passés, et d’autres oubliés, mais les travailleurs qui sont, aussi, des citoyens ne voient, dans leur quotidien, aucun changement.

Des responsables gouvernementaux qui demeurent toujours et encore plus loin des citoyens grévistes. Se basant sur des articles de la constitution qu’ils se refusent par ailleurs d’appliquer. Ces derniers disent, « faites la grève », «  vous avez le droit », « nous entendrons vos revendications ». Une fois, deux fois, et cela devient comme une musique récurrente et assourdissante. Puis, devant le non aboutissement des attentes, celles placées devant les promesses entachées de mensonge du gouvernement, les grévistes légaux deviennent des grévistes sauvages, puis des grévistes anarchiques, et finissent par installer l’épreuve de force comme seule possibilité de voir leurs légitimes revendications démontrées puis assurées. Que demandent les grévistes ? Non pas de chauffeurs individuels, non pas des centaines de dinars en bon d’essence, non pas d’autres milliers en salaire mensuel, ou encore la bâtisse de villas en banlieue nord de Tunis. Ils demandent juste une assurance professionnelle après des années de bon et loyaux services, des droits de retraite plus aboutis, des primes dérisoires délivrées, un emploi.

Une suite d’amalgames entre liberté postrévolutionnaire et droit à la grève s’installe, comme si ceux qui faisaient la grève le faisaient pour eux- mêmes. Comme s’appuyer sur la « néo » constitution pour justifier l’injustifiable. Liberté mise à mal, aboutissant à l’ « irresponsabilité anarchique » ou encoure l’indiscipline, ou encoure l’insurrection. Les donneurs de leçon sont toujours là, ils se sont tout juste nouvellement maquillés après un certain 14 Janvier 2011.

Il est normal que le gouvernement actuel n’arrive point à refroidir les chaleurs légitimes d’un soulèvement social encore plus légitime. Aucun gouvernement ne réussira à calmer les indignés de tous bords tant que des revendications encore plus légitimes ne seront entendues et surtout appliquées.

La question n’est pas de savoir si le gouvernement pourra ou pourrait venir à bout des grèves, mais plutôt de comprendre, vraiment, le pourquoi du comment, et d’arrêter de faire porter le chapeau et à culpabiliser une frange de la population qui n’est déjà que trop marginalisée.

Evidemment à part la certitude d’une incommunication de part et d’autre, le gouvernement en place, citoyens de base, et classe ouvrière, jeunes et chômeurs, à part l’exactitude d’une réalité inchangée dans l’instant, reste la théorie des complots. Car chaque gouvernement élu légitiment ou de manière illégitime qui n’arrive pas à structurer sa ligne de route, adopte immédiatement celle-ci quand il ne lui reste plus que l’adéquation et l’alignement à la fatalité.

Le plus dommageable : les grévistes deviennent responsables du statut quo économique, social, vital et existentiel du pays, et premiers responsables de la non réussite de la satanée transition démocratique. Et les gouvernements précédents et celui actuel s’en sortent blanchis.

Nulle négociation et point de dialogue en vue. Plus d’espoir. Ni de rapprochement, ni de proximité. Plus d’espoir tout court. Même le militant historique, symbole du soulèvement de Redeyef en 2008, Adnene Hajji, figure iconique de la voix des laissés pour compte qui ne trouvent leurs places nulle part, se range du côté du système gouverneur, forcément sournois et dissimulé. Mais, il est vrai que Adnene Hajji est devenu ARPein.

Hkeya-logoChronique à paraître une fois par semaine, « Hkeya » se propose de discourir d’un événement national et/ou international servant de « prétexte » pour soulever des questionnements autour d’une réalité socio, politico ou médiatico-culturelle.
Précisément, il ne s’agit pas ici de couvrir une actualité de manière « classique », mais de soulever des interrogations actuelles tout en invitant tout un chacun à la réflexion et à la discussion.
Sans tomber dans le billet d’humeur narcissique et unilatérale, « Hkeya » veut attrouper et convoquer des histoires pour faire avancer le débat citoyen.