franchises-tunisie-economie

Le contrat de franchise est un contrat par lequel le propriétaire d’une marque ou d’une enseigne commerciale accorde le droit de son exploitation à une personne physique ou morale dénommée franchisée, et ce, dans le but de procéder à la distribution de produits ou à la prestation de services moyennant une redevance….
Article 14 de la Loi n° 2009-69 du 12 août 2009, relative au commerce de distribution.

Aujourd’hui en Tunisie, plusieurs franchises étrangères émergent jour après jour. Ainsi a-t-on vu Hippopotamus, Pomme de pain, ou encore Châteaux d’Ax s’offrir aux consommateurs tunisiens.

Si la Tunisie connaît un regain d’activité à travers l’implantation de ces franchises, la plupart dans le domaine de la restauration, nous sommes encore bien loin du modèle marocain (plus de 400 enseignes implantées), qui à travers une plus grande souplesse juridique permet à celles-ci de redorer son économie.

Les lois régissant la franchise en Tunisie

⬇︎ PDF

La loi 2009-69 du 12 août 2009, relative au commerce de distribution définit dans son chapitre 5 les franchises. Tel que rappelé plus haut, il s’agit d’un contrat accordant à une personne physique ou morale le droit d’exploitation, de distribution de produits ou de prestations de services, d’une marque ou d’une enseigne étrangère sur le territoire tunisien.

L’article 15 de cette loi fixe les conditions formelles d’attribution de ces franchises :

Le contrat de franchise doit être écrit. Le franchiseur est tenu dans un délai minimum de vingt jours avant la signature du contrat de mettre à la disposition du franchisé un projet de contrat et un document mentionnant des informations relatives au franchiseur et à son secteur d’activité.

L’article 16 quant à lui pose les droits et les devoirs du franchiseur et du franchisé. Si le franchiseur doit fournir au franchisé l’assistance commerciale et technique, ce dernier doit fournir les données relatives à ses ventes, à sa situation financière et donner l’accès au franchiseur à ces locaux.

Trop générale, cette loi prévoit l’adoption d’un décret afin de mieux cerner les obligations contractuelles des parties dans le contrat de franchise.

Ces conditions ont été fixées par le Décret n° 2010-1501 du 21 juin 2010, portant fixation des clauses minimales obligatoires des contrats de franchise ainsi que des données minimales du document d’information l’accompagnant.

⬇︎ PDF

Indépendamment des dispositions habituelles visant à une plus grande transparence entre le franchiseur et le franchisé, mais aussi de protection juridique du franchisé, ce décret prévoit l’adoption d’une liste d’activités qui ne doivent pas faire l’objet d’autorisation préalable.

C’est l’arrêté du ministre du Commerce et de l’artisanat du 28 juillet 2010, portant l’octroi systématique, à certains contrats de franchise, de l’autorisation prévue par l’article 6 de la loi n° 91-64 du 29 juillet 1991, relative à la concurrence et aux prix qui les fixent qui fixe cette liste.

Si les marques nationales, tous secteurs confondus sont autorisés d’office à la franchise, l’arrêté prévoit une liste de secteurs pour les franchises étrangères :

Secteurs de distribution : Parfumerie, produits de beauté et cosmétique – Prêt-à-porter – Chaussures – Maroquinerie – Articles et chaussures de sport – Produits diététiques – Horlogerie – Articles de cadeaux – Lunetterie – Articles de ménage grand public – Meubles – Plantes d’intérieur et fleurs – Quincaillerie et articles sanitaires – Matériel électronique et informatique – Librairie – Biens d’équipement pour divers secteurs.

Secteur touristique : Location de voiture – Aires de loisir – Gestion des hôtels.

Secteur de la formation : Formation professionnelle.

Autres activités économiques : Service de dépannage – Salons de coiffure de beauté et d’hygiène corporelle – Services de réparation et de maintenance (auto, électronique … ) – Services d’appui à l’abandon du tabagisme – Services de soins dans les hôtels – Thalasso thérapie.

Ainsi en dehors de ces secteurs, les autres activités doivent avoir une autorisation préalable du ministère du Commerce, sur avis du Conseil de la Concurrence, afin de pouvoir s’implanter en Tunisie.

Il convient de préciser que tous les secteurs sont libres pour les franchiseurs tunisiens. En agissant ainsi, une forme de protectionnisme est opérée, afin de permettre aux franchises tunisiennes de se développer et d’être une monnaie d’échange dans le marché des services qui leur est actuellement clos dans plusieurs autres pays.

Cependant, ce qui pose réellement problème dans les faits est l’exportation des droits d’entrée et des redevances. C’est celles-ci qui doivent être soumises à l’approbation du ministère du Commerce. Ainsi, il est tout à fait possible de créer un réseau d’enseignes d’origine étrangère en Tunisie, si on n’exporte ni droit d’entrée, ni redevances.

La franchise, un modèle de pérennité ?

L’apport d’un contrat de franchise apporte nombre d’avantages tant pour le franchiseur que le franchisé. En effet, en tant qu’investisseur, ce dernier investit déjà dans une marque connue, ayant déjà sa clientèle. Porte drapeau d’une enseigne déjà à succès, le franchisé peut réaliser des profits nettement plus rapides que de créer une nouvelle entreprise. En effet, l’exclusivité de produits ou de services offre au franchisé un marché d’ores et déjà acquis. Par ailleurs, les économies de coûts sont aussi à l’avantage du franchisé. En effet, il bénéficie directement d’un transfert de savoir-faire du franchiseur, par le biais de formations offertes. L’acquisition de ce «know how» peut être d’un coup très élevée dans l’ouverture d’une nouvelle entreprise.

Enfin, la franchise limite les risques de faillites. Selon le site Tunisie-Franchise : « 80% des petites entreprises font faillite les deux premières années de leur existence contre 10% pour une franchise. En moyenne, le temps pour qu’un commerce indépendant devienne économiquement et financièrement rentable, est nécessairement de 2 à 5 ans, tout dépend du genre de commerce. Pour une nouvelle franchise, la durée de rentabilité financière moyenne est de l’ordre de 6.6 mois ».

Ce qui distingue une franchise, de l’installation directe d’une compagnie étrangère réside justement dans ce « know how ». Si les sociétés directement implantées n’ont aucune obligation de dévoiler leurs savoir-faire, tel n’est pas le cas pour les franchiseurs. De plus, ces entreprises étrangères peuvent à tout moment quitter le territoire en faisant sortir leurs flux monétaires vers leurs pays d’origine. Or de telles pratiques sont impossibles pour les contrats de franchises en l’état actuel des choses, le propriétaire de la franchise étant un investisseur tunisien résidant en Tunisie.

Des inconvénients de la franchise

Si elle offre certains avantages, la franchise peut aussi être un frein tant aux franchiseurs qu’aux franchisés. Il existe de nombreuses contraintes pour ces derniers : L’investissement de départ peut être plus élevé que pour une création d’entreprises. En plus des droits d’entrée et des redevances directes et indirectes, le franchisé devra payer la renommée de la marque, mais aussi l’étendue de la prestation du franchiseur (étude de marché, assistance…). Le paiement de la redevance initiale ainsi que des royalties, peuvent parfois être excessivement élevée. Les gains seront donc à minima pour le franchisé, si l’ont ôte ces coûts.

Par ailleurs, certaines contraintes imposées par le franchiseur lui-même sur les produits ou les services commercialisés peuvent freiner tout concept de création et donc de liberté. Par exemple, la présentation, le conditionnement ou la commercialisation des produits répondent aux exigences fixées par le franchiseur. Sans compter l’impossibilité pour le franchisé de proposer à la vente un produit différent que celui imposé par le franchiseur. Il n’existe donc aucune autonomie du franchisé. L’on imagine mal, par exemple, Macdonald’s, autoriser un franchisé à modifier la recette de son hamburger.

De plus, le cahier des charges représente un poids important pour le franchisé. La plupart des franchises fonctionnant avec une réplication de concept à l’identique, l’aménagement du point de vente par exemple peut s’avérer parfois problématique. Il en va de même de la charte graphique, de la communication … .

Pour le franchiseur, il existe trois inconvénients majeurs :

● Le coût de la formation et de l’assistance donnée au franchisé. Celle-ci peut s’avérer coûteuse pécuniairement et en temps. C’est une des principales causes empêchant certaines enseignes de s’installer dans certains pays, au sein desquelles le « savoir-faire » manque déjà.

● Le coût des études de marché est aussi un frein. Face à une administration lente et coûteuse, une étude de marché peut se résumer à un parcours du combattant pour le franchiseur. C’est d’ailleurs le cas en Tunisie, où la sonnette d’alarme a déjà été tirée à plusieurs reprises par les professionnels.

● La réorganisation de son organigramme interne pose aussi un problème aux franchiseurs qui doivent, ainsi se doter d’une équipe d’animation, d’assistance, de développement, de recherche et d’innovation.

Autant dire que les risques sont nettement plus importants pour les franchisés que les franchiseurs, dont l’absence d’autonomie et donc de repositionnement par rapport au marché sont inexistantes.

La franchise, un levier économique et social ?

En l’absence de chiffres sur l’impact des franchises sur l’économie tunisienne (ni l’Institut Nationale des Statistiques, ni le ministère du Commerce n’ont été en mesure de nous les communiquer), il est difficile de connaître l’impact des franchises sur l’économie tunisienne.

Cependant, il est indéniable que la sécurité offerte par les contrats de franchises soit une solution pour un développement économique. Cela réside principalement dans le fait que les franchises sont une solution contre la sortie massive des fonds monétaires tunisiens. De plus, vu le poids économique des franchiseurs, et leur soutien à la franchise qui les représente, celle-ci constitue un gage de pérennité, et pour le franchiseur lui-même, mais aussi pour l’économie tunisienne, dont les entreprises seront soutenues.

Pour le consommateur, la venue de franchise peut aussi offrir un plus large choix de gammes avec les prix réelles sans aucune intervention de partie tiers pouvant augmenter le prix. En d’autres termes, en sautant les différents intermédiaires, la franchise permet au consommateur d’obtenir des produits à leurs prix réels.

Reste à savoir, l’impacte de ces franchises sur l’emploi. Si celles-ci peuvent offrir des opportunités d’emplois à l’intérieur des régions, force est de constater qu’elles sont majoritairement localisées dans les grands pôles d’ores et déjà développés. Cependant, et là où elles peuvent jouer un rôle majeur, c’est à travers la sous-traitance de la fabrication de certains produits, car si certains franchiseurs imposent l’import de leurs produits, d’autres n’hésitent pas à profiter du marché local et de l’accessibilité des coûts de production. C’est du moins ce qui nous est affirmé par une société tunisienne basée à Zarzouna, à Bizerte, chargée de fabriquer les jeans pour l’enseigne Bennetton :

Si notre chiffre d’Affaires grimpe, c’est grâce à l’implémentation de la franchise Bennetton en Tunisie. La loi sur les franchises a permis à l’enseigne de produire directement en Tunisie, ce qui n’était pas le cas avant. Tout le monde y gagne, le franchisé qui obtient une clientèle, le franchiseur qui vend sa renommée tout en faisant des économies, et nous les sous-traitants.

En l’absence de chiffres officiels sur l’impact des franchises étrangères sur l’économie tunisienne, il est difficile de se faire une idée sur l’étendue des avantages et inconvénients que celle-ci suscite. Il est tout aussi important de noter qu’il n’existe actuellement qu’un seul son de cloche appelant à la multiplication des franchises étrangères en Tunisie. Si certains encouragent cette pratique entrant dans le cadre de la mondialisation de l’économie, il est aujourd’hui impossible de savoir, si réellement ou non, elle a un impact économique et social de grande ampleur.