”Houkoumitna”
Belle initiative que cette page Facebook qui frise les 10 000 “likes” en quelques jours. “Houkoumitna“, tel est son intitulé. “Notre Gouvernement”.
Futur gouvernement s’entend.
Un vrai bain de jouvence avec des bouilles de jeunes femmes et hommes bardés de diplômes qui font acte de candidature spontanée pour prendre place dans la future formation gouvernementale.
Jolis minois contre momies grabataires!
De jolis minois en exergue, cela nous change de cette galerie de momies grabataires appartenant à la camarilla destourienne. Celle-ci s’est carrément bousculée pour occuper le devant de la scène durant ces quelques mois qu’a duré le fameux “Dialogue National”. Dialogue sensé trouver un nom de premier ministre de ce qui sera la troisième phase transitoire depuis la fuite du dictateur, ce 14 janvier 2011 et dont la tâche primordiale serait de résoudre une pléiade de problèmes institutionnels, sociaux, économiques, sécuritaires.
Ouf, on découvre que notre pays regorge de talents. On s’étonne même que durant ces trois années, les médias dominantes, qui continuent à appartenir aux cliques de la Destourie, n’aient pas daigné laisser un peu plus de place à cette jeunesse qui a fourni la majorité des martyrs (plus de 300) et qui a fourni la presque totalité des blessés dont certains porteront les séquelles handicapantes toute leur vie.
“Place aux jeunes”
A l’occasion de la désignation “miraculeuse” de Mehdi Jomaâ au rang de futur premier ministre, lui qui fait figure de jeunot à côté de la quasi majorité du microcosme politique, véritable arrière garde grabataire, les jeunes se sentent repousser des ailes.
D’où cette excellente initiative de “Houkoumitna”.
Certes, c’est toujours l’éternel débat. Des “jeunes” peuvent-ils faire mieux que des “personnes âgées”.
Où se situe le curseur de l’évaluation et qui peut en être juge?
Là où le bat blesse, c’est le contenu de la majorité des CV déposés. Majoritairement pour ce que l’on peut consulter sur le site en question, nos fringants jeunes ont des diplômes qui correspondent à l’air du temps. Souvent dans l’intitulé du déroulé de leurs études, il y a le mot “Bizness” qui revient comme un leitmotiv, mais aussi “Manager”, “Finances”, “informatique”, “conseils en tout”…
Si l’on pouvait mener une enquête auprès de ces prétendants à l’occupation d’un maroquin ministériel, on ne s’étonnerait point de les trouver défendre le monde tel qu’il va.
“Libéraux et ultra-libéraux”
Majoritairement, de parfaits “libéraux” voir “ultra-libéraux”!
On ne peut, bien entendue, que le supposer en dehors d’une enquête approfondie. Il y a bien des offres de services où les candidats s’engagent au bénévolat, mais bon, un ministre, un secrétaire d’État, un conseiller de ces derniers a besoin de se nourrir et de se loger… Et il le sera aux frais du contribuable. Voir la dernière sortie guignolesque de cet ectoplasme de député au tranchant édenté depuis son court passage par l’auberge espagnole, Nida Tounes, nous avons nommé le constituant grand-guignolesque Brahim Gassas.
Ce qui frappe, c’est cette incroyable croyance qu’un individu aussi intelligent et diplômé soit-il serait capable à partir de ses bureaux ministériels de renverser la vapeur et d’aider à faire tourner une machine économique à bout de souffle ou à tout le moins grippée.
Ce qui frappe, c’est cette offre de services tournée vers le monde de la finance à un moment où l’on découvre que c’est ce même monde, peuplé de camelots des temps modernes, qui est à l’origine de la crise systémique du capitalisme mondial.
Rien d’étonnant à voir encore et encore cette incroyable légèreté de ceux qui ont le ventre plein, ne pas voir aussi loin que le bout de leur nez.
A la recherche d’un “Bloc Historique” et d’un nouveau “Programme Commun”
A l’heure où Ennahdha pense s’en être bien tiré avec cette nomination de Mehdi Jomaâ, nomination où elle a gardé la main; plus de deux années après avoir investi la devantures des rouages de l’État, son bilan des deux gouvernements de Hamadi Jébali et Ali Larayedh donne du mouvement politique une image dont la caractéristique principale est l’opportunisme.
Durant ces deux dernières années, Ennahdha a tout fait pour se conformer aussi bien aux désidératas des classes dominantes tunisiennes que des administrations étrangères ayant des intérêts à défendre et à préserver.
Obnubilé par l’échéance électorale à venir où il tente de s’y présenter dans les meilleurs conditions et prenant conscience que son passage aux manettes gouvernementales, pour essuyer les plâtres, lui ont coûté des sympathies dans les rangs de ses soutiens, Ennahdha cherche d’abord, par tous les moyens, de briser toute tentative de regroupement des clans de l’opposition, la laissant à l’écart.
On l’a vu à l’œuvre et aux manœuvres dans son aparté avec le Caïd Essebsi et ses missi dominici à Paris et ailleurs.
Ensuite ce fut le tour de notre éternel “opposant”, Néjib Chebbi, d’entrer dans la danse. Celui-ci a même décidé de quitter le Front du Salut National pour tenter un “zawaz ourfi” (mariage de complaisance) avec Ennahdha qui lui garantisse, pour les mêmes raisons, une meilleure posture électorale.
C’est à la recherche d’un “compromis historique” que s’agitent l’ensemble des cliques de la classe politique.
Mais en plein chamboulement révolutionnaire, les chances de formation d’une bloc homogène autour d’un “programme commun” sont minces.
La raison principale que nos politiciens oublient est que le monde est en crise; l’Europe, notre principal partenaire est en panne de moteur et est à la recherche désespérée de nouveaux débouchés pour sa quincaillerie et à l’échelle de notre voisinage, c’est la pagaille pour ne pas dire plus.
Les autres raisons se trouvent dans l’incapacité d’un quelconque clan des classes dominantes à proposer une sortie de crise qui satisfasse le plus grand nombre qui se recrutent dans les rangs de “ceux d’en bas”. Ceux-ci n’ont toujours rien vu venir trois années après le début du processus révolutionnaire.
Nos jeunes pousses qui font une offre de service dans ce contexte ne pourront que se plier aux exigences de la recomposition en cours en intégrant l’une des écuries pour pouvoir avoir une chance d’exister.
Et si on tentait de nouveau le “Communisme”
L’autre alternative concernant la jeunesse est de ne jamais chercher à prendre place dans ce navire chargé de requins de la politique. Celle-ci doit intégrer l’analyse sérieuse de la crise systémique du système capitaliste mondial en tentant de réfléchir par à elle-même à des issues anti-capitalistes privilégiant la mise en commun contre cette folle guerre de tous contre tous à laquelle nous convient les éternels dominants.
L’idée de mettre en commun, de privilégier le partage à l’appropriation privée, qui était l’idée généreuse du Communisme doit, malgré les échecs et les trahisons, du siècle dernier, trouver de nouveau une place dans les choix alternatifs de société.
Certes il est de bon ton de toussoter sur la vraie provocation, ou à tout le moins de penser que c’est simplement une ineptie que de reparler de “Communisme”. N’a-t-on pas vécu la chute du mur de Berlin, l’effondrement de l’Union Soviétique, de son ère d’influence, le fameux glacis des anciennes républiques de l’Est. N’a-t-on pas assisté à la quasi disparition des nombreux soutiens à travers le monde, qui se sont retrouver, du jour au lendemain, orphelins.
N’est-t-on pas en train d’assister sous nos yeux, aujourd’hui, à un “Parti Communiste Chinois” conduisant d’une main de fer, non l’application du socialisme ,étape transitoire vers le communisme, mais bien au contraire l’application d’un capitalisme privé d’État le plus débridé, celui-là même qui a sauvé durant les deux dernières décennies, le capitalisme, d’une crise beaucoup plus profonde que celle à laquelle nous assistons.
Le monde pourtant est malade, et sa maladie dont les symptômes (guerres et révolutions) ne cessent de se multiplier, risque de nous conduire à une issue fatale.
“L’avenir du Communisme”
Dans un beau livre qui vient de paraître: “L’avenir du Communisme“, un théologien psychanalyste, Maurice Bellet trouve que :
le monde est malade, et sa maladie risque fort d’être mortelle ; le monde est fou, folle l’idéologie dominante qui prétend que tel est l’ordre des choses et qu’on n’y peut rien changer. Les plus conscients, jusqu’à présent, n’ont proposé que de mettre un peu de pommade sur les plaies des pauvres et sur celles de la planète. Personne n’ose s’attaquer à un changement radical de notre rapport au monde et aux autres – le rêve même de la révolution a été perverti par les marchands qui en ont fait un slogan publicitaire pour vendre leur merde. Nous n’avons le choix qu’entre l’attente fataliste de la catastrophe finale et la crispation identitaire et intégriste sur un passé révolu.
Maurice Bellet, L’avenir du Communisme.
Mais il est une voie à explorer : celle du communisme. Non pas celui qu’a tué définitivement le stalinisme, et ses pitoyables avatars, mais ce qui, au départ, représentait une réelle « puissance de séduction et son lien à la grande espérance.» « L’avenir du communisme n’est pas la simple prolongation de ce qu’il en reste. C’est la reprise de l’espérance qui s’incarnait en lui et qui, dans la crise où nous sommes, est plus nécessaire que jamais.»
Au départ, la volonté de Marx était bien de se battre pour qu’on en finisse « avec l’inhumain, avec des relations humaines qui sont en fait destructrices. » Ce qui l’amenait à « un réalisme qui critique à fond tous les arrangements, qu’ils soient de religion, de morale, de philosophie, qui sous prétexte de Dieu, de Devoir ou d’Idée, consentent en fait à un état de choses inadmissible. »
C’est à une telle force inaugurale qu’il nous faut retourner, avec la lucidité que l’Histoire nous a enseignée et avec le courage d’une espérance plus forte que toutes les désespérances. « Du coup, ce qui s’annonce c’est un mode de pensée qui est fondamentalement instable, non parce qu’il s’égare dans la confusion, mais parce qu’il ne peut que basculer en avant. »
Bellet indique que « le corps humain dans sa complexité, est plus riche et plus vaste que le reste de l’univers. Le corps éveillé de l’homme est le centre du monde, car c’est par lui qu’il y a un monde qui s’éveille hors de la torpeur sans fond des choses. La planète Terre vaut plus que tout ce que l’astronomie a pu découvrir jusqu’ici. »
Et tant pis pour les Cassandre!
La définition que vous donnez du communisme est sommaire (idée de partage, d’espérance, de justice social) et pourrait sans aucun problème être appliquée à l’islam où ces concepts sont fondateurs (zakat, combat du prophète contre les marchands mekkois et leur habileté financière, prohibition de l’intérêt, refus des inégalités toujours plus grandissantes au sein de la société mekkoise ante-islamique). Pourtant, je ne pense pas que vous adhéreriez à cette proposition. En Syrie, dans les années 50, de nombreux communistes avaient insisté sur les aspects de justice sociale en se référant également à la norme islamique (tout en ignorant la dimension athée) pour séduire les masses paysanes et ce avec un certain succès. J’aurai aimé que des communistes tunisiens travaillent sur ces aspects de justice sociale avec des islamistes tunisiens.
Réponse à Bassem. Vous écrivez que ma définition du “Communisme” est sommaire! Je vous répond qu’il n’y a pas de définition du communisme autre que celle du mouvement de contestation du régime capitaliste. Pourquoi mouvement, parce que rien n’est écrit d’avance et que tout est fruit de la mobilisation de “ceux qui ne sont rien” et dont la mobilisation contestataire radicale réclame d’être “tout”. Parce que qu’il n’y a pas de réforme possible du capitalisme. Ce dernier n’existe que par l’existence des prolétaires exploités et réduit à l’état de “marchandise”. C’est leur mouvement autonome et indépendant de lutte, de résistance et d’émancipation qui s’intitule “communisme” et non les énoncés dogmatiques et idéologiques dont les sectes en tout genre ont affublé ce nom. Relire le “Manifeste du Parti Communiste”, écrit juste avant que n’éclate la révolution intitulée “Printemps européen” de 1848 (et qui possède les traits caractéristiques du “Printemps” qui secoue notre inter-nation arabe aujourd’hui) et qui toucha l’ensemble de l’Europe continentale. Quant au souffle libérateur de l’Islam des premiers temps. Je ne peux en parler n’étant pas spécialiste de cette période. Mais plus proche de nous, il n’y a que les crétins pour nier que le premier mouvement de résistance et de lutte contre l’occupant colonial chrétien (franco-anglais) le fut d’abord et avant tout grâce à notre attachement à notre identité musulmane. C’est le propre des deux luttes, mais pas les seules, emblématiques de la résistance à la colonisation menées par l’Émir Abdelkader en Algérie au 19e siècle et celle d’Abdelkarim Elkhattabi dans le Rif marocain, au vingtième siècle. Quant aux “communistes tunisiens”, ma réponse, toute subjective, est qu’il n’a jamais existé de mouvement “communiste” à proprement parler dans ce pays. Tout ce que nous avons vu ce sont des mouvements nationalistes radicaux inspirés par la révolution d’Octobre (la première génération liée à “l’Étoile Nord Africaine” dans les années vingts et ensuite des variantes de stalinisme (“soviétique”, “chinois”, “albanais”) qui existent jusqu’à nos jours sous la forme “sociale-patriote”, “nationale-patriote”. Pour ce qui est des “islamistes” tunisiens, je rappelle à Bassem qu’une partie des cadres fondateurs de le nouvelle génération d'”islamistes” à l’échelle de l’ensemble arabe sont issus de la nébuleuse “marxiste-léniniste” des années 1970. Ces “marxistes-léninistes” en rupture de ban d’avec leur “idéologie communiste” (qui n’était en dernière analyse qu’une somme de recettes dogmatiques et sectaires) ont inoculé à l'”islamisme new look” les travers de cette contamination ‘mao-stalinienne”. Y qu’à voir comment les adeptes de ces mouvements brandissent les “Corans” de poche (imprimés probablement en Chine) comme les jeunes gardes rouges chinois brandissaient les petits livres rouges des citations de Mao. Ce n’est pas au sein des mouvements actuels que surgira une tendance “sociale-musulmane” comme ce fut le cas pour le christianisme social des années d’après guerre en France, en Italie pour prendre ces exemple ou à l’image de la théologie de la libération qui fleurie en Amérique Latine. L’explication est que dans notre ère “arabe” (qui n’est en rien une définition ethnique mais simplement géo-politique) il n’y a jamais eu de véritable mouvement “bolchévique”, capable de s’adapter à la composition sociale telle qu’elle est et non telle que certains l’a mythifie.
Certes. Mais, le problème est je crois l’absence de la figure de l’ouvrier en tant que classe. Il n’y a pas eu de classe ouvrière dans les pays arabes avec sa conscience de classe, sa culture et son habitus. C’est pourquoi d’ailleurs les tentatives communistes dans les pays arabes ont souvent échoué faute d’avoir cette base sociale. Une piste est peut-être à chercher dans la figure de l’employé, qu’il soit de bureau, qu’il soit petit fonctionnaire et tous ceux qui occupent des fonctions assez limitées.