Tunis/Genève, 10 Octobre 2013.

L’Assemblée nationale constituante (ANC) de la Tunisie, en tant que parlement transitoire, a adopté hier soir 9 octobre 2013 la Loi organique relative à l’Instance nationale de la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’Instance effectuera des visites régulières et inopinées dans tous les lieux de détention et de privation de la liberté, afin de prévenir la torture et autres mauvais traitements. La Tunisie met ainsi en œuvre les obligations du Protocole facultatif à la Convention contre la torture (OPCAT), ratifié par le gouvernement transitoire en juin 2011, faisant de la Tunisie le 60e Etat parti au Protocole.

La Tunisie devient ainsi le premier pays dans le monde arabe à créer un Mécanisme national de prévention (MNP) et le cinquième dans le continent africain, et ce en vertu du droit international des droits humains.

Cette Loi organique crée une Instance composée de 16 membres indépendants, neutres et multidisciplinaires, élus par le pouvoir législatif pour un seul mandat de sept ans. La composition est comme suit : 6 membres issus de la société civile, deux professeurs universitaires, un spécialiste de la protection de l’enfance, deux avocats, trois médecins et deux juges à la retraite.

Suite à ses visites, l’Instance va formuler des recommandations afin d’améliorer le système et les conditions de privation de liberté. Elle traitera également des plaintes et devra enquêter sur les cas de torture et autres mauvais traitements.

La torture en Tunisie est encore loin d’être éradiquée. Les ONGs internationales et nationales appellent donc les autorités concernées à lancer sans tarder le processus de désignation des membres de l’Instance.

Vu l’importance de ce nouveau mécanisme de prévention; vu le processus participatif de l’élaboration du projet de Loi et vu la durée relativement longue du mandat, il serait souhaitable et vivement recommandé que la société civile puisse participer à titre consultatif durant ce processus, notamment pour la désignation des membres de la première composition qui établira les bases pérennes des bonnes pratiques de fonctionnement.

Les capacités et qualités individuelles de chaque membre, leur indépendance des pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire ou politique, ainsi que leurs connaissances et acquis personnels seraient un atout majeur pour la réussite du MNP tunisien, dont on espère qu’il sera considéré comme le modèle et la locomotive à suivre dans toute la région.

Il est toutefois regrettable que les débats s’étaient déroulés sans que cela puisse réunir tous les députés, mail il est réconfortant de se rappeler que les travaux préparatifs de cette Loi étaient suivis et soutenus par la majorité des groupes parlementaires.

Le projet de Loi a été négocié dans un esprit et un processus participatifs impliquant les experts en droits humains de la société civile et des pouvoirs publics, en s’appuyant sur les meilleures pratiques internationales.

Malgré le fait que certaines des recommandations des organisations des droits humains n’ont pas été prises en considération, notamment le risque d’entrave quant au fonctionnement normal de l’Instance que peut engendrer un éventuel usage de l’article 13 de la Loi, les acteurs de la société civile saluent l’adoption de la Loi dans son ensemble et s’engagent à veiller à ce que l’Instance soit à la hauteur de leurs attentes.

Les représentants de la société civile rappellent que : “Les lieux de privation de liberté ne sont pas des lieux de privation des droits” et que toute personne, qu’elle soit en pleine possession de sa liberté ou qu’elle en soit privée, devra être traitée dans le respect de sa dignité humaine.

Contacts :

Esther Schaufelberger, APT, Genève, tél. 0041 22 919 21 74, esther@apt.ch.
Halim Meddeb, OMCT, Tunis, tél 00216 23 660 689, hm@omct.org.

Signataires :

OMCT, APT, AI, AISPP, AJR, ATJA, ATRP, CHAHED, DIGNITY, EL KARAMA, HAWA, INSAF, LIBERTE&EQUITE, LTDH, OTIM, OTRPS, REPREIVE

⬇︎ PDF