Par Farhat OTHMAN
Une lecture ricœurienne
Mes fidèles lecteurs savent que je milite pour ce que je ne suis pas seul à qualifier d’islam des Lumières, une religion postmoderne essentiellement spirituelle, comme dirait Henry Corbin, et que j’ai proposé d’orthographier de la sorte, dans l’esprit du temps, le zeigeist postmoderne : I-slam.
Dans cet article faisant suite à un précédent et annonçant un autre, je présenterai quelques aspects de cet i-slam auquel j’appelle, soit le passage de l’idéologie actuelle à l’utopie future, et ce selon une lecture ricœurienne.
On sait qu’en matière de ces notions d’idéologie et d’utopie, la lecture de Paul Ricœur est incontournable, étant désormais la référence indépassable en la matière. Bien évidemment, le recours ici à Ricœur se fait selon l’objet de mon étude, et donc avec les éventuels voilements qu’il impose forcément.
Je commencerai par parler de l’idéologie musulmane, soit ce que nous avons sous nos yeux comme legs de nos ancêtres, confrontée à l’utopie islamique, cette approche renouvelée de l’islam, le faisant passer du simple culte où il est tombé en cette culture brillante qu’il a été et qu’il est susceptible de redevenir. C’est à cela que je réserve l’épithète islamique et qui semble relever de l’utopie pour nombre d’esprits encore anesthésiés par un dogmatisme qu’il soit religieux ou laïc.
Il s’agit, bien évidemment, d’une réflexion se voulant hauturière, qui peut désorienter, car étant loin de nos habitudes de pensée éculées avec la structuration si chère à l’esprit français en thèse, antithèse et synthèse. En cela, elle est en droite ligne de la pensée ricœurienne qui a démontré l’étroit rapport entre l’idéologie et l’utopie en les reliant et en les démystifiant.
Pour nous, comme pour Ricœur, il est évident qu’aux idées elles-mêmes, on a peu l’habitude de substituer leur couleur, omettant de donner et le fruit et son écorce et laisser sa liberté au lecteur pour l’illusoire plaisir d’une consommation toute prête sans cette possibilité d’examiner d’abord le fruit dans son entièreté, loin de tout prêt-à-penser lénifiant et réducteur pour son intelligence.
C’est que nous n’oublions pas que si l’homme se définit par son intelligence, il ne se limite pas à elle, mouvante et à enrichir constamment, sauf à se réduire en automate, lequel peut être de la pure intelligence artificielle, et donc dans le même temps, bien pire que la pure bestialité. Car, comme de bien entendu, l’animal est toujours en mesure d’être guidé par son instinct, base infaillible de l’intelligence naturelle.
Si l’homme doit donc être réduit à quelque condition irrésistible, c’est celle d’un être intégré à un tissu social et donc soumis à son influence, tout comme à celle du monde autour de lui étant, ainsi que le précise le titre d’un livre de Ricœur, soi-même comme un autre.
Nous prétendons donc, à la manière de Paul Ricœur, distinguer l’i-slam des Lumières de ce que je qualifie d’islam bédouin, qui est son antithèse et qui est l’idéologie alors que le premier serait l’utopie. Il s’agit de deux phénomènes ambigus, ayant chacun son côté négatif et son côté positif, un aspect constructif et un aspect destructeur, une dimension constitutive et une dimension pathologique.
Nous l’expliciterons ci-après tout en conseillant de revenir, pour de plus amples détails, à l’analyse de Ricœur, jamais dépassée en la matière. Et nous ne manquons pas l’occasion de signaler à nos intellectuels fermés dans leur conformisme, car enfermés dans la pensée académique venue de France, que ce représentant majeur de la pensée humaine fut trop longtemps tenu à l’écart de la scène intellectuelle française, n’y ayant reçu qu’une reconnaissance tardive alors qu’il était célébré hors de son pays. Mais n’est-ce pas là le sort de tout prophète ?
De l’idéologie musulmane…
Expliquons-nous en disant tout de suite que l’aspect pathologique de l’idéologie musulmane est aujourd’hui le plus évident aux yeux, notamment eu égard à une fausse conception et de la religion et de la laïcité. Ces deux notions ont été viciées, puisque leur acception actuelle ne correspond pas à ce qu’indique leur étymologie, soit ce qui fait lien, pour la religion, et ce qui est commun au peuple, pour la laïcité. Mais une pratique occidentale, française quasi exclusivement, fait de ces deux notions, comme on ne le sait que trop, une coupure avec toute altérité et avec la moindre spiritualité, surtout religieuse.
Pour démonter les ressorts de cette caractéristique, on fera ce qu’on appelle une analyse régressive ne s’intéressant à l’écume des apparences que pour aller en leur creux, partant de la surface des choses, de ce qui est visible donc, et allant vers le fond.
Comme l’idéologie reflète la situation de classe d’un individu, même s’il n’en a pas conscience, tout en levant le voile sur la dissimulation qu’elle conforte, exprimant la perspective de classe, l’islam bédouin dissimule une mainmise autoritaire sur le pouvoir par l’appel à l’autorité des anciens dans l’interprétation du texte sacré, appel qui sert moins la religion et sa vitalité aujourd’hui que la pérennité de la classe au pouvoir, la religion devenant son totem, comme dans la tribu primitive.
Pareillement, nous retrouvons dans le concept d’utopie, qui a également mauvaise réputation, étant considéré comme cette espèce de rêve social déconnecté de la réalité, les étapes nécessaires pour la construction effective d’une nouvelle société, l’islam des Lumières apparaissant comme cette rêverie d’un promeneur solitaire, aveugle à son environnement et surtout à ce principe de réalité réducteur, importé d’une conception dépassée, voulant nier tout intérêt à la spiritualité, à la foi comme nécessité inévitable pour l’être humain. Or, celui-ci est communautaire par excellence, la communauté étant d’abord une conscience partagée, un divin social pour user d’une terminologie durkheimienne.
De fait, comme le démontre Ricoeur pour sa propre thématique, il existe deux versants intimement liés entre ces deux islams dont la polarité et la tension dans l’exégèse du corpus religieux de base peuvent être révélées par l’examen d’une polarité analogue à l’interprétation éclairée. Le premier versant est positif, propre à l’islam comme fait humain majeur, et que j’appelle islam des Lumières ou i-slam pour abréger; l’autre versant est obscurantiste, issu de la tradition musulmane selon une lecture bédouine, donc inauthentique.
Il s’agit ainsi d’une double polarité entre deux lectures antinomiques de l’islam, et au sein de l’islam lui-même, selon qu’on l’approche en religion ou en code de la vie civile. Cela nous permet d’obtenir des traits structurels que Ricoeur appelle «imagination culturelle» et que nous retrouvons dans notre approche renouvelée de l’islam, le faisant passant du cultuel au culturel.
Bien évidemment, il est facile de prendre la notion d’islam des Lumières pour une utopie, au sens classique, malgré la réalité historique concrète qu’il a eue et dont rien n’exclut a priori de nier son retour, notamment avec cette dynamique du temps qui revient, à la faveur de la postmodernité, vers les valeurs d’antan. Mais il est bien plus facile de considérer une idéologie, dans son sens classique et qui a épuisé sa signification, l’islam actuel tel qu’il se pratique, notamment dans sa déclinaison cultuelle rigoriste, cet islam bédouin.
Or, comme le démontre si bien Ricoeur, l’idéologie est un concept polémique qui n’est jamais assumé, étant invariablement présenté comme l’idéologie de l’autre. Bien au contraire, l’utopie quand elle est assumée, ainsi que cela reste possible au-delà d’un réel faussé, est l’objet de plaidoyer et de combat par ses adeptes.
Aussi, croyons-nous que si l’idéologie de l’islam bédouin doit être effectivement récusée, y compris par ceux qui ne s’en réclament pas formellement tout en s’y conformant matériellement, il nous faut assumer ce qu’on prend pour utopie, cet islam des Lumières en tant que seul horizon possible de l’islam postmoderne, un i-slam bien dans sa peau, une religion de son temps.
Car dans les deux conceptions, celle anachronique à dépasser et celle postmoderne à faire advenir, à épiphaniser en quelque sorte comme diraient nos amis chrétiens, existe une même fonction essentielle, celle de l’autorité de la religion, du droit au sacré dont le retour est la caractéristique majeure de la postmodernité. La seule différence est que ce retour du sacré est un retour sous forme d’instant éternel, ne puisant sa sève que dans l’essence de la spiritualité qui est de tout temps et non dans une seule de ses couleurs, celle prise en un temps et qui s’est défraîchie avec le temps.
Si on a assez d’objectivité et d’honnêteté, on ne peut que reconnaître que l’idéologie musulmane actuelle — en y incluant sa déclinaison caricaturale issue de la lecture bédouine décriée par l’islam lui-même — ne fait que légitimer un système d’autorité absolue, celle d’un régime de dictature assis sur la légitimité de la religion asservie à ses vues. À l’opposé, l’utopie de l’islam des Lumières est bien évidemment une négation de pareil pouvoir, puisqu’en défaisant sa conception faussée de la religion, son assise politico-religieuse, elle lui enlève toute légitimité. Et l’effectivité de cet islam des Lumières n’en est que plus admissible du fait justement de ce problème de crédibilité dans le système suranné de légitimation de l’autorité des régimes politiques musulmans, notamment ceux ayant une conception rigoriste, donc bédouine, de l’islam.
Comme Ricoeur résumant sa problématique par la fonction excentrique de l’imagination impliquant fatalement le paradoxe de l’utopie, dont l’excentricité ne serait alors qu’un remède à la pathologie de la pensée idéologique, la fatalité de l’islam des Lumières vient précisément de l’aveuglement de l’islam officiel et bureaucratique à voir la réalité de la spiritualité populaire tout en reconnaissant son incapacité d’en tenir compte. Ce qui est bien normal puisque nous sommes en postmodernité, à l’âge des foules et de l’effervescence globalisée, internet et les technologies des communications obligent.
… à l’utopie islamique
La plausibilité de pareille utopie tient surtout dans sa capacité innovatrice et régénératrice, bien présente dans l’imaginaire populaire arabe musulman sous la forme d’un âge d’or réel quoique biaisé. Il s’agit bel et bien de cette capacité à redonner vie à un tel rêve de temps illustre, à concevoir un « quelque part » au « nulle part » auquel aboutit l’islam actuel. Et c’est d’autant plus efficace dans l’imaginaire populaire que ce quelque part se décline en termes d’universalité, répondant à une prétention majeure de la religion comme sceau des religions.
Nous savons qu’au début, l’idéologie chez Marx était moins opposée à la science qu’à la réalité, identifiant la praxis dont il faisait l’antinomie de l’idéologie. Ainsi, aucun changement de la réalité n’était possible selon lui s’il ne s’opère que par la voie des mots et des idées et sans s’attaquer à la praxis. Bien sûr, Marx charge de ce changement nécessaire une classe sociale représentant l’Universel et qui, n’ayant rien et n’étant rien, devient tout. Nous ne suivrons Marx ici qu’en partie, tout comme l’a fait Ricoeur dénonçant son omission contextuelle, notant le renversement de la réalité où le réel se mue en phénomène où il n’est plus d’idée, réduite à n’être qu’un tel phénomène réducteur.
Pour nous, l’important est de relever dans le marxisme des origines cette métaphysique de l’Universel hégélienne donnant une vision humaniste des choses, même si elle est limitée à une classe de travailleurs aliénés par leurs conditions de vue. Aussi, donne-t-elle non plus une classe de travailleurs, mais une catégorie de croyants aliénés dans leur foi, avec une conception qui demeure humaniste en ce qu’elle tend à rendre ces croyants à leur foi, une foi justement universelle, car elle ne serait plus aliénée.
Comme chez Marx, l’objectivation du travail s’opposant à son aliénation, nous aboutissons à une objectivation de la croyance qui, en passant au degré supérieur de la foi universelle, met fin à l’aliénation de la croyance en répondant à cette faim de croire postmoderne, au droit au sacré confirmé en notre époque libérée enfin du positivisme trompeur d’une Modernité dépassée.
Entre croyance et foi, c’est en fait la différence entre une approche cultuelle et culturelle de la religion, une conception locale et universelle de l’islam. C’est la même chose que pour le passage de l’être humain de l’âge d’enfance à sa vie d’adulte. Dans la première période, ce qui compte est la vie intérieure où on est soi tout en dépendant réellement d’autrui; et dans la seconde, on est ce qu’on fait, où soi est un autre tout en ne dépendant théoriquement de personne. Ainsi, et comme c’est en s’actualisant au miroir de notre prochain qu’on s’actualise réellement, on n’a la foi véritable qu’au miroir de celle d’autrui qui en confirme la véracité.
Paradoxalement, on réhabilite ainsi, lui donnant réalité, ce que Marx considérait comme une abstraction, cette vie de l’esprit; seulement c’est parce qu’elle n’est plus l’idéologie que dénonçait le philosophe comme maladie de la vie intellectuelle, opposée au travail, mais bien justement cette valeur essentielle qu’est le labeur, un travail sur soi pour que soi soit l’autre, sans se renier soi-même.
L’idéologie musulmane (et nous ne disons pas islamique, bien évidemment, car nous distinguons les deux termes, seul le terme musulman relevant de l’idéologie, celui d’islamique fondant l’utopie) n’est ainsi que l’imaginaire d’une croyance telle qu’il nous a été légué par nos ancêtres. Or, s’il est opposé au réel, surtout de nos jours, c’est parce qu’il ne correspond plus à notre réalité d’aujourd’hui et à l’imaginaire des croyants hic et nunc, ce que Michel Maffesoli, le pape de la postmodernité, nomme le réal.
Bien mieux que ce que dit l’analyse marxiste concernant la définition du concept d’idéologie (en le faisant dépendre de ce qu’est la réalité avec laquelle elle contraste, et qui est la classe ou l’individu), nous disons donc, pour ce qui nous concerne, qu’elle dépend certes de ce qu’est la réalité à laquelle elle s’oppose, mais non pas la réalité officielle, imposée par un régime policier, mais celle du peuple, une réalité qui n’est pas moins réelle combien même elle reste informelle, et dont la pertinence est attestée dans l’imaginaire populaire.
La lecture postmoderne de l’islam des Lumières, cet i-slam des temps d’aujourd’hui, et sa lecture classique orthodoxe du passé ou rigoriste salafie, soit bédouine, anathémisée par le texte sacré lui-même, sont comme le disait Heidegger de la poésie et de la philosophie se tenant sur deux cimes différentes, mais ne voyant pas la même chose. Ils sont les deux cimes de la foi, n’en rendant pas le même credo, l’un étant une croyance irrationnelle, propre à un besoin inné dans l’homme, et l’autre une foi a prétention scientifique traduisant ce que l’homme a de meilleur, sa raison lui enseignant qu’il n’est rien sans l’amour de son semblable.
Bien évidemment, dans le marxisme tardif, l’idéologie a moins été opposée à la vie réelle qu’à la science, celle-ci résumant même la pensée de Marx, et pour laquelle la signification de la base réelle de l’histoire reste le jeu entre les forces productives et les rapports de production. Et nous avons ici la fameuse détermination de la superstructure ou l’idéologie par l’infrastructure. Comme le précise Althusser, l’idéologie est inconsciente, n’étant pas maîtrisée par la conscience, et elle en arrive à devenir indépassable, puisqu’il n’est pas possible de tout porter au niveau de la conscience. Il reste qu’il faut être attentif aux relations venant relier la pensée au champ observé, et donc à la nécessité et à la nature du cadre conceptuel.
Comme le dit encore Althusser de la problématique, à savoir que si le philosophe arrive à penser, c’est qu’il ne fait que penser en elle et non point la penser elle-même, on peut tout autant dire que le croyant, par rapport à la foi, arrive à croire et ne fait que croire qu’il croit à la religion, mais il n’y croit pas telle qu’elle est en elle-même, ce que ne permet que la foi et non la simple croyance. Et ici, on se réfère bien sûr à la distinction des scientifiques entre la foi qui peut être scientifique et rationnelle et la croyance qui est irrationnelle et mythique. En effet, la croyance reste inconsciente, car non maîtrisée par la conscience, surtout si elle se présente comme définitive, indépassable; et c’est uniquement la foi qui est capable de se hisser au niveau de la conscience en se libérant de la fatalité d’une fixité de la croyance.
Pareillement à l’idéologie déformant la praxis médiée symboliquement et à cette distorsion au discours qui n’est ni scientifique ni idéologique, n’étant qu’anthropologique, nous disons que la croyance déforme la foi médiée symboliquement et son discours est une distorsion de la vérité, et ce même s’il se présente comme scientifique, n’étant au mieux qu’anthropologique. Au contraire, la foi si elle est anthropologique au départ, c’est en science sociale et non en idéologie que se situe sa prétention, et elle a le sort de la science par rapport à la vérité, son objectivité étant pour le moins une objectivité basse à défaut d’être pleine, ne serait-ce qu’un temps.
Il nous faut signaler que Mannheim, cité par Ricoeur notamment par référence à ce qu’il appelle la Mentalité Utopique, avait déjà dépassé l’opposition classique entre les deux notions, mettant l’accent sur les arrière-pensées de l’utilisateur. Ainsi, allant au-delà de Bacon et de Machiavel et leur théorisation de l’idéologie, il revenait à la Bible et à la problématique de la véracité de la prophétie entre prophètes véridiques et faux prophètes.
C’est ainsi qu’une connotation négative a commencé d’affecter l’idéologie opposée à la vérité, définitivement consacrée, note Ricoeur, par Napoléon qui qualifia d’idéologues tous ceux qui s’opposaient à ses ambitions politiques. C’est que tout le long de la période allant de la fin du XVIIIe au début du XIXe siècles, les philosophes étaient appelés idéologues sans le moindre sens péjoratif, puisque l’idéologie avait encore son sens premier, désignant tout simplement les idées de ces penseurs et leur école de pensée.
Aussi, de système philosophique ou système d’idées et de croyances, voire de doctrines propres à une époque, à une société ou à un groupe social, l’idéologie est tombée dans ce sens péjoratif de philosophie vague et nébuleuse, fondée sur des idées creuses.
Une telle conception a été accentuée par celle donnée simultanément à l’utopie qui n’apparaissait que comme une idéologie en devenir opposée à l’idéologie instituée. En effet, comme aucune conscience ne peut se libérer d’un joug sans entrevoir et conceptualiser ce qui est de nature à le mettre à bas, ainsi que le soutient Ricoeur, c’est toujours une utopie — ou ce qui est présenté comme tel par l’idéologie instituée — qui définit ce qui est idéologique.
Réhabilitation de l’utopie
Ainsi la caractérisation de l’utopie, si elle n’est pas nécessairement fausse, est-elle invariablement liée aux affirmations des groupes en conflit. Aussi, et la conclusion ricoeurienne est imparable : l’utopie est ce qui ébranle un ordre donné alors que l’idéologie est ce qui préserve cet ordre. Ce qui n’exclut nullement que l’utopie d’aujourd’hui devienne l’idéologie de demain confrontée à une nouvelle utopie qui viendrait la contester et qui serait une idéologie en devenir.
Appliquant cela à notre religion, il est évident que l’islam fut cette utopie qui est venue contester un ordre établi et son idéologie, celle du paganisme. Ensuite, l’islam des Lumières a été l’idéologie de l’apogée de la civilisation de l’islam, et il a été contesté par d’autres idéologies, venues de l’extérieur, eu égard à la nature universaliste de l’islam. Ces dernières n’ont réussi à prendre les traits de l’utopie qu’avec la Renaissance européenne et le bouleversement qu’elle entraîna, donnant naissance à la modernité occidentale. Aujourd’hui, l’idéologie musulmane est un islam antique, vivotant sur ces acquis dépassés, versant dans le rigorisme pour contrer l’utopie qui le conteste et qui est celle de l’islam spirituel, une nouvelle idéologie de l’islam rationaliste et universaliste, un islam postmoderne, mon i-slam.
Le nerf de cette guerre qui ira, à n’en pas douter, en s’accentuant est une question fondamentale puisant aux sources mêmes de l’islam, celle de la légitimité de l’exégèse du texte et son interprétation selon un sens précis, le télos grec qu’est la cause finale, et qui est l’esprit des textes au vu des intentions divines.
C’est d’ailleurs ce qu’à fait Weber, que cite Ricoeur, avec l’introduction de la notion de motivation et qui examine les rapports humains en termes de dominés et de dominants avec une attention particulière à la jonction des prétentions et des croyances à la légitimité
Dans ce schéma, l’idéologie est la légitimité quêtée par l’autorité, soit en tant que système en place cherchant la pérennité soit en tant que réponse contestataire à cet ordre saturé. Dans les deux cas, il y a une croyance qui est défendue ou proposée.
Tout comme Weber qui prône l’interprétation compréhensive selon l’action, l’activité d’autrui, une forme de violence étant inévitable pour établir une loi, même majoritaire, nous pensons que l’interprétation de la religion ne doit plus être selon le canon musulman tel que laissé par les anciens, mais plutôt selon une conception compréhensive tenant compte de la croyance populaire.
Dans les deux cas, on n’échappera pas à la violence; mais elle ne sera pas celle d’une minorité, celle de la religion instituée, mais plutôt le propre de la majorité, l’islam populaire. D’autre part, elle sera assurément celle d’une nouvelle interprétation islamique renouvelant l’exégèse musulmane qui s’est imposée, et ce en revenant au texte coranique et en renversant la primauté de la Sunna, la tradition du prophète, sur le Coran ainsi qu’elle a été interprétée et s’est imposée tout au long de l’histoire. Bien évidemment, cela rouvrira la porte à l’herméneutique coranique qui a fait abusivement l’objet d’une fermeture dogmatique en plein essor de la culture arabe musulmane et ce durant la première période abbasside pour des raisons essentiellement politiques.
Il sera alors aisé de démontrer, comme l’a fait Weber avec son schème motivationnel, que les idées dominantes sont énoncées par la classe dominante. En l’occurrence, la législation musulmane actuellement en usage, héritée du fait de cette fermeture dogmatique, n’a été que le rapport de force d’une époque qui a vu l’échec d’une mouvance rationaliste et le triomphe des traditionalistes en étroite collusion avec des intérêts politiques de classe. Cela a déterminé aussi l’esprit qui a dominé l’interprétation de cette législation dans le cadre figé à l’époque de quatre rites majeurs et l’oubli, à cause de cet aspect de la relation au pouvoir dominant, de nombre d’autres non moins importants.
Plus que jamais, en notre monde de circulation ininterrompue de tout, surtout des idées et des croyances, l’idéologie — y compris religieuse — concerne au fond la communication et la médiation symbolique de l’action. Or, nulle action n’est sensée et rationnelle si elle n’est pas sereine, étant l’extension concrète d’une autoréflexion. De fait, la question qui se pose est de se demander comment un sujet, en l’occurrence le croyant, pose-t-il un objet en face de lui, ici sa foi, comment construit-on le principe de réalité, ici sa pratique de la foi ?
Le recours à Habermas est utile en la matière. Il a caractérisé le genre humain concret comme sujet d’une synthèse; ce qui, comme l’expose Ricoeur, permet de disposer à la fois d’une catégorie anthropologique, et d’une catégorie épistémologique. Ainsi, poser que le travail produit la synthèse de l’objet, n’est pas simplement remarquer le rôle économique de l’activité humaine, c’est aussi comprendre la nature de notre connaissance, la manière dont nous appréhendons le monde.
Parlant en termes spirituels, nous dirons que cela implique de ne pas remarquer que l’aspect apparent du donné religieux, les actes surtout quand ils se veulent spectaculaires, mais aussi ce qui les fonde, la nature de la connaissance de la religion, la manière dont on lit cette religion. Et en cela, la responsabilité la plus grande n’est plus le propre de ceux qui agissent, les nervis salafis, mais bien plutôt de ceux qui théorisent directement ou indirectement leur idéologie d’exclusion, faisant d’une religion de paix et d’amour celle de la guerre et de la haine
Par ailleurs et du moment qu’il s’agit de l’appréhension de notre monde, on n’échappe pas aux enseignements de la psychologie et surtout de la psychanalyse. C’est ce qu’a tenté Habermas aussi qui rappelle Freud et l’advenue du “moi” en lieu et place du “ça”. Pareil passage de l’inconscience à la conscience aboutit à une reconnaissance de soi qui ne se réalise qu’à travers la résolution et la disparition des résistances. Or, comme c’est clairement précisé par Habermas ainsi que l’interprète Ricoeur, le concept de résistance est au coeur de l’idéologie, celle-ci se résolvant en un système de résistance.
Nous le voyons bien avec l’islam dogmatique qui est bel et bien une résistance à tout changement, y compris le moindre, eu égard à un environnement perçu hostile et donc — et la raison ne peut que s’y plier — on ne peut que pratiquer la fermeture à outrance d’une religion menacée, agressée. Cela aboutit aussi à la fermeture totale des yeux sur un refoulé qui revient forcément de temps en temps sous forme de vagues extrémistes.
Réintégration de l’islamisme dans l’islam
Sortir de la conception musulmane actuelle, cette idéologie dominante, pour entrer dans l’utopie islamique aura pour conséquence de ramener dans l’islam l’islamisme qui en est sorti par esprit de révolte contre l’idéologie sclérosée sans apporter la solution adéquate. Celle-ci consiste en un retour à l’islam authentique, mais qui n’est pas celui du texte figé de l’islam, étant plutôt dans l’esprit vivant de ce texte. C’est donc non pas d’une sortie de l’islamisme de l’islam qu’il s’agit, comme d’aucuns y appellent, mais d’une réintégration de l’islamisme dans l’islam authentique pour le sortir de sa fausseté islamiste stérile et contraire à l’esprit islamique.
En effet, voulant retrouver le sens véritable de l’islam, l’islamisme le perd en s’accrochant à l’apparence, ne faisant pas mieux que ceux qui, relevant de l’idéologie musulmane, n’ont fait qu’ergoter selon un texte figé. Or, l’islam est venu comme une révolution mentale, une utopie incarnée, et il le reste dans ses visées, de par l’esprit de ses préceptes.
On a vu d’ailleurs comment Ricoeur, réussissant l’archéologie de l’idéologie, est parti de la surface du concept, où il a repéré la distorsion, pour creuser un peu et tomber sur cette question existentielle de savoir quel sens donner à l’existence d’une pensée déformante générée par la structure des classes. C’est alors qu’il a emprunté à Clifford Geertz le concept d’intégration, l’idéologie se muant en facteur d’identité. Il s’agit bien évidemment, tel que nous l’enseigne la sémiotique, d’un stade éminent de la symbolisation permettant grâce à l’oeuvre de déformation de réaliser un processus de légitimation.
On renoue ici avec Weber et sa conception de l’homme araignée, tissant une toile de significations à laquelle il s’accroche. C’est aussi la force absolue du récit dans la vie des hommes où tout est narration, mythique ou véridique. Il est évident que de la sorte, il a été aisé à Ricoeur de s’éloigner de la conception classique marxiste de l’idéologie avec la distinction entre superstructure et infrastructure, puisque l’infrastructure produit son système symbolique, élément de la constitution fondamentale de l’être humain. Cela lui a permis aussi d’établir le rapport étroit qu’entretient l’idéologie avec la rhétorique, l’œuvre de distorsion de l’idéologie étant moins celle de la communication qu’une rhétorique de la communication de base.
Et c’est ce qui a autorisé à Ricœur de se demander si l’on peut parler d’idéologies en dehors de situation de distorsion, juste par référence à la fonction basique d’intégration. Ainsi pose-t-il la question de savoir dans quelle mesure la fonction d’intégration d’une culture, qui n’est pas contestée par une forme alternative pour produire de l’intégration, nous permet d’y voir de l’idéologie?
Or, nous faisons ici la même chose, mais juste en inversant les données, en ce sens que nous soutenons qu’il nous est impératif de contester le corpus juridique actuel, le legs du droit musulman tel qu’hérité de nos jurisconsultes selon les quatre rites consacrés. Ce faisant, on sera en droit de qualifier ce legs d’idéologie et de pouvoir ainsi prétendre la disqualifier comme étant inappropriée à notre temps et oser y substituer une autre idéologie, au sens propre du mot rappelé ci-dessus, et qui ne serait encore qu’une utopie. Mais à la différence des islamistes, nous ne reprenons pas la même idéologie, quitte à l’altérer; nous en tirons plutôt la substantifique moelle en l’érigeant à son statut originel d’utopie.
Nous relions ainsi intimement l’idéologie à l’utopie ainsi que l’a fait Ricoeur à la suite de Mannheim, puisque ce dernier trouve aux deux notions ce point commun qui est la non-congruence ou désaccord avec la réalité. S’agissant de l’utopie, Mannheim y voit un complexe, non seulement d’idées, mais aussi de sentiments, soit une mentalité où on peut percevoir toute une existence. De la sorte, on ne peut envisager la vie sociale sans une utopie, ce dessein qui structure son imaginaire et qui ne peut pas ne pas exister, au contraire de l’idéologie. Cette réhabilitation de l’utopie chez Mannheim est approuvée par Ricoeur avec quelques réserves qu’il puise dans les idées du socialisme utopique du XIX siècle, notamment chez Saint-imon et Fourier. Il rappelle l’importance du génie individuel aux groupements humains ainsi qu’on l’a vu avec Engels le substituant à la classe.
Évoquant Fourier et son utopie, Ricœur note qu’il est intéressant de relever que l’élément religieux avait pour lui une signification certaine, à la fois négative et positive. Si elle est négative du fait que la religion institutionnelle reste traumatisante avec cette image d’un Dieu se muant souvent en tyran cruel, elle n’en demeure pas moins positive, car la religion s’exprime par le fait que l’attraction est un code divin. L’invocation de Dieu est aussi forte que son rejet. Ricoeur parle lui-même de la nécessaire conjonction du soupçon et de la récollection. Et pareil paradoxe est à relever faisant de Fourier un visionnaire puisque nous assistons à cette ambivalence de la religion en notre postmodernité
Avec Ricoeur, nous ouvrons ainsi au croyant musulman une multitude de portes d’accès à la philosophie de l’islam postmoderne, en proposant des éclairages insoupçonnés sur la façon de croire et sur la foi ainsi que sur l’interprétation des textes sacrés tels que les musulmans pensaient les avoir lus et compris.
L’approche ricœurienne de l’idéologie et de l’utopie nous a ainsi servis de levier pour étayer notre propre théorie de l’idéologie musulmane et de l’utopie islamiste et ce au sens de corpus actuel du droit musulman pour la première, y compris dans sa déclinaison rigoriste, et de lecture rénovée de l’islam en tant que religion des Lumières, pour la seconde, loin bien évidemment de l’acception à la mode du mot islamisme.
En l’occurrence, contrairement à ce que pensent donc certains de nos intellectuels appelant à sortir l’islam de l’islamisme, nous confirmons qu’il nous faut nous employer à le faire rentrer dans l’islam selon cette conception que nous affinerons dans des articles à venir, pour retrouver l’islam des origines, un islam toujours révolutionnaire tout en étant de son temps, soit la religion de la postmodernité.
Je poursuivrai ces réflexions avec encore l’éclairage de Ricœur dans un article à venir; mais ce sera à travers la lecture qu’il fait lui-même d’un autre texte de référence, la thèse incontournable sur l’habitude de Ravaisson, cette intuition fondamentale d’après laquelle il y a un fonds spontané nécessaire et involontaire à la base de la volonté.
Pour ce qui me concerne, cette volonté est celle de la croyance, et je l’applique à ce que j’appelle l’habitude musulmane de croire que j’oppose à la foi islamique, seul acte de foi digne de l’islam des Lumières.
Références :
Sur Paul Ricœur, cf. L’idéologie et l’utopie, Seuil, La Couleur des Idées, Paris, 1997. On en trouve une présentation exhaustive ici : Paul Ricœur, “L’idéologie et l’utopie”
Sur Henry Corbin et l’islam spirituel, cf. par exemple l’excellente préface de son élève Gilbert Durand : La pensée d’Henry Corbin et le Temple maçonnique, au testimonial : Temple et contemplation, Médicis-Entrelacs, 2006.
De Gilbert Durand, maître incontesté aujourd’hui de l’imaginaire, lire notamment : Science de l’homme et tradition, le “nouvel esprit anthropologique”, Paris, Tête de feuilles/Sirac, 1975. Lire notamment le chapitre consacré à l’islam qu’il appelle Homo orientalis.
Sur l’i-slam, cf. ma présentation : Dites bonjour à l’i-slam en Tunisie !
Sur l’article annonçant celui-ci, cf. : La religiosité entre surhomme occidental et surcroyant musulman
Article à suivre :
Foi islamique et croyance musulmane : De la morale à l’éthique ou de l’habitude religieuse
Franchement, vous avez éveillé ma curiosité et j’ai entrepris la lecture de plusieurs de vos articles pour essayer de percer votre idée de l’i-slam dans un monde, pour le moins contestable pour ne pas dire imaginaire et fantaisiste, qui est le postmoderne. Avec cet article, l’idée qui se cristallise c’est que vous êtes en train de faire de l’enfumage et que vous cherchez à éblouir le lecteur pour ne pas dire l’hypnotiser avec une pseudo-érudition et une pseudo réflexion philosophique, et cela pour administrer l’idée subliminale de l’i-islam. Un verbiage sans aucune structure où on n’arrive pas à saisir le fil conducteur d’un quelconque raisonnement. Vous êtes assez malin pour assurer vos arrières et vous prémunir de la moindre critique en pointant du doigt vos éventuels détracteurs. Ce sont les intellectuels viciés par le modernisme occidental et qui n’arriveront pas à saisir tout ce qui sortira du conventionnel (thèse et antithèse). Vous nous servez aussi du « nul n’est prophète en son temps ». Vous êtes en train de mener votre projet de l’i-slam à la sauce hollywoodienne avec un suspens à s’arracher les cheveux pour comprendre sa signification, ne vous inquiétez pas il y aura un autre épisode, restez à l’écoute. Je vous assure, monsieur, je suis d’un esprit assez réceptif et assez perméable mais je n’arrive pas à saisir l’idée et le raisonnement. Je pense que vous êtes sincère dans votre ambition de promouvoir l’islam et que vous êtes un adepte du « targhib » en opposition au « tarhib » des salafis, mais pour convaincre il faut de la consistance et ne pas se contenter de jouer de l’émotionnel à l’instar des salafis.
Pour rester correcte je vais vous appeler le I-posteur.
Cher Monsieur,
La première règle de l’esprit scientifique est de ne jamais conclure à l’avance.
La deuxième règle est de s’informer et de chercher les preuves de ce qu’il est autorisé à affirmer, sachant que la vérité d’aujourd’hui peut se révéler la fausseté de demain.
Vous dites commencer à lire mes articles, continuez, vous êtes sur la bonne voie. Après et après seulement, vous pourrez me juger en esprit scientifique.
Pour l’instant, votre jugement ne l’est pas; et comme je vous respecte, je m’attends à bien mieux de votre part, une fois que vous aurez désenfumé votre pensée de ces préjugés qui l’obscurcissent malheureusement.
Puis, vous dites ne pas douter de ma sincérité, et je vous la confirme. Ayez le courage et l’objectivité de croire ce que je vous dis et de me juger sur pièces.
Vous venez juste de commencer à me lire, finissez de le faire, mes articles ici font presque la centaine et il y une vingtaine ailleurs sans compter les articles exclusivement sur mon blog.
Après, et après seulement, votre jugement sera plus objectif et scientifique. Pour l’instant, je suis obligé de le dire, vous ne faites que ce que je dénonce justement, me donnant raison; puisque vous parlez au nom d’une raison raisonnante qui n’a rien ni de rationnel ni d’objectif, et sans respect du réquisit de l’esprit scientifique.
Scientifiquement vôtre !
De grâce, je vous en supplie, épargnez moi vos lapalissades et essayez de défendre vos idées au lieu d’essayer de discréditer l’interlocuteur. Faites l’effort d’expliquer à un esprit ni objectif ni rationnel et ni scientifique comme le mien.
Amicalement
Cher Monsieur,
Quand vous aurez fini de vous documenter dans la matière sur laquelle porte la discussion, on pourra alors la poursuive utilement, et non en un dialogue de sourds avec une langue de bois contre laquelle je milite assez ailleurs pour l’accepter ici.
À bientôt peut-être pour une reprise sérieuse du dialogue; car, je n’ai pas de temps à perdre avec un esprit qui se fait retors en voulant jouer au plus malin. Pour cela, trouvez quelqu’un d’autre prêt à de pareilles gamineries.
Bien amicalement quand même !
C’est ce genre d’écrit qui renforce ma conviction qu’il doit y avoir une séparation définitive entre la religion et l’Etat, sous peine de ne jamais s’en sortir.
C’est un débat sans issue, chacun semblant interpréter la religion selon son point de vue et/ou ses obsessions: pour un tel c’est l’i-slam pour l’autre la barbarie et l’excision, pour l’autre le djihad etc., etc.…
Il semble qu’il y ait matière à discuter pendant des millénaires, et encore sans que personne ne soit d’accord sur rien.
Alors pourquoi ne pas faire dans le raisonnable et le respect de la personne humaine, en laissant chacun vivre sa religion, ou pas, selon sa foi, dans la sphère privé et le tout dans le respect d’institutions saines et démocratiques et d’une justice égale pour tous.
Chère amie,
Je souscris entièrement à ce que vous dites et je milite justement pour que la foi ne relève que de la sphère privée. Ne faites donc pas comme certains qui ne me lisent pas dans l’ensemble de mes opinions ou me lisent de travers.
Ce que j’affirme, par contre, c’est que l’islam est défiguré et qu’il nous faut revenir à son sens originel qui autorise et même impose ce dont vous rêvez et qui est la seule issue raisonnable pour la vie en société.
Toutefois, ce n’est pas par la solution de la laïcité qu’on y arrivera, car le vrai sens de la laïcité est de prendre compte de ce qui est propre à la majorité; or, chez nous, c’est le fait religieux. Notre conception de ce fait religieux est malade et c’est elle qu’il faut soigner si l’on veut agir rationnellement et non dogmatiquement comme ces esprits qui se croient scientifiques et qui ne se rendent pas compte qu’ils sont la copie conforme de nos religieux les plus dogmatiques, s’abreuvant à la même source.
Ensuite, parce que la laïcité en tant que séparation de l’Église et de l’État est un mythe bien français et que nul chercheur sérieux n’ose plus s’y référer.
Pour votre information, je vous conseille de lire, par exemple, ce qu’écrit Raphaêl Liogier, directeur de l’Observatoire du religieux à Aix-en-Provence, dans son livre “Une laïcité « légitime ». La France et ses religions d’État” (Paris, Médicis – Entrelacs, 2006, 200 p.) dans lequel il réussit une évaluation apaisée et rigoureuse des relations entre le politique et les religions en France.
Vous pourrez en prendre compte ici :
http://assr.revues.org/6662
et vous pourrez l’écouter ici :
http://www.dailymotion.com/video/xbbhfc_sectes-sociologie-laicite-legitimit_webcam
Et je termine juste avec cet extrait de ce livre pour vous ouvrir l’appétit :
« la laïcité n’est pas une pure hypocrisie ou une idée dénuée de conséquence (…), mais un système d’intervention dans le domaine religieux, fondé sur un tri des religions en fonction de critères eux-mêmes religieux » (p. 102).
Bonne réflexion !
En défendant votre idée et votre interprétation de l’islam, aussi séduisante soit-elle, vous faites, cher Monsieur, exactement comme tous les autres qui défendent leurs “idées” et leurs “interprétations” de l’islam. Et certaines “idées” et “interprétations” de l’islam sont plutôt monstrueuses de nos jours. Je me répète, mais le débat est sans issue.
Les religions et la foi étant du domaine du spirituel et de l’irrationnel, RIEN ne peut être scientifiquement prouvé et tout est donc laissé à la libre interprétation de chacun.
Seule la sécularisation de l’Etat garantie à tout un chacun de bien vivre ensemble, dans le respect des croyances, ou pas, des uns et des autres.
Ensuite, non la laïcité n’est pas une spécificité française. Toutes les grandes démocraties et les sociétés les plus évoluées le sont. Cela n’enlève rien à leurs identités culturelles ou religieuses. Prenez l’exemple de la Suisse qui est une démocratie exemplaire. C’est un pays laïque, où calvinistes et protestants vivent en bonne entente depuis des siècles. Ou la Suède, autre grande démocratie laïque avec pourtant une identité luthérienne bien marquée. Et les exemples en ce sens ne manquent pas.
Pour finir je pense vraiment que les tunisiens concernés par l’avenir de leur pays devraient refuser net d’entrer dans les jeux politiciens de ces pseudos débats sur l’identité, la religion, la culture ou la langue et recadrer fermement les politiciens sur les seuls et vrais enjeux que sont la misère et le chômage de la population.
@ monica
je souscris entièrement à ce que vous avez écrit. je pense que notre problème dans le monde arabo-musulman c’est qu’on arrive pas à concevoir nos vies et nos relations en dehors du prisme de la religion.on a un ensemble de blocages culturels et historiques qui nous empêche d’accéder à la laïcité et la démocratie. c’est le mythe de la “oumma” “communauté de croyants” bien encré dans l’imaginaire collectif qui nous empêche d’accéder à une véritable conception de la citoyenneté et à séculariser nos rapports sociaux. la notion de “dhimmi” aussi a encré dans les mentalités une notion de hiérarchisation qui fausse notre perception de l’égalité et qui induit à une mauvaise interprétation de la démocratie qui serait la loi de la majorité au lieu d’être la garanti des droits des minorités.
toujours ces instincts hégémoniques qui nous empêchent de rationaliser nos rapports.
j’espère qu’on va enfin comprendre le sens véritable de la laïcité et la liberté de conscience.ça avance doucement mais surement,c’est le sens de l’histoire.
@Monica
c’est ce que je suis en train de faire comprendre à l’auteur de cet article ici et ailleur,je voulais qu’il arrive à cette conclusion.mais dommage il est obnubilé par son i-islam.j’espère qu’il retrouvera la raison et qu’il arrêtera son prosélytisme parce que nul n’est responsable de la religion des autres.on a assez de problèmes en tunisie pour en rajouter celui de l’interprétation de la religion.
rabbi yahdih.
@ othman
Toujours la malhonnêteté intellectuelle qui vous discrédite et vous êtes toujours en train de noyer le poisson et tromper vos lecteurs. Comme si, la laïcité avait un seul visage et une seule pratique qui serait la française, ouvrez-vous sur le monde pour vous rendre compte des nuances et gardez les pieds en Tunisie pour rester authentique. Même la laïcité française elle a évolué selon sa propre histoire, une animosité, assez répandu mais pas majoritaire, envers l’église en lien avec la position de l’église lors de la révolution. Elle est loin cette laïcité française de rousseau qui voulait l’exclusion des croyances fanatiques, ou imposer l’athéisme comme dans les États communistes. Vous ne parlez pas de la laïcité américaine où le président lors de son investiture dit « god bless america » ou de l’anglaise. On n’est pas dogmatiques, on ne mène pas une guerre lexique, vous pouvez l’appeler comme vous voulez cette laïcité, mais si on est d’accord sur le principe de mettre la religion dans la sphère privée alors venez on invente tous ensemble la laïcité à la tunisienne avec une âme tunisienne et une histoire tunisienne. Si on est décidé à séparer le sacré du profane alors retroussons les manches pour construire le vivre ensemble au lieu de se disputer la religion. Je ne suis pas un adepte des solutions toutes faites ou imposer quoi que ce soit, mais quand l’idée est lumineuse il faut essayer de la faire correspondre à la réalité.
Bourguiba n’a pas fait la laïcité comme aime bien le dire certains, il n’a fait que soumettre la religion à l’état en droite ligne de notre civilisation. Aujourd’hui, c’est la religion qui veut soumettre l’état. Je pense qu’il faut trouver une autre solution, n’ayons pas peur pour l’islam parce que si on a vraiment la foi en cette religion on la laisserait libre, loin des politiques, se développer parmi ses fidèles et dans les cœurs de ses fidèles.
Vous dites : « Toutefois, ce n’est pas par la solution de la laïcité qu’on y arrivera, car le vrai sens de la laïcité est de prendre compte de ce qui est propre à la majorité; or, chez nous, c’est le fait religieux »
C’est l’exemple type de vos idées nébuleuses. Qui doit prendre compte ?l’état ? Si c’est l’état alors ce n’est plus la laïcité et c’est ce qu’on fait actuellement, l’état prend en compte le fait religieux. La laïcité c’est enlever la mainmise de l’un sur l’autre. Après, bien sûr qu’on est majoritairement musulmans et que cela va se répercuter sur nos politiques. Dans votre phrase il y a les germes de la dictature théologique que vous adoucissez avec une vision progressiste de l’islam. La laïcité c’est la neutralité de l’état vis-à-vis de toutes les croyances. Cela n’empêche pas des influences religieuses parce que la religion est une partie essentielle de notre identité et de notre histoire mais pas l’unique et la dominante. Vous n’avez qu’à regarder les tatouages sur les visages de nos vieilles pour vous rendre compte que ce sont les symboles de notre patrimoine berbère et carthaginois. Apprenez à regarder le visage de vos compatriotes ou de votre mère et surtout regardez les dans les yeux avant de parler de ces sujets.
S’il vous plait mettez de l’ordre dans vos idées et soyez clair avec vous-même.
L’intellectuel ne doit pas verser dans le politique de bas étage. Avec son lot de raccourcis laicité France le fait religieux etc……
Vous œuvrez pour un islam tolérant c’est bien continuez mais soyez clair et consistant et surtout rationnel. Arrêtez d’envoyer vers un tel ou un tel penseur, on ne réfléchit pas par procuration, on s’ouvre aux penseurs, on se fait ses idées et on les défend en les expliquant.
Mes amitiés monsieur le nébuleux.
Je suis tout à fait d’accord avec l’ensemble de ce que vous avez écris et particulièrement sensible au passage sur “les germes de la dictature théologique”…
Pourquoi parler de “la laïcité à la française” comme d’un épouvantail et la mettre sur le même plan que l’islamisme? Craignez vous que certains fanatiques ne vous traitent de défenseur de “hizb el frança”? Comment aborder un débat où vous prétendez militer pour “que la foi ne relève que de la sphère privée” avec une telle attitude d’enfermement intellectuel? Il n’y a pas cinquante façons de concevoir le problème et, comme l’ont écrit d’autres intervenants, même si elle doit beaucoup à la Révolution française, la laïcité n’est pas une spécificité française. A chaque pays de l’organiser en fonction de son identité et de son histoire.
Quant à la pratique de la laïcité en France elle est fort simple. Je suis né catholique dans une famille catholique. J’ai été baptisé, pratiquant et même scout dans un mouvement religieux. A dix sept ans j’étais communiste. A vingt j’avais perdu toutes mes illusions idéologiques et religieuses et aujourd’hui je suis athée. Mais je peux demain redevenir catholique ou bouddhiste, animiste ou musulman si j’en ai envie. Je peux épouser une personne de quelque religion que ce soit sans qu’elle soit l’obligée d’adopter mes convictions religieuses ou areligieuses et sans devenir un paria. Personne ne s’est jamais mêlé de mes croyances religieuses ni ne s’en mêlera et ma liberté dans ce domaine restera préservée tant que la France restera un pays laïque.
Tous les responsables musulmans français adhèrent à cette organisation du fait religieux dans leur pays et l’approuvent publiquement. Je n’ai aucune raison de croire qu’ils tiennent un double langage.
Alors oui, il existe des tensions dans la société française ¨sur la question de l’Islam. Mais ces tensions sont elles dues à un système laïque qui a malgré tout permis à l’Islam de devenir en une trentaine d’années la seconde religion de France ou à l’instrumentalisation du fait religieux par les uns et les autres, croyants ou non croyants, musulmans ou adeptes d’autres religions ?
Que seraient devenus les cinq millions de musulmans de France si ce pays n’avait pas été laïque et si notre constitution avait fait des textes religieux la source première de sa législation comme au temps de la toute puissance de l’Eglise catholique ou comme en rêvent certains aujourd’hui pour la Tunisie?
Voilà les seules questions qui vaillent la peine d’être posées dans un débat sur la laïcité qui devrait être tout sauf fumeux.
@ EMILIO
On a évoqué d’autres laïcité que la française juste pour déconstruire l’argumentation de l’auteur de cet article qui tend à jouer de cette arrière pensée politique “hizb el frança”. c’était un moyen pour lui montrer que cette laïcité qu’on appelle de nos vœux sera forcément tunisienne.je suis d’accord que le principe est le même et qu’il y a des nuances selon l’histoire de chaque pays.
ce n’est pas de l’enfermement intellectuel mais juste un effort pédagogique pour défendre notre idée et la protéger contre les raccourcis intellectuellement malhonnêtes.
Comment voudriez vous faire pour que Corbin, Ricoeur, De Gilbert Durant, Weber et autres occidentaux qui vous inspirent, puissent influencer le vote de Ommi Mahjouba et Baba Ali lors des elections des prochaines decennies et faconnent l Islam dont vous revez ?
@Averoes
Je suis bien d’accord avec vous Averoes et ce ne sont évidemment pas vos propos (que je partage généralement) que je visais mais une tendance assez générale chez les “islamistes” à faire de la “laïcité à la française” un amalgame des problèmes qui traversent notre société afin de s’en servir comme repoussoir de la laïcité tout court en Tunisie.
@ Monica, Anwar, averoes, Emilio
Chers amis,
Permettez une réponse globale, l’actualité me prenant tout mon temps; pour plus de détails, je vous renvoie à mes articles qui se complètent les uns les autres, puisqu’on ne peut pas tout dire dans un seul article. Juste un conseil : Prenez bien connaissance de mes idées et ne faites pas comme ceux que vous dénoncez; sinon, vous manquerez encore à l’une de vos valeurs, l’objectivité scientifique. Car on a besoin aujourd’hui, plus que jamais et plus que tout, de sérieux, de sérénité et de mesure. Sinon, on ne fait que reproduire les travers contre lesquels on s’élève. De plus, il est un fil rouge qui parcourt mes articles, et qui est la fidélité aux valeurs d’humanisme. La différence avec ceux dont vous avez l’habitude de lire, c’est que je le fais, pour ce qui me concerne, en conformité avec une éthique de combattant libre et indépendant, dégagé de toute idéologie réductrice et de grille de lecture surannée. Je suis d’abord un homme libre et je ne fais que cheminer sur la longue voie de la vérité qui n’appartient à personne. En cela, je reste l’ignorant qui apprend à tout instant, y compris et surtout auprès du plus humble.
– En vous lisant les uns les autres, je pense à Paul Claudel et le courage auquel il appelle afin de relativiser le court terme et son vacarme bruyant, ce qu’il nomme « le clapotis des causes secondes ». Votre attitude est brouillonne, une totale confusion, ne vous permettant plus de distinguer qui est de votre bord et qui est votre adversaire. Vous vilipendez toute incarnation différente de vos valeurs, non pas pour son fond, mais pour sa forme, n’étant pas conforme à votre tournure d’esprit. En cela, vous reproduisez une attitude caractéristique des défauts de la Modernité défunte, cette arrogance des intellectuels vivant dans leur tour d’ivoire, aveugles aux faits qui ne cadrent pas avec leur grille de pensée, aussi dogmatique que celle des salafis des mensonges. Ce qui vous amène à oublier la cause pour laquelle vous vous battez et qui est la mienne. Pour moi, elle reste la démocratie. Pour vous, c’est la laïcité. Et vous oubliez ou ignorez tout de l’histoire de la laïcité. Ainsi, vous voulez traiter l’islam comme la religion juive ou la religion chrétienne en le couchant dans votre lit de Procuste positiviste. Parlez de démocratie, et on vous écoutera, et la discussion portera sur la portée de cette démocratie, sa nature universelle et l’irréductibilité de ses valeurs ! Parlez, comme vous le faites, de laïcité et on ne vous écoutera pas, car l’islam est à la fois une religion et une politique. Je milite pour que la nature originale et originelle de l’islam soit reconnue dans son essence qui n’est nullement une théocratie, mais une démocratie que vous nommez laïque et qui est une démocratie islamique, non pas musulmane. Et c’est toute la différence qu’apporte le concept d’i-slam, cet islam postmoderne. Je commettrai un article sur la question : l’éthique islamique et l’esprit de la démocratie.
– Ce qui manque aux démocrates occidentalisés se réclamant de la laïcité, c’est la capacité de faire montre de respect réel pour leurs contradicteurs se réclamant de la religion; les uns et les autres usent d’anathèmes et ont pareillement l’esprit clérical, les premiers au nom de Dieu, les seconds au nom d’un Dieu profane, pareillement exclusif. Je ne suis ni d’un bord ni de l’autre, moi je cherche la vérité dans le respect de tous, y compris de celui qui pratique la violence; car c’est justement l’honneur du démocrate de ne pas se laisser aller à pareille ignominie. Moi je dis qu’il faut d’abord être démocrate et le prouver en plaçant au coeur de notre action la valeur suprême de la démocratie, qu’on sacrifie souvent sur l’autel de nos suffisances, à savoir l’amour que l’on doit avoir pour le peuple, non pas comme entité abstraite, mais en un ensemble concret de petites gens, humbles, ayant leurs lumières et leurs ombres, et qui doivent trouver auprès du véritable démocrate écoute et compréhension.
– Aujourd’hui, on est autorisé à dire que la foi peut être scientifique, car c’est la croyance qui est dogmatique. Lisez les ouvrages des neuroscientifiques, comme ceux du neurobiologiste Jean-Vincent Didier, et vous verrez les choses autrement, hors des grilles de pensée héritées d’un scientisme dépassé qui nous façonne une manière de voir les choses se voulant objective et rationnelle et qui n’est que dogmatique à l’envers dans son refus de l’autre dans sa différence. Pareillement, de nos jours, il n’est plus rien d’irrationnel au sens où l’entendait le positivisme d’antan; il est tout juste rationnel autrement. Rien ne peut être scientifiquement prouvé de manière définitive, même pas dans les sciences dures; que dire alors dans les sciences humaines ! S’il est une raison valable aujourd’hui en matière sociologique, c’est bien ce qu’on appelle la raison sensible, qui inclut les affects humains et ne dédaigne pas le spirituel, tout comme l’imaginaire et l’inconscient. Le tout dans un monde globalisé où la pensée est humaine avant d’être connotée par une ethnie ou une nationalité et que tout un chacun comprend car c’est de bon sens populaire, la meilleure des sagesses, qu’il s’agit (n’est-ce pas Anwar?).
– La laïcité en tant que séparation rigide entre le religieux et le non-religieux est une tradition française; ailleurs, il y a eu moins de dramaturgie. Et vous citez (Monica) des cas de coexistence entre le politique et le religieux, et c’est à quoi j’appelle et ce que je crois possible. Seulement, vous confondez démocratie et laïcité. La première n’est pas nécessairement liée à la seconde qui peut la contredire et la vider de tout son sens. Moi je milite pour une véritable démocratie; et comme les cas que vous citez, elle peut cohabiter avec un islam paisible; mais c’est une action de longue haleine, éminemment politique. En effet, pourquoi ne pas avoir des partis de démocratie islamique comme on en voit du côté chrétien? Surtout qu’en termes de libertés, l’islam est intrinsèquement plus libre que les religions judaïque et chrétienne. Si l’islam vous paraît aujourd’hui liberticide, c’est parce que les intégristes en son sein en font une fausse lecture, judéo-chrétienne justement, contraire à l’essence de l’islam. Pour saisir le sens véritable de l’islam, il faut revenir à son texte originel en à son esprit original et faire notre propre exégèse selon ses réquisits.
– Il ne s’agit pas de rentrer ou non dans un débat sur la religion, car le fait religieux s’impose de lui-même pour différentes raisons, dont la plus évidente est que c’est la marque de l’époque. C’est pour cela que ce débat est inévitable et comme il n’est nul choix que de le mener, autant le faire sur des bases solides. Et, encore une fois, sauf à être malhonnêtes, ne vous méprenez pas sur ce que je dis; je raisonne en sociologue au fait de ce qui se voit, et même ce qui ne se voit pas encore dans la société, mais qui est incrusté en ce qu’on peut nommer sa centralité souterraine, et donc inscrit dans la temporalité advenue ou à advenir. On ne peut nier la présence du phénomène religieux sauf à être aveugle ou dogmatique, et ce n’est ni rationnel ni scientifique. Par contre, essayer de le comprendre et l’approcher sainement et sereinement sans a priori en purifiant la vision viciée qu’ont en ses adeptes, c’est là agir d’une manière sensée et raisonnée, authentiquement scientifique. Sinon, vous savez quoi, on aura d’un côté des dogmatiques religieux, avec leur conception erronée du fait religieux, et des dogmatiques laïcs de l’autre côté avec leur refus de l’évidence basée sur une conception fausse de la raison et de la science; les deux se regardant en chiens de faïence, au mieux, et s’entretuant, le plus clair du temps. Est-ce cela que vous préférez quand il est possible d’aboutir à une démocratie sereine où tout un chacun croit en ce qu’il veut dans un respect mutuel? Or, cela existe déjà, et c’est la religion telle qu’elle est vécue encore par le peuple en son quotidien malgré les menées des plus fous. Et c’est à une théorisation de pareil fait religieux propre au peuple, tolérant et serein, que je travaille. Et une telle religion est postmoderne dans sa dimension populaire et son refus de toute autorité surplombante, qu’elle soit le fait de guides spirituels ou de gourous séculiers. Et les uns ne sont pas meilleurs que les autres, les deux étant des complices objectifs dans la guerre idéologique qu’ils veulent permanente, car ils s’en nourrissent. C’est du pain béni pour eux, sinon qui écouterait leurs prêches aux uns et aux autres?
– Si vous avez lu mes articles (averoes et Emilio), vous aurez vu que je n’ai pas peur de m’afficher français de coeur et que j’appelle même la France à ses responsabilités. Là encore, comme d’autres, vous pratiquez la pensée fumeuse tout en taxant les autres d’en relever. Je ne suis pas contre la laïcité, je suis contre une conception dogmatique de la laïcité qui revient à reproduire ce que vous dénoncez chez les dogmatiques religieux. Je milite pour les valeurs et non pour des idéologies. L’exemple personnel que donne Emilio illustre justement la liberté à laquelle a droit tout un chacun en Tunisie dans sa vie informelle de tous les jours et elle nécessite une rénovation de la pensée religieuse officielle, car la religion en Tunisie et en terre d’islam n’a rien à voir avec la vôtre, tout simplement car, à la base, elle est plus libérale. C’est l’interprétation des religieux et des cryptoreligieux qui en a fait la caricature que nous avons aujourd’hui. Moi, je reste un esprit libre et je milite pour les vraies valeurs démocratiques, et non pour des slogans politiques ou idéologiques qui, au nom de la démocratie se permettent d’anathémiser leurs adversaires, combien même ces adversaires le font. Quelle différence avez-vous alors avec eux? Aucune ! Jugez-vous la France pour l’ignominie du régime de Vichy? Jugez-vous l’Espagne d’avant la Movida, du fait du régime de Franco? Soyons sérieux, ne jugez pas la Tunisie d’après son régime actuel ou à venir, ayez confiance en son peuple, il est bien plus intelligent et attaché à toutes les libertés démocratiques que vous ne pensez ! Et dans les faits, dans sa vie de tous les jours, il pratique exactement ce que Emilio rapporte de son expérience personnelle, et ce depuis des lustres. Quittez donc vos tours d’ivoire et allez à sa rencontre comme je le fais sans cesse, vous verrez les choses autrement !
– Avant de terminer, je me permets donc de vous conseiller un peu plus d’humilité et d’intérêt pour les valeurs du peuple, sa condition réelle, et surtout (n’est-ce pas averoes?) d’arrêter de vous flatter d’avoir la science infuse, car, comme dit Oscar Wilde, « Dire du mal des autres est une façon malhonnête de se flatter. » Que le soleil de la sincérité et de l’amour d’autrui brille dans vos coeurs et que revivent les « catacombes » dans la république des âmes mortes!
Et je termine avec une citation d’un message reçu ce jour d’une amie française, en mission scientifique actuellement en Tunisie, juste pour vous donner ce regard pourtant étranger au pays mais tellement plus lucide que le vôtre, vous qui avez le devoir, en tant qu’élite du pays (je ne sais si je dois inclure Emilio, mais c’est sûr pour le moins pour averoes, n’est-ce pas?), de mieux comprendre ses ressorts et d’aider à soigner ses douleurs :
« Les intellectuel (le)s ripostent avec leurs armes c’est-à-dire, l’humour, le verbe, l’indignation. L’islam en Tunisie n’était que douceur auparavant. En apparence la rue est calme, les orangers en fleurs et les Français espérés et bienvenus. Simplement on assiste à des changements de têtes dans l’administration de grande importance et dans le plus grand silence tandis que les barbus font diversion par des provocations sur le terrain. Tactique classique de tous les fascismes. Demander, comme les anciens bourguibistes le font, la séparation du religieux et du civil est difficile en pays d’islam, puisque le clergé est peu hiérarchisé. Il faut que le gouvernement français maintienne son aide à la francophonie, bien mise à mal administrativement depuis plusieurs années. L’Institut français nous aide très peu alors que nous participons de ces expériences de déminage des extrêmes. Je résiste à ma façon quand, même en France, on fait des congrès en anglais au nom de l’innovation et de la compétitivité. Il faut avoir confiants. le problème est que les Tunisiens de France ont voté pour les islamistes aux élections dernières… le noyautage de l’opinion se fait aussi de chez nous, contre la démocratie ».
J’ai cité ce témoignage juste pour vous dire que j’ai bien plus que vous les pieds sur terre, mais que je me bats pour des valeurs incarnées par des êtres humains en une socialité paisible, et non pour des principes désincarnés, épistémologiquement périmés et en tout cas sans aucune prise véritable sur le social réel. Et je vous pose la question à laquelle vous répondrez selon votre conscience : N’avez-vous point l’impression que c’est parce qu’il est un fossé entre votre arrogance d’intellectuels qui savent tout et l’humilité des gens s’accrochant à leur “merde”, comme l’assure dédaigneusement, l’un de vous (n’est-ce pas averoes?), que cet écart vous semble impossible à combler et vous amène à vous accrocher à votre savoir momifié? Ne vous demandez-vous pas si cet impossible est plutôt, pour une fois, puisque vous êtes si attaché à la tradition de l’Hexagone, à décliner à la française? Et ce en cessant de célébrer le dogme de la frontière, toute frontière, physique comme théorique, comme vaccin contre l’épidémie que vous dénoncez, en agissant pour les lever partout, et déjà dans nos têtes, en remède basique à l’indifférence pour la sauvegarde du vivant tel qu’il est, même avec sa “merde”, car c’est l’humus qui fait l’humain?
Avec toutes mes excuses pour la longueur excessive qui compensera le retard de la réponse, sa forme et surtout l’impossibilité de vous répondre de sitôt, étant appelé à d’autres combats bien plus urgents. Bonne réflexion. Amitiés.
@M. Othman
Cher Monsieur,
Etant moi-même comme nous tous ici très occupée, je vous invite à relire l’ensemble de mes commentaires pour vous rendre compte que ce que je dis est très clair : T.O.U.T.E.S les démocraties dignes de ce nom sont laïques. Et cela n’enlèvent rien à l’identité religieuse et culturelle de leur société. Je vous conseille vivement de vous détacher de votre obsession de la laïcité « à la française », vu que celle-ci vous dérange tant, et d’aller voir comment cela se passe ailleurs. Cela vous permettra d’élargir votre champ de réflexion.
D’autre part, la démocratie seule ne veut rien dire. A part, si à vos yeux, la république démocratique de Chine, la république démocratique du Congo, la république populaire démocratique de Corée du Nord, la république démocratique Allemande (ex RDA) etc., etc., soient des exemples de démocraties crédibles, et que vous souhaitez pour la Tunisie ?
Ensuite je ne suis pas aussi sûre que vous, que le peuple tunisien soit assez bête pour ne pas se rendre compte qu’une religion d’Etat (soft ou pas), n’est toujours qu’en faveur d’une poignée: potentat religieux, clergé et hommes d’affaires. Il suffit de prendre les exemples de pays musulmans non-laïques: Arabie Saoudite, Qatar, Iran, Koweït, Bahreïn, Soudan pour bien sans rendre compte. Dans ces pays ou une poignée “d’hommes de religions” possède tout, les populations sont misérables et maintenues délibérement dans l’obscrurantisme religieux.
Merci encore de bien me relire pour comprendre ce que je dis, et inutile de perdre votre temps à me répondre cette fois.
@ othman
Désolé de vous le dire mais vous n’avez rien compris à la laïcité. Le fond de notre différent est dans cette phrase « car l’islam est à la fois une religion et une politique. » une question que vous éludez pour rebondir sur la démocratie. Fidèle à vous-même, vous faites dans le verbiage pour enfumer vos lecteurs ce qui m’oblige à vous redire que vous avez des idées nébuleuses.
Un laïc n’est pas condescendant envers n’importe quelle croyance comme vous le faite envers le christianisme et le judaïsme. Vos propos « Si l’islam vous paraît aujourd’hui liberticide, c’est parce que les intégristes en son sein en font une fausse lecture, judéo-chrétienne justement, contraire à l’essence de l’islam. » une autre « Ainsi, vous voulez traiter l’islam comme la religion juive ou la religion chrétienne en le couchant dans votre lit de Procuste positiviste ».
Un laïc vous apprend la tolérance et le respect. Vous osez parlez d’humanisme après avoir débité ces âneries. Drôle de conception d’humanisme. C’est à cause de ce genre de propos que naisse le mépris et la différenciation de traitement envers les non musulmans, de quel islam vous vous réclamez ? Vous devez avoir honte. Vous êtes l’héritier de ceux qui ont inventés le statut inhumain de « dhimmi » avec ce genre de mentalité.
Un laïc respecte totalement les croyances des autres. Il ne juge pas les gens sur leurs croyances. Il vit avec ses semblable sur un pacte conjointement établit indépendamment de leurs croyances. Il ne fait pas d’hiérarchisation des croyances comme vous le faites. Il fait bien la différence entre le sacré et le profane pour ne pas heurter la sensibilité de ses semblables.
Un laic peut être musulman chrétien juif athée animiste ou autre mais il ne prétend pas détenir la vérité. Sa vérité il la garde pour lui-même pour aller vivre sur la base de valeurs élevées avec ses semblables. Un laïc veut une égalité parfaite avec ses semblables.
Si vous arrivez à comprendre ça je vous dirais bravo. Arriver à cette compréhension à travers l’islam ou autre chose ça m’est égal parce que je suis laïc et votre islam qu’il soit modéré ou extrémiste ça ne me regarde pas c’est ton affaire personnelle. C’est le vivre ensemble qui m’intéresse. Et pour ces mêmes raisons je ne vous dirais pas mes croyances parce que ça ne concerne que moi. Vous, qui êtes de culture arabo-musulmane vous devez connaitre la « sa7ifa » de Médine écrite par le prophète et qui représente la première constitution musulmane qui régissait les rapports civiles de tous les habitants de Médine indépendamment de leurs religions (chrétiens juifs …) cela ne vous montre pas que l’organisation de la cité est une affaire profane et que c’est un effort humain.
Je vous laisse avec ce texte du prophète adressé au monastère de Ste Catherine au mont Sinaï, inspirez-vous de la tolérance et surtout lisez bien le mot citoyen peut être cela vous aidera à être laïc.
« Ceci est un message de Muhammed ibn Abdoullah, constituant une alliance avec ceux dont la religion est le christianisme ; que nous soyons proches ou éloignés, nous sommes avec eux. Moi-même, les auxiliaires [de Médine] et mes fidèles, nous nous portons à leur défense, car les chrétiens sont mes citoyens. Et par Dieu, je résisterai contre quoi que ce soit qui les contrarie. Nulle contrainte sur eux, à aucun moment. Leurs juges ne seront point démis de leurs fonctions ni leurs moines expulsés de leurs monastères. Nul ne doit jamais détruire un édifice religieux leur appartenant ni l’endommager ni en voler quoi que ce soit pour ensuite l’apporter chez les musulmans. Quiconque en vole quoi que ce soit viole l’alliance de Dieu et désobéit à Son prophète. En vérité, les chrétiens sont mes alliés et sont assurés de mon soutien contre tout ce qui les indispose. Nul ne doit les forcer à voyager ou à se battre contre leur gré. Les musulmans doivent se battre pour eux si besoin est. Si une femme chrétienne est mariée à un musulman, ce mariage ne doit pas avoir lieu sans son approbation. Une fois mariée, nul ne doit l’empêcher d’aller prier à l’église. Leurs églises sont sous la protection des musulmans. Nul ne doit les empêcher de les réparer ou de les rénover, et le caractère sacré de leur alliance ne doit être violé en aucun cas. Nul musulman ne doit violer cette alliance jusqu’au Jour du Jugement Dernier (fin du monde). »
Mes amitiés monsieur le I-ntolérant.
A mon tour de vous dire merci pour cette lecture
@Monica
Quand vous affirmez que “T.O.U.T.E.S les démocraties dignes de ce nom sont laïques”, vous faites manifestement preuve de cet aveuglement si franco-nombriliste dénué de culture politique.
Je vous invite à lire cet article :
http://nawaat.org/portail/2011/03/31/islam-religion-detat-disposition-constitutionnelle-garante-du-processus-seculariste-de-la-democratie-tunisienne/
… peut-être réaliserez-vous que les majuscules de “T.O.U.T.E.S” ne font qu’aggraver la perception d’une certaine ignorance arrogante. Surtout lorsque l’auteur de l’article rappelle fort justement que “le haut du classement des pays les plus démocratiques de la planète selon le « Democracy Index » de 2010 est occupé par des pays où la religion d’État est officiellement proclamée ; soit : 1) la Norvège, 2) l’Islande, 3) le Danemark et 4) la Suède.”
Franco, Lénine, Hitler, Mussolini, Robespierre, Pol Pot, Castro,etc. étaient des laïcs. Et franchement, en matière de dictature, ils n’ont rien à envier aux ayatollahs et aux despotes des dictatures religieuses du monde musulman. Ceci pour dire que la démocratie n’est pas tributaire de la foi, mais de la capacité des citoyens à “flinguer” ceux qui veulent les asservir à la tyrannie de leurs dogmes. En somme c’est l’extrémisme, plaie de l’humanité, qui est à combattre fût-ce t-il issu du fascisme vert, noir ou violet !
Désolée de vous contredire mais il n’y a pas de religion d’Etat en Suède, renseignez- vous avant de vous avancer sans savoir. Profitez-en aussi pour vous informer sur la manière dont les pays scandinaves que vous citez fonctionnent, avant de tout mélanger. Il y a une séparation totale entre la société civile et l’Eglise, une liberté de conscience et de culte.
C’est ça la laïcité.
@ Paul
je soupçonne que Paul et othman sont la même personne .bref passons.
monsieur Paul je vous invite à réactualiser vos infos parce que le luthéranisme n’est plus la religion d’état au Norvège depuis l’année dernière et je pense que c’est une bonne décision que le parlement norvégien a pris..
monsieur le doué de culture politique vous savez très bien que la laïcité française respecte toutes les religions et leur garanti toute la liberté d’exercer leurs cultes.vous savez comment elle s’est façonné.un imaginaire collectif qui porte encore les stigmates d’une terrible guerre des religions,les traces de la position de l’église vis à vis des républicains(ne me dites pas que vous êtes royaliste et que vous êtes contre la modernité aussi) aujourd’hui des frictions politiciennes pour convertir l’islamophobie en bulletin de vote mais qui ne sont pas de nature à altérer l’essence de cette laïcité respectueuse dans la limite du respect de l’ordre publique. cette laïcité met toutes les croyances à pieds d’égalité et ne les empêchent pas d’interférer dans le débat public (mariage pour tous,avant c’était le vote des femmes,la pilule contraceptive,l’avortement et je vous laisse deviner qui c’est qui était à chaque fois à la traine) la laïcité française c’est la plus honnête intellectuellement, ça il faut le savoir.
j’ai mal pour mes compatriotes juif chrétiens ou athée qui peuvent se sentir exclu d’une nation qui se revendique d’une religion.cela pouvez vous le comprendre. j’ai honte pour nation qui emprisonne il n,’y a pas longtemps deux jeunes parce qu’ils se sont déclaré athées.j’ai honte pour une nation qui considère encore l’homosexualité comme un délit,j’ai honte pour une nation qui ne légifère pas pour l’égalité homme femme.j’ai honte pour une nation qui sanctionne l’apostasie.j’ai honte pour une nation qui met un jeune en prison parce qu’il a embrassé sa copine en public. c’est pour toutes ces raisons et bien d’autres qu’il deviens urgent de séculariser l’état.
vous êtes sure qu’il n’ y a pas de formule pour organiser l’islam.et le OIF de sarko et le conseil mondial des musulman,l’organisation des chiites ou autre,vous pensez pas que se sont c’est des pistes de réflexion et de toute façon c’est à nous tunisiens de trouver la solution.mais ça deviens de plus en plus urgent de protéger la religion des politiques et de protéger la politique des religions.
voilà pourquoi il faut la laïcité. ce n’est pas parce que il y a des laïcs méchants et des religieux méchants.
@Paul
Désolée de vous contredire mais il n’y a pas de religion d’Etat en Suède. Renseignez-vous bien, la Suède est sécularisée. Ensuite vous devriez vous informer sur la manière dont les pays scandinaves que vous citez fonctionnent, avant de tout mélanger. Il y a une séparation entre la société civile et l’Eglise dans ces pays. Les institutions sont indépendantes du clérgé, et l’Etat est impartial et neutre à l’égard des différentes communautés religieuses. Chacun a droit à la liberté de conscience et de culte.
C’est ça la laïcité.
Je vous avoue que je comprends mal votre cheminement intellectuel. Vous vous affirmez humaniste et opposez la laïcité à la démocratie tout en faisant l’éloge de la religion islamique qui serait la plus libérale des religions. Ne connaissant pas suffisamment l’Islam je ne vous répondrai pas sur ce point mais je constate malgré tout que ceux qui font aujourd’hui problème dans le monde ce sont plutôt ceux qui tuent des femmes et des enfants au nom de cette religion que les laïques qui n’ont jamais, à ma connaissance, été accusés de terrorisme ou d’assassinats, ni aujourd’hui ni au temps de l’inquisition ou des guerres de religion.
“La démocratie -écrivez-vous- n’est pas forcément liée à la laïcité”. Je dirai tout le contraire. Les urnes ne sont pas le symbole de la démocratie et des élections libres ont conduit au pouvoir des gens comme Hitler, et Mussolini. Les Tunisiens feraient bien d’y prendre garde. Ce qui définit pour moi la démocratie c’est une organisation politique dans laquelle la liberté de l’homme n’est pas cadenassée par des préceptes, une hiérarchie, des rites, des symboles, des méthodes, une voie à suivre, une orthodoxie, des récompenses et des châtiments , qu’ils soient d’essence religieuse ou idéologique, toutes choses que partagent les idéologies fascisantes et les religions si elles ne sont pas encadrées par la loi. C’est pourquoi le concept de laïcité qui permet de protéger les société de ces dérives est étroitement lié pour moi à celui de démocratie.
Il serait intéressant par ailleurs que vous développiez ce que vous entendez par “modernité défunte”? Faites vous allusion au concept de “post-modernité”, théorie elle même éculée que certains auteurs ont qualifié “d’imposture de la pensée” mais que quelques islamistes tentent de remettre à la mode en n’y puisant que ce qui leur convient et en justifiant leur choix de la charia comme source de la loi par leur différence identitaire? Non, je ne le crois pas. Je pense que vous illustrez plutôt la posture de votre Président qui cherche, pour des raisons peut-être louables, à plaire à tout le monde, mais qui sera un jour dévoré par l’hydre islamiste.
Les musulmans doivent aujourd’hui choisir entre un islam que je qualifierai, ne vous en déplaise, d’Islam des lumière, d(islam moderne, et qui sera forcément hors du champ politique, et l’islam archaïque de la régression qui veut les replonger dans l’antémodernité. Il n’y a, et vous le savez bien, pas d’autre choix. Tout ce qui affaiblit les laïques renforce le camp des fanatiques en fragilisant un contre pouvoir nécessaire. Parlez en avec des intellectuels algériens, ils vous feront part de leur expérience. Mais je crains, hélas! qu’il ne soit déjà trop tard. La belle, la précieuse, la fragile Tunisie que nous aimons, risque fort d’être emportée par le vent qui souffle à ses portes.
@ emilo
vous avez bien compris sa stratégie de la post-modernité.j’ai eu plusieurs échanges avec lui à ce sujet et c’est ce que j’ai bien décelé. plusieurs fois,j’ai démontré les ficelles et l’imposture intellectuelle de ce concept aux lecteurs de ses articles(il se vantait d’avoir maffesoli comme mentor). un concept qui retravaille à la sauce islamique.votre première analyse était le bonne. il n’est pas dans la naïveté que vous prêtez au président.
@averoes
Je vous rappelle, pour commencer, ce que disait Denis Diderot dans ses pensées philosophiques : “Je compte sur peu de lecteurs et n’aspire qu’à quelques suffrages. Si ces pensées ne plaisent à personne, elles pourront n’être que mauvaises; mais je les tiens pour détestables si elles plaisent à tout le monde”. Et face aux fausses affirmations me concernant de condescendance et autres balivernes d’intégriste laïcisant, je citerai L. Bloy : “Je m’engage à être sublime, c’est-à-dire à me manifester l’égal du premier venu. N’est pas le premier venu qui veut.”
Je suis navré de vous dire, Monsieur, que vous êtes malhonnête. Car, de deux choses l’une : ou vous avez lu mes articles, et vous ne pouvez dire les insanités et les fausses vérités que vous débitez; ou vous ne les avez pas lus, et vous fautez encore plus gravement, non seulement en parlant de ce que vous ne savez pas, mais en attaquant les gens sans la moindre preuve. Ce qui m’attriste, c’est que cela vient de l’élite, de quelqu’un censé en plus former et informer les jeunes. Vous devriez être à leur place, reprenant les études, en matière de correction surtout. Et l’on s’étonne que notre jeunesse verse dans l’extrémisme !
Et je vous dirais aussi : vous ne luttez pas pour la démocratie, vous combattez l’islam; et en cela, vous n’êtes que l’autre face de l’intégrisme, sa face profane, aussi sombre sinon plus. Car les intégristes religieux n’ont pas la raison pour les éclairer, faisant même de Dieu une idole, alors que vous, vous faites idole de la raison, alors qu’elle est tout sauf dogmatique. Vous déshonorez même les valeurs que vous prétendez défendre. On ne les défend pas comme vous le faites, jetant l’anathème sur vos contradicteurs, usant à leur égard de langage scatologique, vous montrant soupçonneux, hautain et arrogant. Moi, je milite pour un ordo amoris, Monsieur, et pour la culture des sentiments; or, en ce domaine, il n’est ni condescendance, ni discrimination ni droits au rabais. Ces dernières notions semblent tellement habituelles pour vous que vous les voyez chez les autres. Puis vous parlez des droits des homosexuels, les avez-vous défendus? Moi, si! Vous parlez de l’égalité des religions, vous en avez-vous parlé, Moi, oui! Vous parlez… mais à quoi bon multiplier les exemples quand vous vous comportez comme un âne; or, quand l’âne se met à braire, je continue mon chemin, le laissant braire tout seul.
Vous n’êtes certainement ni le meilleur ni le pire de ces gens qui versent dans la fumisterie en croyant militer pour les idéaux démocratiques; ne vous laissez donc pas égarer par vos émotions. Vous viciez ainsi les valeurs que vous dites défendre en vous comportant en un ayatollah laïc.
Moi, Monsieur, je n’écris pas sous pseudo ni ne me cache sous une autre identité comme vous avouez le soupçonner. Attention donc, pareille mentalité soupçonneuse peut révéler un mal à soigner ou une nécessaire thérapie psychanalytique. Pour ce qui me concerne, je vous conseille la bécothérapie, l’ordo amoris et la culture des sentiments précités. Cessez donc de haïr votre prochain et commencez par aimer votre adversaire, il pourrait finir par vous aimer.
De plus, vous n’honorez pas le grand Ibn Rouchd en le prenant pour pseudonyme; car il tait respectueux de la Tradition avec une liberté de pensée inouïe dans le total respect de la rationalité et l’altérité : c’est moi qui représente mieux Averroès. Vous, vous n’êtes qu’un cheikh profane; et pour vous retourner les qualificatifs dont vous usez en abondance à mon égard, je dirais volontiers que vous être le cheikh de la Fumisterie.
Cette fumisterie, vous la voyez chez les autres comme un myope accuse autrui d’être flou à ses yeux. Voilà ce que vous auriez pu faire : parler de vos convictions sans jeter l’anathème avec superbe sur ce que vous ne connaissez pas. Et pour vous instruire, voici des réponses à vos interrogations que je vous donne malgré tout et par correction, répondant pour la dernière fois à vos inepties :
— Mon souci est ce qu’affichent les laïcistes; mais là où on diffère, c’est qu’ils usent de solutions inefficaces car inadaptées à la réalité et l’air du temps, allant même contre le sens de l’histoire passée et à venir. Moi, je cherche à mettre en oeuvre la richesse avérée de l’islam qui n’est en rien opposé, si on en fait une lecture authentique, à ce qu’on voit aujourd’hui en pays de tradition chrétienne où coexistent la démocratie et la religion. Or, cela n’a pas été évident dans ces pays et, dans certains cas, a même donné lieu à des guerres de religion. Serait-ce ce qu’on veut? Pas moi, en tout cas, surtout que l’on ne peut appliquer à nos sociétés arabes musulmanes ce qui a été propre aux sociétés à tradition chrétienne. Notons, à ce propos, que dans l’étymologie de l’archaïsme qu’on accole bien volontiers à l’islam, il y a le sens de fondamental, ce qui est premier; et c’est cela qui m’intéresse, au-delà des dérives extrémistes; et c’est cette essence première à retrouver qui fait le vitalisme et la vitalité du fait religieux telle que la postmodernité nous le prouve.
— Quand je parle de tradition judéo-chrétienne et son attitude liberticide passée (à l’égard de l’homosexualité, par exemple, pour ne citer qu’un cas parmi ceux que j’ai évoqués dans mes articles), je ne dévalorise nullement cette tradition, je rapporte juste des faits; et je dis : la religion judaïque et surtout chrétienne a évolué sur des questions sur lesquelles l’islam avait et a, dans la lecture dont je fais, une position libérale, moderniste selon votre terminologie. Ainsi, il n’est aucune interdiction de l’homosexualité en islam et la tolérance religieuse a été portée à un degré insoupçonnable à un moment où les temps alentour étaient à l’intolérance absolue. Il va de soi que si vous émettez un jugement anachronique, vous foulez au pied un statut qui fut le premier acte fondateur pour les droits de l’Homme, soit le statut de Dhimmi. Certes, ce statut aujourd’hui a perdu toute sa valeur eu égard à l’évolution de notre vision des choses et l’évolution des valeurs, mais pour son époque, il fut une avancée immense. Le nier, c’est se couvrir pour le moins de ridicule sinon d’opprobre qui fait honte à ceux qui ont, en plus, la charge d’éduquer les futures générations. Sur la dhimmitude, en effet, quel anachronisme vous faites ! Vous savez pourtant qu’il ne faut pas juger le passé avec les critères d’aujourd’hui pour être objectif. Un tel statut, à l’époque était une avancée. Il n’existait rien de pareil du côté opposé.
— Vous dites : “un laïc n’est pas condescendant envers n’importe quelle croyance comme vous le faites envers le christianisme et le judaïsme”. Et je vous réponds que constater et juger n’implique pas une attitude de condescendance; revenez à l’université si vous oubliez les b.a.-ba de l’esprit scientifique; mais de grâce, mettez-vous plutôt du côté des élèves, et pas des cancres ! Vous vous lancez dans un panégyrique de la laïcité, la laïc nous apprenant la tolérance et le respect. C’est du démocrate dont vous parlez et non du laïc; vous ne connaissez pas l’histoire de la laïcité. Documentez-vous et sortez de la prison de la mauvaise part de l’esprit français. Mais quand vous parlez du laïc qui respecte totalement les croyances des autres, c’est bien mon cas sans me réclamer laïc, mais vous ne voulez pas le savoir, car vous tenez à demeurer dans votre ignorance. Par ailleurs, je ne fais pas de hiérarchisation, je distingue entre la foi, incluant toutes les croyances, et les croyances propres à chaque religion. Pour moi, toutes les religions sont égales aujourd’hui. Maintenant, pour un examen historique, elles ne l’ont pas été. Le christianisme d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celui d’hier, par exemple. Érigeant le laïc en idole, vous dites qu’il peut être musulman chrétien juif athée animiste ou autre, et vous confondez encore avec le démocrate; car le laïc peut exclure celui qui est différent de lui, et il l’a fait, l’histoire le prouve. Documentez-vous, cher Monsieur avant de débiter ce qu’on vous a appris. Cela étant dit, je suis totalement pour le droit et la liberté de la croyance et même de la non-croyance, et c’est pourquoi je parle plutôt de foi.
— Vous osez prétendre être prêt à me dire bravo, alors, tenez parole, soyez pour une fois sincère et dites-le, car je n’arrête pas de le répéter dans mes articles que vous ne voulez pas lire ou que vous lisez mal, tout comme les dogmatiques que vous dénoncez. Vous finissez d’ailleurs par le texte du prophète adressé au monastère de Ste Catherine au mont Sinaï, pointant sa tolérance et le mot citoyen. Quelle belle contradiction que vous apportez vous-même avec ce que vous affirmiez juste avant : vous donnez ainsi la preuve de la tolérance islamique pour laquelle j’agis. Vous voyez bien à quel point vous nagez en pleine confusion et nébulosité! Mais quand on a l’esprit nébuleux, tout paraît à son image.
— L’islam, et je le confirme ici, fut une modernité avant son temps, il a reculé alors que la chrétienté s’est transformée. Il nous faut retrouver cet islam des Lumières, cette culture universelle comme on en avait eu en Andalousie où les chrétiens étaient obligés de traduire en arabe la Bible non par prosélytisme, mais parce qu’il ne restait plus de chrétiens sachant lire en latin. Voilà l’islam pour lequel je milite et non celui dont vous parlez et qui renvoie, du fait de l’absence de démocratie véritable, à un stade pareil de la chrétienté. Dois-je vous rappeler l’Inquisition, la persécution de juifs ou les guerres de religion? Alors, de grâce, cessez de vous illusionner et réveillez-vous! Vous ne militez pas pour des valeurs, vous militez pour une idéologie. C’est la grosse différence entre nous ! Et moi, je ne me vante d’aucun savoir, ni d’aucune prééminence, mon i-slam étant pour l’égalité totale et absolue aussi bien entre croyants qu’entre croyants et athées, entre hétérosexuels comme homosexuels…
— Si ailleurs qu’en Tunisie, ce qui ne cadre pas nécessairement à notre cas et même à celui de certains pays en Occident, on a pu parler de la droite la plus bête, nous avons aussi, pour reprendre malgré tout ces catégories à la portée de votre entendement, non seulement une droite bête, mais une gauche encore plus bête, non seulement loin d’être adroite, mais carrément à droite, et la droite la plus extrémiste qui plus est. Elle est comme ce chasseur myope ou même aveugle tirant dans toutes les directions, y compris sur ses propres pieds. Tout autant sinon plus que les intégristes musulmans que je combats, car ils ne sont en rien représentants du vrai i-slam, vous êtes le pire ennemi des valeurs que vous prétendez incarner et que vous affichez en étendard. Ne seriez-vous pas, par hasard, un agent intégriste infiltré dans les rangs des vrais combattants de la liberté? Le combat des valeurs, je le connais et je m’y investis, moi, en acte et en paroles audibles par les honnêtes gens. Vous, vous n’avez qu’imprécations, insultes et anathèmes; et donc vous ne faites pas honneur aux valeurs démocratiques que vous prétendez défendre. Imitez le peuple, Monsieur, faites votre révolution mentale ! Je ne vous souhaite que d’y arriver en apprenant auprès de ce peuple humble que vous méprisez au fond, imbu de votre docte ignorance, alors qu’avec son bon sens, il est en mesure de vous enseigner à vivre, car la vie est l’amour et non seulement le respect de son prochain.
Et je termine avec André Gide et Chateaubriand, le premier pour être gentil, le second pour un peu de méchanceté que méritent les méchants. Gide dit : “Il faut laisser les autres avoir raison, puisque cela les console de n’avoir pas autre chose”. Quant à Chateaubriand, il affirme : “Il est des temps où l’on ne doit dépenser le mépris qu’avec économie, à cause du grand nombre de nécessiteux.”
Adieu, l’ami, car je n’ai point d’ennemis, sauf ceux qui veulent l’être, se définissant seuls ainsi !
@ Averoes.
Ce serait donc un disciple de ce charlatan qui a fait passer une thèse de doctorat à Elisabeth Teissier, cette astrologue qui lit l’avenir dans le marc de café et accessoirement dans les astres ? Tout s’éclaire si je puis dire……
@Emilio
Cher Monsieur,
Je commence en citant Isaiah Berlin : “rien n’est plus fatal que les idées uniques, même nobles, auxquelles ont croit fanatiquement.”
Ne faites donc pas comme averoes, lisez mes autres articles et vous verrez de quel islam je parle; mon islam est l’i-slam. Vous y trouverez réponse à toutes vos questions.
Et en voici déjà quelques unes pour clore cet échange dans la correction de ma part :
— S’agissant de la laïcité, je ne suis pas contre, mais je rappelle sa vérité qu’on oublie (lisez Liogier, par exemple, dans le livre conseillé à Monica) et je dis qu’elle ne constitue pas la solution en terre musulmane; c’est tout. Or, un intellectuel qui pense être utile à son peuple doit réfléchir sur les solutions qui aident à vivre ensemble et non à diviser davantage.
— Le problème de nos laïcs est double : d’abord, ils jugent l’islam selon sa déclinaison actuelle qui n’est pas autehentqiue et ne le résume point; et, je la rejette comme eux; ou ils jugent son passé avec des valeurs d’aujourd’hui, occultant ses réelles avancées pour son temps. Ensuite, ils étendent à l’islam ce qu’ils savent des autres religions des Écritures; or, il n’y a aucune commune mesure entre l’islam et ces religions. Je prends juste un exemple flagrant que j’ai traité dans un article fleuve dont une partie a été publiée ici et l’ensemble sur mon blog : l’admission de l’homosexualité est aujourd’hui présentée comme une valeur occidentale alors que sa répression est une affaire judéo-chrétienne, et je démontre qu’il n’est aucune interdiction, en islam authentique, de cette façon tout à fait légitime pour certains de vivre leur sexualité.
— En un mot, nos intellectuels séculiers représentent pour moi des intellectuels traditionnels, au sens de Gramsci; et il nous faut désormais en Tunisie des intellectuels — mais aussi des politiques — organiques. Étant ainsi traditionnels, nos intellectuels le sont tout autant que nos traditionnels hommes de religion contre les conceptions erronées desquels je m’élève.
— En fait, ce qui se passe avec nos élites laïcisantes dans leur déconnexion des réalités présentes (et je rappelle que je ne suis pas contre leur motivation première qui reste la démocratie, mais contre leur aveuglement à user d’un instrument obsolète), c’est exactement ce qui s’est passé avec les élites politiques de l’indépendance des États africains dans les années 1960 qui avaient fait du développement, comme l’a bien démontré l’historien Frederick Cooper, une idéologie légitimatrice, bâtie dans les décennies précédentes autour d’une préoccupation pour la régulation du travail et la stabilisation des classes ouvrières. Or, le retournement libéral des années 1980 a déplacé le pivot idéologique du travail et du développement au marché et à la gouvernance, le travail devenant une simple variable d’ajustement périphérique et la lutte contre la pauvreté prenant la place des politiques visant auparavant la stabilisation des classes ouvrières. Il en va de même pour la thématique qui nous concerne, car on se concentre sur la laïcité comme instrument pour la démocratie et on ne réalise plus, pour les plus sincères, qu’on finit par batailler exclusivement pour un moyen et non plus pour la fin qu’il ne peut plus faire advenir du fait de la transformation des réalités et du retour en force du fait religieux comme élément central dans l’imaginaire des peuples. Et notez que cela n’est pas propre aux pays musulmans (cf. à ce sujet, ma dernière interview de M. Maffesoli sur Leaders).
— Ce que vous dites est affligeant sur le Professeur Maffesoli, un esprit des plus innovants, et ce en n’hésitant pas à colporter à son égard les médisances de ceux qui ne trouvaient rien d’autre pour arriver à sa cheville et qui, d’ailleurs, n’en usent plus, tellement la ficelle était grosse et le mensonge éhonté. Pas mal d’âneries ont été débitées sur son compte par les mauvais esprits qui, comme les mouches, tournent autour du miel ou, comme le renard de la fable, jugent trop verts les raisins (la sommité de son art) qu’il ne peuvent atteindre. Documentez-vous donc. Voici un lien, juste à titre d’illustration :
http://1libertaire.free.fr/Maffesoli05.html
— Pour la postmodernité, et si vous lisiez justement Maffesoli, au lieu de débiter des âneries à son sujet, vous verriez que ce n’est pas une imposture, mais bien une réalité tangible, l’époque que nous vivons. Pour vous initier au “style” et à l'”alphabet” de la postmodernité, je vous recommande par exemple son livre La Contemplation du monde. Figures du Style Communautaire, 1993, Le Livre de Poche, 1996. Mais tous ses ouvrages, qui sont pléthoriques, sont à déguster, même s’il n’est pas le seul à parler de la postmodernité; il y a juste qu’il en parle divinement.
— Enfin, ne vous inquiétez pour la Tunisie; son peuple, qui a retrouvé seul sa liberté, ne la lâchera plus et en fera bon usage envers et contre tous, y compris et surtout ceux qui veulent la lui confisquer, quelle que soit la divinité au nom de laquelle ils s’expriment. C’est ce génie tunisien qui me fait croire en un avenir prometteur pour une Tunisie où l’islam aura retrouvé sa véritable âme, un fait religieux postmoderne, démocratique et respectueux des valeurs de l’Homme, toutes les valeurs universelles de l’Homme sans exception. Toutefois, pour lui faciliter la tâche, les amis de la Tunisie, au lieu de pérorer à n’en pas finir sur la laïcité, lavée subitement de tout son passé et de ses tares, devraient lui venir en aide avec des mesures concrètes comme celles que je propose dans mes articles, car une démocratie ne peut naître et prospérer dans une réserve.
— Ultime mot : en prenant connaissance de votre ridicule échange avec averoes, et ce de retour de combats sur le terrain, je mesure le décalage sidéral entre ceux qui agissent et défendent les valeurs menacées et ceux qui en parlent en commères. Du coup, ils ne font qu’étaler leur ignorance au grand jour en démontrant le niveau de leur honnêteté intellectuelle. Aussi, bien évidemment, aucun dialogue n’est profitable avec eux en l’absence de pareil réquisit, car c’est comme répondre, non pas à des paroles sensées, y compris lorsqu’elles peuvent être fausses et méritent correction, mais à un braiment. Aussi, je laisse à leur hi-han les ânes entre eux, asinus asimum fricat.
@othman
Je suis heureux de vous voir évoluer et progresser au fil des échanges. Heureux de vous entendre dire que toutes les religions se valent. Je n’ai jamais remis en question vos valeurs, je vous ai même encouragé à continuer votre travail de décrassage de la religion musulmane des effets de l’homme et de la faire épouser les valeurs de son temps. Mais je suis triste de vous voir mélanger culture civilisation identité et religion. Je ne désespère pas de vous entendre dire que l’islam n’est pas politique et que la meilleure façon de lui permettre d’évoluer sereinement c’est de lui épargner les interactions politiques. Pour cela la solution existe c’est la laïcité mais j’ai l’impression que vous faites la guerre à un lexique sans saisir vraiment son vrai sens. Vous concédez à demi-mot que vous ne seriez pas contre la laïcité, mais le fait de faire de l’islam une question centrale et par laquelle vous définissez les tunisiens vous empêche de leur octroyer la liberté de gérer leurs vies sans avoir forcément le label islamique. Vous n’arrivez pas à séparer le sacré du profane parce que vous insistez sur la supériorité de l’islam qui doit tout gérer.
Par je ne sais quel pragmatisme politique, vous proposez d’agir sur le discours religieux comme un levier pour faire évoluer les tunisiens que vous définissez en tant que musulmans au préalable. Là, vous n’arrivez pas à sortir du concept de communauté de croyants pour passer au stade de citoyens. Là où vous voulez faire de bons musulmans, moi j’ai envie de faire de bons citoyens parce que la citoyenneté englobe les musulmans. Là où vous voulez agir sur la foi des gens moi je leur propose de rationaliser leur vivre ensemble en respectant leur liberté de conscience. Là où vous voulez vous ériger en interprète de dieu à l’instar de tous ces mollahs qui poussent comme des champignons moi je veux m’adresser à l’intelligence des gens tout en respectant sa part de subjectivité.
Il faut que vous arriviez à résoudre votre problème identitaire Et arrêter de voir la vie qu’à travers le prisme de la religion. Votre passage sur l’Andalousie confirme le mélange que vous faites entre identité civilisation culture et religion, finissez avec l’histoire des almohades qui au nom de la religion ont brisé un rêve mais c’est vrai j’ai oublié vous allez me dire qu’ils avaient une mauvaise interprétation de l’islam. Vous n’êtes pas loin du slogan chimérique et trompeur des frères musulmans « l’islam est la solution », moi je ne dis pas que « l’islam est le problème » mais votre façon d’attribuer les succès de civilisations à l’islam et expliquer les problèmes par la déviation de l’islam, cette vision manichéenne ne tient pas debout. De l’universelle, on a su en produire avec ces meilleurs facettes sans l’islam. Vous prêtez à l’islam originel ces avancées humaines je vous le concède volontiers, mais je vous demande seulement un peu plus de rigueur et d’objectivité quant à la lecture de l’histoire. Les chrétiens andalous n’ont rien fait d’autre que ce qu’ils ont fait les arabes avec les perses les indiens et la philosophie grec et comme font les arabes aujourd’hui avec le monde occidental, c’est l’humanité qui échange et qui se développe et cela n’a rien avoir avec la religion.
Je vous rappelle que majorité de tunisiens peuvent se sentir plus proches d’un juif marocain d’un chrétien d’orient ou d’un athée français que d’un musulman indonésien. Ne mélanger pas identité culture et religion.
Monsieur, on n’est pas là pour juger othman ou l’œuvre d’othman, je vous demande d’avantage de modestie. C’est un débat d’idée, il faut savoir supporter la contradiction et la confronter avec ses idées sans verser dans l’insulte ou la moquerie.
Inspirez-vous de la sagesse du prophète « wa la tatanabasou bil 2al9abi » « ne vous vous blessez jamais avec les surnoms » et « la taskharou min 9awmin 3assa an yakounou khayran minkom » « ne vous vous moquez jamais de personnes, autant ils seraient meilleurs que vous »
Je vous laisse avec le texte coranique peut être que cela aura plus d’impact sur vous pour vous persuader de l’utilité de la laïcité.
. Sourate 88,22-23 « lance donc le rappel : tu n’es là que celui qui rappelle, tu n’es pas pour eux celui qui régit »
Dans une autre traduction «21. Prêche les hommes, car tu n’es qu’un apôtre ;
22. Tu n’as pas le pouvoir sans bornes ;
23. Mais quiconque tourne le dos et ne croit pas,
24. Dieu lui fait subir le grand châtiment.
25. C’est à moi que vous retournerez ;
26. C’est à moi de vous faire rendre compte. »
Un hadith du prophète où dieu nous parle « omourokom,antom adra biha » « vous êtes les plus à même pour gérer vos affaires ».
L’islam n’a jamais été politique et il ne le sera jamais. Cela est vérifiable théologiquement et historiquement il suffit juste de se débarrasser du carcan identitaire pour se situer vraiment dans l’histoire humaine afin de pouvoir vraiment toucher l’universelle.
Apparemment ma réponse à Averoes a blessé le disciple de Maffesoli que vous êtes. Les faits sont pourtant têtus. M. Maffesoli a bel et bien consacré, avec mention très honorable, la thèse d’Elisabeth Tessier , voyante astrologue bien connue pour ses supercheries.. Il s’est attiré en conséquence le désaveu de Claude Dubon, président de la Société française de Sociologie, de Daniel Filatre président de l’Association des sociologues enseignants du supérieur, de Jean Yves Trepos, président de la section sociologique du comité national des universités.
Mais c’est le pjhilosophe Jacque Bouveresse qui a le mieux, à mon avis, résumé le danger que faisait courir à la sociologie des professeurs comme M Mafesoli:
“Ce qui est préoccupant n’est évidemment pas seulement la tendance à croire qu’une rhétorique antiscientifique et antirationaliste qui ne fait, pour l’essentiel, que ressasser maladroitement toutes les formules et tous les lieux communs à la mode peut tenir lieu de réflexion épistémologique. C’est aussi et même surtout l’idée que l’acceptation d’une thèse de cette sorte par un jury universitaire constitué de personnalités en principe compétentes donne du niveau d’exigence extraordinairement bas auquel on est aujourd’hui descendu dans les questions de cette sorte. Et il ne serait pas sérieux de prétendre qu’il s’agissait, en l’occurrence, d’une thèse de sociologie, et non d’épistémologie ; car, en plus du fait que cela ne constituerait sûrement pas une excuse, il n’est pas nécessaire d’être sociologue pour se rendre compte au premier coup d’œil que c’est faux. Ce qui est certain, en revanche, est que le fait qu’une thèse de cette sorte ait pu être soutenue et se voir attribuer la mention “Très Honorable” devrait constituer un problème intéressant pour la sociologie de la connaissance en général et celle de l’évolution des normes et des pratiques universitaires en particulier”.
Vos interventions qui ne font que noyer dans les brumes d’un pseudo discours scientifiques les réponses simples à des questions précises dont les citoyens tunisiens auront besoin pour se prononcer sur un projet concret de constitution qui va leur être proposé illustre bien cette dérive intellectuelle.
@Emilio
Monsieur,
Je n’ai pas évoqué à dessein la question de la thèse de Madame Teissier, pensant qu’avec les éléments pertinents que je vous avais donnés, vous alliez enfin avoir l’attitude rationnelle dont vous vous réclamiez pour tirer le vrai du faux. Eh bien, non! vous persistez dans votre ignorance. Voici donc la vérité :
– D’abord, il ne s’agissait pas de thèse sur l’astrologie ou d’astrologie, mais sur «l’ambivalence des médias vis-à-vis de celle-ci». Le titre exact étant le suivant : Situation épistémologique de l’astrologie à travers l’ambivalence fascination/rejet dans les sociétés postmodernes. Or, dans la bonne tradition weberienne, tout fait social a vocation à devenir un fait sociologique. Simmel conseillait même d’éduquer le regard sociologique de manière à ce que l’on sache décrire tout en laissant être ce qui est. Rien de judicatif, rien de normatif.`
_ Ensuite, ce n’est pas le directeur de thèse qui donne le titre, mais un jury. Et il était composé de sociologues réputés : P. Tacussel, G. Durand, P. Watier et Serge Moscovici qui en était le président.
– Enfin, si des sociologues ont critiqué Maffesoli pour la thèse, d’autres et non des moindres lui ont apporté leur soutien, comme le belge Marcel Bolle de Bal, président d’honneur de l’Association internationale des sociologues de langue française, qui a pris la défense d’Élizabeth Teissier dans une tribune publiée dans Le Soir du 20 septembre 2001 où il a dénoncé ce qu’il appelle «le caractère irrationnel, subjectif, politique de [la] réaction démesurée» de certains scientifiques, réaction qui porterait plus sur la personnalité médiatique de l’astrologue que sur le contenu de la thèse. Et Judith Lazar écrit dans Le Figaro sous le titre Retour sur une chasse aux sorcières : «Le petit monde de la sociologie se met en effervescence, les pétitions circulent et les signataires s’empressent d’exprimer leur indignation, sans se soucier un instant du contenu de la thèse. Certes, l’auteur n’est pas une inconnue du grand public, mais est-ce suffisant pour proclamer, avant de lire, ne serait-ce qu’une page de sa thèse, la supercherie ? Sans oublier que ce travail a subi toutes les étapes nécessaires de la procédure ; que le jury a été présidé par l’un des plus grands psycho-sociologues de notre époque, Serge Moscovici.»
– Vous êtes-vous demandé un instant de quel droit stigmatiser quelqu’un, du fait de son métier, le déclarant inapte à soutenir une thèse s’il remplit les conditions scientifiques nécessaires pour la soutenir? Cela ne vous rappelle-t-il pas la logique ethnocentriste comme quoi il y aurait des peuples et des races aptes à la démocratie, et des races qui ne la méritent pas? En tout cas, on n’en est pas loin, la logique d’exclusion étant la même. Et vous, tête baissée, vous vous y enfoncez ! Pauvre élite moderniste que nous avons, guère plus éclairée que les plus obscurantistes !
– En fait, nous avons eu affaire ici à la manifestation la plus ultime du niveau auquel peut s’abaisser le mandarinat universitaire pseudo scientifique lorsqu’il tourne à vide à force d’être sclérosé, dogmatique et endogmatique, mortifère et autoréférencé. Il ne forme alors que ces décombres dont parle René Char dans «Excursion au village» et auxquels «il faut cesser de parler». En parler, c’est en faire partie !
– Voici ce qu’a dit de l’affaire Michel Maffesoli : «Contre le dogmatisme de la pensée unique en sociologie, j’irritais par l’éclectisme des sujets de recherche et par le mode d’approche proposé. Un exemple parmi bien d’autres. Ayant, en un temps où cela n’était pas encore chic, favorisé la création du Groupe d’Etude sur l’Homosexualité, au sein du CEAQ, et suscité, de ce fait, des mémoires et thèses sur le sujet, je m’étais entendu dire, par un cher collègue, que je “faisais rentrer l’homosexualité à la Sorbonne”. Même reproche, vingt ans plus tard concernant l’astrologie !» Et d’ajouter : «En trente ans d’enseignement à la Sorbonne, j’ai fait passer 170 thèses, dont trois sur l’astrologie. Je suis, en ce domaine comme en beaucoup d’autres, un mécréant absolu. Ma règle en sociologie est la suivante : un fait, s’il est social, devient un fait sociologique. Il est là, on le traite. 50 % des Français consultent leur horoscope, et il ne me paraît pas infamant qu’une personne directement impliquée dans le sujet en question en parle. Le tout est de savoir comment elle doit en parler. A l’encontre de l’idée dominante en France – traiter les faits sociaux comme des choses -, je pense qu’il est possible d’intégrer la subjectivité. […] Autrement dit, il s’agissait d’analyser comment les médias se comportaient par rapport à l’astrologie, et non de faire l’apologie de celle-ci.»
– Voilà cher Monsieur, en quoi consiste le vrai métier de sociologue. Pareillement, parler aujourd’hui de religion avec un autre son de cloche que celui que vous avez l’habitude d’entendre ne veut pas dire que l’on soit pour une théocratie en Tunisie.
Bonne réflexion et soyez plus rationaliste la prochaine fois, du moment que vous vous réclamez de l’esprit scientifique; car vous le caricaturez; et encore, sans le moindre soupçon d’art!
@ othman
je viens de lire un de vos articles où vous expliquez comment l’esprit de chokri belaid est venu vous charger de transmettre un message à la classe politique.au premier abord,je croyais que c’était une façon imagée pour parler de la survivance des valeurs qu’il défendait.mais ce qui m’a sidéré c’est que vous étiez sérieux et que vous avez mis en doute l’islam de quiconque qui mettrait en doute la réalité de ce contact.
si cela pour vous la victoire des valeurs du sud sur les valeurs de l’occident alors continuez et je vous assure qu’on va sombrer encore plus.c’est les histoires à dormir debout qui reviennent,c’est la superstition et le charlatanisme qui reprennent vie et le plus attristant c’est qu’on justifie ce genre d’escroquerie au nom de l’islam.
vous êtes notre nouveaux gourou de la post-modernité,régalez nous et montrez nous le chemin.faites nous découvrir le monde des esprits et on vous suivra.je comprend mieux d’où vous tenez vos idées de génie.
c’est affligeant,vous êtes dangereux monsieur.
@averoes,
Monsieur,
Dans sa lucidité roborative, Rabelais rappelait que “la vérité dans sa forme brute est plus fausse que le faux”. La brutalité de tout concept, quel qu’il soit et conformément à son étymologie (concepire), tient à ce qu’il enferme ce qui est par essence labile, soit la vie. Or, de cette vie, et donc des vrais concepts véritablement scientifiques, vous êtes totalement coupé.
Oui, Monsieur, je suis dangereux pour les esprits rétrogrades et dogmatiques qui croient qu’il suffit de parler de science pour être scientifique, et pour ceux qui ont peur de la vérité, car ne cadrant pas avec leurs présupposés cléricaux qu’ils soient religieux ou laïcs.
Juste une conseil et rien d’autre aujourd’hui, celui de lire la thèse de Bertrand Méheust, docteur en sociologie qui se consacre à l’histoire de la parapsychologie et mène une réflexion épistémologique sur les tabous de la connaissance. Elle a été publiée par les Empêcheurs de penser en rond : Somnambulisme et médiumnité, en deux tomes tome 1 : Le défi du magnétisme et tome 2 : Le choc des sciences psychiques.
Pour plus de détails, vous pourrez consulter à l’adresse qui suit le site de l’auteur :
http://bertrand.meheust.free.fr/somnamb1.php
Après et après seulement, revenez; on discutera alors volontiers, car après avoir lu ces deux gros pavés d’un travail académique de la plus noble facture, vous aurez certainement l’esprit nettement moins dogmatique et plus scientifique. Et ne parlez plus de science ni de rationalité, de grâce, vous leur faites du tort sans le savoir !
Pour terminer, pour en finir une bonne fois pour toutes avec l’arrogance de la Pensée Officielle dont vous êtes le héraut, sachez que humanus, humain, ne vient pas de homo, mais de humus; d’où l’humilitas qui est aux antipodes de la superbe — comme ce que vous affichez — d’un savoir sûr de lui. Sur cet humanisme dont vous vous réclamez en vain, lisez donc Pascal David : Heidegger et la récusation de la question “Quid est homo” in B. Pinchad : Heidegger et la question de l’humanisme, PUF, 2005, notamment p. 310.
Et si vous aimez vraiment lire, et c’est mieux que de parler pour ne dire que des bêtises, vous ne manquerez pas de sortir plus intelligent en revenant à M. Heidegger : introduction à la métaphysique, Gallimard, 1967, pp. 149-150 plus particulièrement.
C’est tout le mal que je vous souhaite, Monsieur.
@Othman;
Je comprends que vous défendiez bec et ongles M. Maffesoli puisqu’il est votre maître à penser et qu’il vous a sans doute gratifié dans vos études . Mais vos arguments sont un peu courts. Vos lecteurs (je remarque qu’ils sont peu nombreux, sans doute lassés par votre ton doctoral) pourront se faire une idée de l’audience de ce monsieur en lisant l’article qui lui est consacré dans Wikipedia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Maffesoli) notamment les paragraphes de la partie intitulée “Controverse autour de la thèse de l’astrologue Élizabeth Teissier”.
Puisque vous êtes si généreux en conseils de toutes sortes permettez-moi de vous retourner mot à mot les gentillesses que vous adressez à l’un de vos contradicteurs car elles définissent parfaitement leur auteur dans sa vanité prétentieuse et son inconsistance. Je veux parler du paragraphe suivant:
“Pour terminer, pour en finir une bonne fois pour toutes avec l’arrogance de la Pensée Officielle dont vous êtes le héraut, sachez que humanus, humain, ne vient pas de homo, mais de humus; d’où l’humilitas qui est aux antipodes de la superbe — comme ce que vous affichez — d’un savoir sûr de lui. Sur cet humanisme dont vous vous réclamez en vain, lisez donc Pascal David : Heidegger et la récusation de la question “Quid est homo” in B. Pinchad : Heidegger et la question de l’humanisme, PUF, 2005, notamment p. 310.
Et si vous aimez vraiment lire, et c’est mieux que de parler pour ne dire que des bêtises, vous ne manquerez pas de sortir plus intelligent en revenant à M. Heidegger : introduction à la métaphysique, Gallimard, 1967, pp. 149-150 plus particulièrement.”
Ce que nous attendons d’un “intellectuel” dans le temps présent ce n’est pas un salmigondis de citations et d’évocation d’ouvrages qui ne visent qu’à le faire reluire comme un coup de brosse sur du cirage mais quelques idées simples et concrètes sur les problèmes de ce monde. Alors donnez-nous votre position sur des questions telles que l’égalité homme/femme, notamment dans l’accès aux postes de responsabilité et l’héritage, la liberté de culte et, par conséquent, l’apostasie et l’athéïsme, la propriété de son propre corps et les choix qui vont avec, la séparation des pouvoirs et les sources du droit dans la future constitution. Et si vous avez des cours à donner, conservez les pour vos élèves ou vos étudiants .
@Emilio
Parlons peu donc, parlons bien :
– Vous savez parfaitement que l’Internet peut représenter le meilleur comme le pire, surtout sur Wiki où tout le monde peut s’exprimer, le plus honnête comme le plus malhonnête.
Si vous voulez avoir une vision exhaustive, en donnant en plus le droit à la défense comme le ferait tout véritable démocrate, lisez à ce sujet le livre de Maffesoli La République des bons sentiments et autres écrits de combats. Vous serez fort bien instruit sur les dessous des choses. Faut-il vouloir aller au-delà des faux-semblants; pour cela, un minimum de sérieux est nécessaire, mon ami.
– Si vous étiez honnête, vous auriez lu mes articles avant de vous faire une fausse idée sur moi. Et vous aurez vu que je défends déjà les minorités, dont les homosensuels (terme que je propose à homosexuels), les droits des femmes et toutes les libertés sans exception aucune.
Je n’ai pas eu encore l’occasion de traiter de l’héritage, mais mes idées sont claires : je suis pour l’égalité absolue entre les sexes aussi bien pour l’accès aux postes de responsabilité, que la propriété que l’héritage, que vous citez. Par ailleurs, je démontre dans un article déjà programmé ici dans le cadre d’une série que l’islam ne pénalise nullement l’apostasie, et donc, bien sûr, je suis pour la liberté totale du culte, y compris l’athéisme. Pour la propriété de son propre corps, c’est déjà fait dans mon dernier article apportant mon soutien à la courageuse jeune fille qui défraye la chronique. Combien de croyants en les valeurs que vous affichez l’on fait, dites-moi?
Il va de soi que la source du droit dans la constitution reste le peuple seul souverain, et c’est dans le projet rectificatif que j’ai publié ici.
Encore une fois, lisez, Monsieur, informez-vous, mais à la bonne source !
Non Monsieur, si quelqu’un s’adonne à la brosse à cirage, ce n’est certainement pas moi. Je ne fais que relativiser la Pensée unique pour mettre en relation les divers imaginaires qui expriment librement la structurelle diversité du donné humain. C’est ce que disait déjà MM depuis si longtemps, et que vous devriez lire toutes affaires cessantes pour ne plus débiter les bêtises des idiots; encore si c’était celles de Cambrai !
Je vous salue, l’ami.
Dans sa réponse à Averroes M. Othman écrit avec beaucoup d’assurance:
” Pour terminer, pour en finir une bonne fois pour toutes avec l’arrogance de la Pensée Officielle dont vous êtes le héraut, sachez que humanus, humain, ne vient pas de homo, mais de humus; d’où l’humilitas qui est aux antipodes de la superbe — comme ce que vous affichez — d’un savoir sûr de lui”.
Cette affirmation est selon toute certitude tirée d’un article de la revue Persée intitulé: “Des mots en politique. Homme, humain, étymologie plurielle” du linguiste Maurice Tournier. Et elle est intellectuellement malhonnête! Pourquoi? Et bien parce que justement, dans son article, Maurice Tournier affirme tout le contraire et, comme je ne doute pas que M. Othman ait lu l’article jusqu’à la fin il a très bien compris que M. Tournier démolit cette hypothèse étymologique d’origine latine et d’essence religieuse qui vise à opposer l’humain défini comme terrestre et obscur au céleste et au lumineux du divin. A cette conception de l’homme issu de la terre, il oppose en s’appuyant sur les travaux les plus récents des linguistes, une conception laïque de l’homme issu de la pensée c’est à dire de l’humain. Et de conclure son article par cette phrase: “il n’y a pas de langage hors culture, il n’y a pas d’avancée culturelle sans métissage et refondation”.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_2001_num_65_1_2494
Dans sa réponse à Averroes
Monsieur Emilio,
Quand un sage vous montre du doigt le soleil à admirer, ne regardez pas le doigt, contemplez donc l’astre!
Quand je reviens à l’étymologie d’un mot, ce qui n’appartient à personne étant la démarche même du scientifique, ne vous laissez pas obnubiler l’esprit par l’usage qu’en font d’aucuns, même parmi les plus brillants esprits; car l’objectivité commande de regarder les conclusions pertinentes tirées de la même étymologie par d’autres esprits, peut-être aussi brillants sinon plus. Ainsi se comportent les véritables scientifiques et non les pseudorationalistes qui n’ont rien à envier, agissant de la sorte, aux dogmatiques les plus intégristes de nos traditionalistes obscurantistes, chacun prenant à sa manière ses ombres pour des lumières aveuglantes…
Et le véritable esprit scientifique profite alors de l’occasion pour faire travailler ses propres méninges en ayant, comme principe de conduite, l’humilité du savoir et la relativité de la vérité.
Car, et ce n’est pas moi qui le dit, vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà !
A ce propos, je me permettrais de vous conseiller de lire ou relire le sociologue G. Simmel dont la pénétrante analyse du relativisme est brillamment présentée en français par S. Moscovici dans son excellent ouvrage : La Machine à faire des dieux, Fayard, 1988.
Encore une fois, Monsieur l’adepte intransigeant de la pensée séculière, lisez au lieu de parler pour ne livrer qu’une facette unique (et fausse en plus) de la Vérité dans la tradition surannée du positivisme, cette reductio ad unum si ridicule aujourd’hui.
Car la vérité est fondamentalement adogmatique. C’est au dévoilement de ses différentes facettes que le véritable intellectuel est invité de nos jours pour honorer réellement la science au moment où les ténèbres de l’obscurantisme, religieux comme profane, veulent éteindre la seule vérité à être absolue et qui est sa relativité et sa multiplicité dans la célébration jubilatoire de l’humain; non pas en un nouveau Dieu sur terre (ni à plus forte raison en cette créature sans cervelle des dogmatiques religieux), mais en homme libre assumant pleinement ses parts indissociables de lumières et d’ombres.
C’est à cet apprentissage collectif de la démocratie véritable que je milite aujourd’hui en Tunisie loin de la moindre intolérance quelle que soit son origine. Ce n’est pas facile, à voir les réactions épidermiques des uns et des autres, mais c’est l’honneur de la démocratie que de permettre cela et le jeu en vaut toujours la chandelle.
En tout cas, il n’est nulle autre voie passante pour être juste de voix. Et la parole juste finit toujours pas être écoutée au-delà du bruit et de la fureur des passions bestiales des humains.
On est encore à ce stade en Tunisie, mais l’émotionnel est déjà là et il finira pas se décanter pour une culture des sentiments bénéfique à toutes et à tous.
Je l’ai dit dans un article en exclusivité sur mon blog, on est bien dans l’ère des sens, et ils sont débridés, mais ils permettent cette assomption nécessaire de la condition humaine d’aujourd’hui celle de l’homo eroticus. Réfléchissez-y !
Et encore une fois, faites attention aux confusions, comme celle que vous faites dans l’interprétation de mes propos à la lumière de ceux de l’auteur cité. Je ne dis rien d’autre, mais vos présupposés ne vous permettent pas d’en bien saisir la substantifique moelle.
Je me limiterais juste à noter ici, car tout est détaillé ailleurs, que mon levier méthodologique est qu’on ne se pense plus, on ne pense pas le monde à partir de soi, mais à partir d’un soi plus vaste, le Soi (avec majuscule) de Jung, qui n’est rien d’autre que l’altérité dont vous parlez sans vraiment l’honorer pleinement.
Eh bien, oui, il n’y a pas de langage hors culture, mais il ne s’agit pas de la culture totem que vous érigez en une nouvelle idole, mais de la culture populaire que vous ne voyez pas, débordant de métissage justement. En cela, au-delà de votre laïcité étriquée, je suis bien laïc, et toute la Tunisie l’est, mais au sens étymologique que je vous invite à redécouvrir comme un grand.
Salut l’ami intégriste laïc !
Il est dommage que vous ne puissiez vous épargner de distribuer les leçons de culture et d’érudition à tout le monde et à chacun de vos propos. Souffrez-vous d’un quelconque complexe d’infériorité? Cela dit, même s’il me semble que votre propos aurait gagné à être présenté comme un rêve plutôt que comme une communication spiritiste à la Hugo, je partage totalement les 17 propositions “politiques” que je viens de lire dans votre “parabole” du rêve d’un contact avec l’âme de Chokri Belaïd. Etant favorable à l’entrée de la Turquie dans l’Europe et considérant que, face au déclin du leadership des USA, il est nécessaire de construire pour l’équilibre du monde à venir une vaste entité géopolitique qui ne serait pas seulement d’origine occidentale et chrétienne mais qui porterait en elle les valeurs du “vieux monde” que sont celles de la Méditerranée et dans laquelle les pays de l’arc sud auraient toute leur place. Le Maroc l’a déjà bien compris! Mais pourquoi diable mêler à ce projet politique la religion? Vous ne le ferez pas mieux accepter,par les uns et par les autres, en mêlant deux approches du monde qui semblent , dans les jours que nous vivons, au nord aussi bien qu’au sud, reposer sur des éléments aussi peu conciliables que l’huile et le feu.
@Emilio
“Il est dommage que vous ne puissiez vous épargner de distribuer les leçons de culture et d’érudition à tout le monde et à chacun de vos propos.” :
–> Encore une fois, lisez mes articles pour voir que je milite pour l’humilité aussi bien dans la vie qu’en politique. Maintenant, à chaque occasion son propos, et je parle à qui s’adresse à moi par le langage le plus adapté à son entendement par souci de respect et non d’irrespect. Et puis, conseiller des lectures utiles, est-ce faire étalage d’une quelconque érudition? Pour moi, le savoir, quel qu’il soit, se partage; il n’est propriété de personne. C’est ainsi que je m’identifie à mon prochain en le faisant partager le meilleur de ce que j’ai; pas vous?
“votre propos aurait gagné à être présenté comme un rêve plutÃŽt que comme une communication spiritiste à la Hugo” :
–> Documentez-vous sur le spiritisme scientifique avant de verser dans les jugements hâtifs et non scientifiques.
“je partage totalement les 17 propositions “politiques” que je viens de lire dans votre “parabole” du rêve d’un contact avec l’âme de Chokri Belaïd… Mais pourquoi diable mêler à ce projet politique la religion?” :
–> Ce que les positivistes d’aujourd’hui ne veulent pas comprendre, c’est que l’époque que nous vivons est au retour de la spiritualité et du fait religieux. Il ne sert à rien de s’illusionner à le nier. D’ailleurs, ce fonds religieux est la toile de fond de la politique européenne à l’égard de la Turquie et du Maghreb. Ainsi, le seul obstacle à ce à quoi j’appelle concernant l’adhésion de la Tunisie à l’Europe est bel et bien la tradition judéo-chrétienne à la base de la politique européenne. L’oublier, c’est ne rien comprendre à la politique européenne d’aujourd’hui.
“Vous ne le ferez pas mieux accepter,par les uns et par les autres, en mêlant deux approches du monde qui semblent , dans les jours que nous vivons, au nord aussi bien qu’au sud, reposer sur des éléments aussi peu conciliables que lâhuile et le feu.” :
–> Justement, c’est ce mythe auquel je m’attaque; il n’est aucune opposition entre ce à quoi j’appelle : un i-slam, un islam culturel, démocratique et pluraliste, respectueux de la tradition POPULAIRE qui est fondamentalement basée sur le respect de l’altérité et des réquisits de la démocratie politique avec la reconnaissance pour tous de tous leurs droits sans aucune exception idéologique ou moralisante. Dire que cela relève de l’impossible, c’est oublier qu’en politique véritable il n’est rien d’impossible. Pour moi, impossible s’écrit ainsi : im-Possible. Car la politique vraie c’est l’art de faire possible ce qui nous semble im-possible; c’est cela qui distingue les vrais politiques des faux et fait l’honneur des véritables politiciens au service, non seulement de leurs administrés, mais aussi de l’humanité en ce monde globalisé. Et sachez que l’utopique d’aujourd’hui est le canonique de demain !
@othman
vous dites que vous êtes laïc, j’avoue que vous progressez au fil des discussions. mais vous n’avez pas encore atteint la vrai définition de la laïcité, je ne désespère pas, encore un effort et vous allez y arriver.
la crise de sens n’est pas forcément un retour au spirituel ou au fait religieux, soyez un peu plus honnête intellectuellement.
l’islam n’est pas politique. pourquoi mêler la politique à la religion? répondez franchement clairement et sans détour à cette question pour retrouver un minimum de crédibilité.
ps: j’ai envie d’avoir votre réponse et non pas celle d’une des âmes qui viennent vous visiter.
[…] On peut se référer utilement, à ce propos, à mon article sur Nawat : De l’idéologie musulmane à l’utopie islamique. […]