tnac-argent

Mise à jour 20 avril 2013
Le député Mongi Rahoui a déclaré hier lors de la séance plénière à l’ANC que les députés ont eu 7000 dt de “rappel” et que la vice présidente Meherzia Labidi a eu plus de 37 000 dt.

Pourquoi ces députés sont-ils contre moi ? C’est parce qu’ils s’attendent à recevoir un autre rappel de 8000 dt. J’appelle le peuple à descendre demain manifester. J’appelle tous les syndicats à demander des augmentations de salaire car si ces députés demandent augmentation, comment veux-tu que le peuple ne le fasse pas ? Alors qu’il y a des gens qui sont rémunérés 200dt/mois…

Les déclarations de M. Rahoui ont déclenché un échange verbal très tendu avec des insultes de la part de certains députés à son encontre.

Quelques heures plus tard, M. Labidi a publié sur sa page facebook officielle la fiche de paie de la députée Yamina Zoghlami avec comme titre : “Le salaire réel des députés de l’Assemblée Nationale Constituante : 2272 dt
Cependant, contrairement à Mme Zoghlami, Mme Meherzia Labidi est vice présidente, ce qui veut dire qu’elle perçoit plus que Mme Zoghlami. De surcroît, elle est domiciliée en France.

Ainsi, au lieu de publier sa fiche de paie personnelle, Mme Labidi a choisi celle d’un ‘simple député’ que nous connaissons depuis des mois grâce à la transparence de certains élus à l’instar de Karima Souid et Amel Azzouz.
Néanmoins, le député Issam Chebbi a démenti hier sur les ondes de la radio Mosaïque FM les propos de M. Rahoui en niant la réception de tout “rappel” d’argent qui aurait été versé aux députés.

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Après une plainte déposée par M. Neji Baccouche, expert en droit public et droit fiscal, au Tribunal administratif, les augmentations d’indemnités pour les députés ont été bloquées. Lors de l’élaboration de la loi de finance, le rapporteur général de la Constitution Habib Khedhr a trouvé un moyen pour dépasser ce blocage en votant une loi qui donne au Président de l’ANC la prérogative d’augmenter les indemnités, “quand il le veut”, et par la voie légale.

Le salaire d’un député dépend désormais du vouloir du président de l’Assemblée

Le salaire d’un élu du peuple en Tunisie est à nouveau sujet à controverse dans un contexte économique très difficile. Le samedi 29 décembre dernier, à une heure du matin, 79 députés ont voté pour une proposition d’article au sujet des indemnités des députés. Le député Karim Bouebdelli s’en est indigné allant même jusqu’à publier sur sa page facebook le statut suivant :

[…] à 1 heure du mat, Les députés ont voté en majorité ( environ 13 étaient contre, dont moi même) pour ré-avoir leur prime de logement de 900 dt par mois en prétextant que leur situation est difficile et qu’un député doit avoir un certain prestige. Cela est une honte pour tous les blessés et les morts de la révolution, qui eux ,en passant n ont tjrs rien eu. C est une honte pour le peuple.[…]

Cette déclaration a été l’objet de plusieurs interprétations, chose qui a poussé le rapporteur général Habib Khedhr a riposter, également sur sa page facebook, comme suit :

Une nouvelle vague de calomnies contre ma personne et contre l’Assemblée constituante généralement dit que j’ai soumis une proposition d’article pour augmenter les indemnités des députés et qu’elle a été inclue dans la loi de finances qui a été approuvée dans les premières heures du 29 décembre. Avant que ce mensonge devienne plus gros, l’article proposé qui a été soumis n’est qu’une simple formalité qui concerne la personne qui aurait la prérogative de fixer les indemnités sans dépasser le budget approuvé dans ce sens. Il a été aussi question d’un effet rétrospectif exceptionnel pour régler les situations précédentes et il n’existe aucune indication sur l’augmentation des indemnités. Habib Khedhr (traduit de l’arabe)

Le député Habib Khedhr, responsable de l’article sur les indemnités

Voulant en savoir plus, on a contacté le député Habib Khedhr, l’auteur de la proposition de l’article. Ce dernier a envoyé l’article, sans aucun commentaire…

Article
En tenant compte des exigences du budget approuvé au sein de l’Assemblée nationale constituante, les indemnités du Président de l’Assemblée nationale constituante, de ses assistants et de l’ensemble des membres de l’ANC sont fixées par des décisions prises par le Président de l’Assemblée nationale constituante. Ces décisions peuvent avoir un effet rétrospectif ne dépassant pas le 15 novembre 2011. Habib Khadr

Ainsi, on peut y lire qu’il ne s’agit point d’augmentation mais de prérogative octroyée au Président de l’Assemblée Constituante, dans le cadre de la loi de finances, pour fixer lui-même les indemnités des députés, avec un effet rétrospectif permettant à ce dernier de rectifier les indemnités déjà perçues . Par ailleurs, ces déclarations qui ont été faites, que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans les médias, sans recours à l’article sus-mentionné qui explicite mieux l’objet de ce fameux vote, à “une heure du matin”, ont provoqué de la confusion auprès des Tunisiens.

Avec cet article, le jugement du Tribunal administratif peut être outrepassé

Cette polémique s’est déclenchée récemment, d’autant plus qu’au mois d’octobre dernier, le Tribunal administratif avait déjà ordonné la suspension des indemnités décidées par le Président de l’Assemblée Constituante ( Cf. Jort -ANC ) dont les montants ont été publiés dans le JORT le 15 août et le 21 juillet 2012. La suspension des décisions du Président de l’ANC a été faite suite à la plainte déposée au préalable par M. Neji Baccouche, expert en droit public et droit fiscal qui a considéré l’augmentation des indemnités comme “une violation des lois spéciales car la situation financière du pays ne le permet pas.”

Par conséquent, en remettant l’affaire des indemnités à l’ordre du jour par les députés, M. Baccouche a estimé qu’avec cet article “on force la main à la justice“. Il a également considéré cette manoeuvre comme une tentative de validation de ce que la justice a bloqué. La députée Hela Hammi, assistante chargée de la gestion et la surveillance budgétaire à l’ANC, a affirmé quant à elle le fait que cet article donne les prérogatives au président de l’ANC de fixer lui-même les indemnités.” Selon elle, “le député Habib Khedhr, rapporteur général, a réussi à dépasser le “blocage au niveau du Tribunal administratif“.

Par contre, d’après un juge de l’Association des Magistrats Tunisiens, le droit administratif ne permet pas de diminuer un “droit acquis”, ce qui veut dire que ces indemnités ne peuvent en aucun cas être diminuées. Ainsi, elles peuvent rester inchangées ou bien augmenter, chose qui sera possible de faire et ce d’une manière rétrospective remontant au 15 novembre 2011 tel que ça été proposé par l’article du rapporteur général Habib Khedhr.

Mme Hammi nous a quand même assuré la bonne foi des élus du peuple qui “n’ont même pas abordé le sujet d’une quelconque augmentation“.

Le député et juriste Fadhel Moussa confirme cela également mais avertie l’opinion publique de la possibilité de reprendre les décisions suspendues par le TA par le Président de l’Assemblée Constituante.

L’auteur de la proposition [Habib Khedhr] a expliqué que ce projet ne vise nullement une quelconque augmentation mais une régularisation procédurale accordant une base légale aux décisions du président de l’ANC en matière de rémunération des députés.
C’est ce qu’on appelle une validation législative qui peut permettre de reprendre les décisions suspendues par le TA [Tribunal Administratif]

Néanmoins, selon la loi de l’organisation provisoire des pouvoirs publics, cette prérogative reviendrait, normalement, au Chef du gouvernement. Nous avons donc contacté M. Lotfi Zitoun, le conseiller auprès de la présidence du gouvernement à ce sujet.

On n’a pas de réponse pour le moment. On n’a pas reçu le texte de loi à travers les voies légales” nous a-t-il répondu

Combien touche un député tunisien ?

Actuellement les députés représentants les circonscriptions électorales sur le territoire de la République et les circonscriptions électorales à l’étranger perçoivent respectivement entre 2200 dt et 2300dt net.

Fiche de paie d’un député représentant les circonscriptions électorales sur le territoire de la République

Bulletin de paie

Fiche de paie de Karima Souid, députée représentant les circonscriptions électorales à l’étranger

Fiche de paie député tunisien à l'étranger

Quant aux deux vice-Présidents de l’ANC, ils perçoivent entre 300 et 400 dt de plus que les autres députés selon Mme Hammi. On a demandé les fiches de paie du Président de l’ANC et de ses vice-présidents mais on n’a pu les avoir pour le moment.

D’après la député Hela Hammi, les invectives lancées à l’encontre des députés sont injustes étant donnés leurs déplacements quotidiens pour voir les citoyens de leurs circonscriptions ou leurs familles dans leurs régions respectives, leurs travaux de rédaction au sein de l’Assemblée Constituante et toutes les tâches qu’exige leur statut complètement différent que celui d’un parlementaire sous l’ancien régime.

Mme Hammi nous a également assuré dans une interview qu’on avait faite avec elle (Cliquez ici pour la voir) qu’il n’y aura aucune augmentation ; cependant, devrait-on se fier à la bonne foi des députés ou plutôt aux lois ? Plusieurs questions se posent donc actuellement : Est-ce que le Président de l’ANC, Mostapha Ben Jaafer, reprendrait les décisions suspendues par le Tribunal Administratif puisqu’il en a désormais la possibilité ? Comment les députés résidents à l’étranger arriveraient-ils, de leur côté, à subvenir à leurs besoins si on maintenaient les anciennes indemnisations, sachant qu’ils n’ont pas eu, jusqu’à maintenant leurs rémunérations en devise comme prévu d’après Mme Hammi ? Et y-aurait-il un cadre légal plus approprié que cette loi de validation pour prendre en considération, à la fois la situation des députés qui ont plusieurs tâches et celle d’un pays en pleine crise économique ?