Demain mardi 15 mai 2012, les résultats des élections du Conseil du Peuple syrien seront annoncés après une semaine d’attente. Dans cet article, après avoir raconté ma première journée en Syrie, je reviens sur celle qui a précédé ces élections. On est le dimanche 6 mai. Dans les journaux syriens, notamment ceux du Baas et de Thawra, on annonce en gros titres la visite de 174 personnalités médiatiques et politiques venues “de par le monde” y assister.

Vers 10 heures du matin, on se trouvait dans le lobby de l’hôtel « Cham Palace ». Il y avait des délégations d’Irakiens, de Jordaniens, de Russes, de Chinois, d’ Egyptiens, de Palestiniens et le nôtre, celui des Tunisiens. On s’attendait à sortir mais on nous avertit de la visite de Majed Halima, directeur général de la Radio et de Télévision syrienne. Il est passé saluer les invités et serrer les mains pour marquer sa présence.

Midi passé, on quitte l’hôtel pour faire un tour d’ « exploration » à Damas guidé par l’équipe qui nous supervisait. On voyait partout des portraits, ceux des candidats ornés des couleurs du drapeau syrien. Ils sont au nombre de 7195 qui se disputent 250 sièges.

On s’arrête à la place Al Marja, au centre de Damas. Une image m’interpelle, celle des poubelles sur lesquelles on voit le logo « Al Jazeera ».
Associer la chaine qatarie à une poubelle vise évidemment à ridiculiser cette dernière qui « colporterait de l’intox anti-syrienne qui veut renverser le régime syrien et accomplir le complot impérialiste des USA et d’Israël.»

« Il n’y a pas de média qui nous soutient !» S’exclame M.Khadhour, le responsable du ministère de la communication qui est chargé des délégations. « Les grands pays du monde sont en guerre cosmique contre nous » nous dit-il.

La visite d’après a été celle de la Grande mosquée des Ommeyyades. Les Syriens y viennent pour passer leur temps à prier, à discuter et à se distraire pendant que les enfants courent et jouent au ballon dans la cour.
Je quitte le groupe pour faire un tour, seule, avec ma caméra à la main. Je m’assoie près de trois jeunes femmes, je me présente et je leur demande leur avis au sujet des élections.

Elles baissent toutes la tête, se regardent puis l’une d’elles me dit « On va voter pour le meilleur. »
Quels sont les meilleurs candidats à votre avis » ?
Il y en a beaucoup ! »
Citez-moi un au moins
Elle me regarde avec tristesse et me demande de ne pas filmer. Un moment de silence.

Je les remercie et je continue mes interviews et le même scénario se répète…

A un certain moment, Je me retrouve en face d’une famille. Je me présente puis je demande à m’asseoir. On accepte.
Même question mais la réponse fut autre :

« Ecoutez mademoiselle, me dit Bassem, le père de famille, si je parle on me tue. » Une dame âgée et l’épouse de Bassem qui tient son fils d’à peine trois ans, me regardent en acquiesçant.

Vers 15h, on devait assister au tour du ministre de l’intérieur Mohamed Al Chaar dans quelques bureaux de vote.
Sa visite, qui durait à peine cinq minutes dans chaque bureau, était protocolaire plus qu’autre chose, en la présence de la chaine syrienne et des groupes de journalistes auxquels on faisait partie.
Dans l’une des écoles où devait se passait les élections, on lisait sur le mur :

Assad, notre guide pour toujours

"Assad Notre guide pour toujours"

Venu le soir, Adnen Mahmoud, le ministre de la communication passe à l’hôtel. Le sujet de discussion tournait autour des élections présidentielles en France. Le candidat socialiste vient de les remporter avec 51,6% contre son rival Nicolas Sarkozy. M.Mahmoud déclare que la victoire de François Hollande est une très bonne nouvelle et que cela contribuera sans doute à l’amélioration des relations franco-syriennes.

Adnen Mahmoud, ministre de la communication en Syrie

Vers 22h30, notre groupe quitte l’hôtel. Anis, qui s’occupait de nous, nous conduit vers un joli café à Damas. Dans le noir, sur les murs des ruelles, on voyait des inscriptions repeintes avec du noir pour cacher ce qui était écrit au-dessous.

En passant, on apercevait de temps à autre quelques check points de soldats avec leurs armes. A un certain moment, l’un d’eux se dirige vers nous et nous demande gentiment de décliner notre identité. Les Tunisiens qui m’accompagnaient lui font une démonstration remarquable de leur loyauté envers la Syrie et son guide Bachar Al Assad.

« Ne vous inquiétez pas, on est la délégation venue assister aux élections qui auront lieu demain.” “Dieu protège la Syrie !” » lui lance l’un des nôtres, rappelant l’inscription qu’on voit sous les portraits de Bachar Al Assad. Le soldat sourit et nous souhaite une bonne nuit.

Dossier de la Syrie
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