Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

Le CPR et le Takkatol s’enlisent chaque jour un peu plus dans leurs querelles d’egos et dans leurs luttes intestines, se détournant ainsi d’une des missions essentielles a mon humble avis pour laquelle une bonne partie de leur électorat les a investis de sa confiance. A savoir contribuer de manière effective au gouvernement a aux décisions stratégiques qui engagent l’avenir du pays de manière a créer un certain équilibre avec Nahdha et empêcher celle-ci de faire cavalier seul.

Malheureusement, on a la preuve chaque jour qu’ils ont échoué lamentablement à mener à bien cet exercice d’équilibriste (que ce soit par choix opportuniste afin de garder quelques postes ministériels en l’occurrence des miettes ou par naïveté politique et manque de courage voire faiblesse vis-à-vis du puissant partenaire, le résultat est le même).

La troïka est donc devenue ipso facto une coquille vide, et ces deux partis jouent les figurants pour servir de faire-valoir à Nahdha et justifier ses égarements anti-démocratiques. Le dernier exemple en date qui tend à corroborer cette thèse est la déclaration tonitruante de Rached Ghannouchi appelant, rien de moins, à privatiser la télé nationale sous prétexte que cela lui permettra d’être plus objective et plus neutre (traduisez caresser le gouvernement dans le sens du poil). Sans parler des exactions policières insupportables du 9 avril et de la présence d’individus non identifiables se chargeant de tabasser les manifestants ainsi que de la brutalité des événements de Rades Mallaha.

A terme, cette situation aura deux corollaires assez sérieux pour la faisabilité de la transition démocratique en Tunisie :

1. Ouvrir un grand boulevard devant Nahdha pour céder à son aile dure et a ses tentations d’hégémonie en instaurant progressivement un système de Parti-Etat à la manière du sinistre RCD pour basculer dans une forme de totalitarisme religieux (tous les indices récents prouvent que ce n’est pas un fantasme ou une vue de l’esprit mais que le danger existe réellement, on est loin des promesses électorales visant à apaiser l’opinion en comparant Nahdha au modèle turc et Gannouchi à Erdogan…

2. Un danger non moins imminent est que cette « démission morale » du CPR et de Takkatol serve de caution au retour de l’ancien système dans toute sa splendeur. On voit bien que la Contre-révolution (et la aussi je ne pense pas qu’il s’agit d’une vue de l’esprit ou d’un fantasme), profitant de cette impéritie des deux partenaires CPR et Takkatol, se réorganise et reprend du poil de la bête sous différentes formes (bourguibistes, initiatives Sebsi, Morjane et son forum etc, soi-disant ‘Bourguibistes’ …Ou étaient-ils pendant la décennie que Bourguiba a passé, assigné à résidence ?

3. Bref entre Mohsen Marzouk, Mondher Belhaj Ali on en a pour toutes les sauces sauf évidemment celle d’authentique RCDiste, casquette qu’ils se garderont bien d’arborer de manière déclarée parce que cela ne se vend pas bien et que la plaie est encore vive. L’ensemble de ces forces, profitant de l’incurie du duo CPR-Takkatol et du mécontentement croissant des velléités hégémoniques de Nahdha parmi une frange de la population ainsi que de la déception par rapport à l’action gouvernementale, ont beau jeu de se présenter comme des sauveurs, la seule alternative viable et le seul rempart possible contre le risque de basculement dans un système totalitaire a connotation religieuse. Evidemment, rien n’est moins faux, et comme dit l’adage il s’agit plus de pompiers-pyromanes que d’authentiques sauveurs.

Conclusion : dans les deux cas, le grand perdant sera la transition démocratique. Dommage parce que certains naïfs (moi le premier) ont cru sincèrement que CPR et Takkatol pouvaient jouer ce rôle et rectifier les choses de l’intérieur même du pouvoir, tout en évitant de tomber dans la discorde de la bipolarisation. Manifestement ils en ont été incapables ou n’ont pas affiché la volonté suffisante de mener a bien cette mission. Marzouki et Ben Jafaar en assumeront la responsabilité historique car la déception aura été à la mesure de l’enthousiasme et des promesses non tenues !