Une des spécificités du régime Ben Ali a indéniablement été le contrôle des médias et d’internet ainsi que le harcèlement, l’emprisonnement et souvent la torture de toute personne qui osait s’ériger contre le gouvernement. Les journalistes tunisiens ont particulièrement souffert du musèlement opéré par le régime comme ce fut le cas du journaliste Fahem Boukadous, condamné à quatre ans de prison ferme en 2008 pour avoir couvert les évènements du bassin minier de Gafsa. Sous couvert de la loi contre le terrorisme, plusieurs opposants politiques ont également subi des peines de prison très longues suite à des procès arbitraires et injustes.
Pendant ces années, des ONG comme Reporters sans frontières, Amnesty international ou Human Rights Watch n’ont cessé de condamner et d’alerter l’opinion internationale contre les multiples violations aux droits de l’Homme commises par le régime tunisien. Le combat pour la liberté a donc tout naturellement été au centre des révoltes qui ont mené à la chute du régime et la liberté d’expression retrouvée a constitué par conséquent un des plus grands acquis de la révolution tunisienne. Pourtant, le lourd bilan de plus de 300 morts et plusieurs centaines de blessés qui subissent encore aujourd’hui le tribut de leur courage, n’a pas empêché un retour vers des pratiques que l’on pensait révolues et à des atteintes visibles à la liberté d’expression.
Armée: quand la Grande Muette censure
En mai 2011, soit cinq mois après le départ de Ben Ali, cinq pages du réseau social Facebook ont été censurées en Tunisie sur ordre du tribunal militaire. Ces pages émettaient des critiques violentes envers le corps de l’armée, notamment sur la personne du Général Rachid Ammar et remettaient en cause son intégrité, son indépendance et son engagement envers les Tunisiens. L’Agence Tunisienne de l’Internet, éternel bouc émissaire de la censure d’internet en Tunisie, a eu en charge de filtrer ces pages recensées sur le site : http://filtrage.ati.tn/. Après avoir appliqué la décision du tribunal, l’ATI a finalement levé la censure sur ces pages pour cause de panne des filtres globaux, comme le signifie le message disponible désormais sur le site de filtrage :
« Pour des contraintes techniques, les équipements qui sont à la disposition de l’Agence Tunisienne d’Internet (ATI) ne sont plus en mesure d’assurer le service de filtrage web pour la Tunisie conformément aux réquisitions (…) »
Le cas de Nabil Hajlaoui, arrêté par l’armée le 9 Novembre 2011 suite aux incidents qui ont secoué la ville de Sidi Bouzid après les élections et le retrait de plusieurs sièges des listes indépendantes d’Al Aridha Al Chaabia dans l’Assemblée Constituante, montre encore une fois l’intransigeance de l’armée lorsque l’intégrité de son corps est directement touchée.
Nabil Hajlaoui a été condamné à deux mois de prison ferme par le tribunal militaire de Sfax notamment pour avoir critiqué l’armée dans sa gestion passive des incidents. Après plus d’un mois passés en prison, Nabil Hajlaoui est finalement libéré le 15 décembre 2011, suite à un non lieu prononcé lors de son procès en appel.
L’officier de police haut gradé Samir Feriani a, lui aussi, été arrêté le 29 mai 2011 suite à une lettre écrite au Ministre de l’Intérieur Habib Essid, dans laquelle il dénonçait des officiels haut gradés responsables, selon lui, du meurtre de manifestants durant les révoltes de décembre 2010-Janvier 2011 et de la destruction d’archives compromettantes relatives aux relations de l’ex-président Ben Ali avec le Mossad israélien. Bien que les accusations émises par Samir Feriani n’incriminaient d’aucune manière l’armée tunisienne, il a été détenu pendant plus de quatre mois à la caserne militaire de l’Aouina avant d’être déféré devant un tribunal militaire pour «atteinte à la sécurité extérieure de l’État », diffusion d’informations « de nature à nuire à l’ordre public » et « imput[ation] à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité ». Samir Feriani est libéré provisoirement en septembre 2011 suite à un non lieu prononcé par le tribunal militaire de Tunis. Cependant, son procès devant un tribunal civil est prévu pour le 16 Février 2012.
Pendant les événements de Kasbah 3, le 15 Juillet 2011, plusieurs journalistes, blogueurs, activistes et autres manifestants sont violemment réprimés par la police. Une vingtaine de personnes sont arrêtées et déférées devant le tribunal militaire de Tunis, certains sont même contraints à la conscription. Un des chefs d’inculpation portés contre les manifestants est la violation de l’Etat d’urgence en vigueur depuis le 15 janvier 2011 et prorogé plusieurs fois par le gouvernement de transition. La dernière prorogation, en date du 29 Novembre 2011, étend l’Etat d’urgence au 31 décembre 2011. La perpétuation de cet Etat d’urgence légitime et justifie les atteintes aux libertés fondamentales des citoyens.
De la censure politique à la censure morale
Si les entraves à la liberté d’expression provenaient exclusivement de l’Etat tunisien pendant le régime de Ben Ali et concernaient principalement la question politique en Tunisie, certains dénoncent, depuis le 14 janvier, la dérive vers une nouvelle forme de censure morale et religieuse qui s’installe sournoisement via des groupes d’influence.
Ainsi, profitant de la liberté d’expression retrouvée en Tunisie, les islamistes reprennent le devant de la scène et veulent se montrer comme un vrai groupe de pression sociale. Depuis le 14 Janvier, les manifestations de salafistes appelant à l’instauration d’un état islamique sont nombreuses. Au mois de Mai 2011, ils avaient notamment investi l’avenue Habib Bourguiba, y improvisant une prière. Cette manifestation avait d’ailleurs amené le ministère de l’intérieur à interdire l’occupation de la voie publique pour l’accomplissement de la prière, ajoutant que ces pratiques sont étrangères à la société tunisienne. L’occupation par un groupe de salafistes de la faculté des lettres de la Manouba pour le droit au port du Niqab au sein de l’université, au mois de Novembre dernier, montre également l’audace nouvellement acquise des fondamentalistes religieux dans l’affirmation de leur vision sociale.
Les revendications légitimes de ces fondamentalistes religieux peuvent prendre des proportions plus graves quand il s’agit de défendre ce qu’ils considèrent comme des atteintes à la religion ou la morale. Plusieurs évènements violents se sont succédés au cours des derniers mois, notamment l‘attaque du cinéma Africart suite à la projection du film « Ni Allah ni Maître » de Nadia El Fani, les manifestations violentes suite à la diffusion du film Persepolis sur la chaîne de télévision privée Nessma et, plus récemment, l’attaque de la troupe Awled El Manajem à Meknassi. Des vidéos ont également circulé sur les réseaux sociaux montrant des attaques organisées de fondamentalistes religieux dans plusieurs villes du pays à l’encontre d’endroits jugés « immoraux » (lieux de prostitution, débits d’alcool, etc.). Dans ce que les uns dénoncent comme une violation de la liberté d’expression, les fondamentalistes y voient une atteinte à leur sensibilité religieuse.
Islamistes de Sfax attaquent marche pour la… par bluemun
Ces manifestations sont d’autant plus graves qu’elles sont acceptées par le gouvernement et débouchent de plus en plus vers des actions en justice contre ceux qu’on accuse d’avoir mené à des troubles de l’ordre public, tandis que les manifestants sont, pour la plupart, relâchés ou écopent d’amendes dérisoires.
En particulier, dans le cas du film « Ni Allah, ni Maître », que Taoufik Ben Brik a qualifié de « pornographie idéologique », la réalisatrice Nadia El Fani fait aujourd’hui l’objet d’une plainte déposée par trois avocats qui l’accusent d’atteintes au sacré, aux bonnes mœurs et aux préceptes religieux. Pour Nadia El Fani, ce procès est une vraie atteinte à la liberté d’expression au nom de la religion: « on ne va pas passer du Benalisme au Benislamisme ! » a-t-elle déclaré récemment.
Nabil Karoui, le directeur de la chaine Nessma ainsi que le responsable du visionnage de Nessma et la responsable du doublage du film, font aussi l’objet d’une plainte conjointe déposée par plus de 140 avocats pour “atteinte aux valeurs du sacré, atteinte aux bonnes mœurs et trouble à l’ordre public” suite à la diffusion du film Persepolis. Le procès est prévu pour le 23 janvier 2012. Pour Sofiène Ben Hamida, un journaliste de la chaîne : «C’est un procès d’opinion qui rappelle la période de l’inquisition».
Le procès contre l’Agence Tunisienne de l’Internet suite à une plainte déposée par trois avocats pour la censure du contenu pornographique sur Internet, est un autre exemple parlant de la nouvelle forme de censure « en bonne et due forme » à laquelle est confrontée la Tunisie post 14 janvier. Malgré les multiples tentatives du PDG de l’ATI Moez Chakchouk et d’un bon nombre d’internautes pour sensibiliser l’opinion publique à l’utilisation d’un Internet responsable sans recours à la censure, l’ATI a perdu son procès en appel et le pourvoi en cassation est prévu pour Février 2012.
Toutes ces affaires montrent un désengagement de l’Etat et l’absence d’une prise de position ferme et tranchée contre toute atteinte à la liberté d’expression, se contentant de laisser la pression sociale agir et l’appareil judiciaire « indépendant » utiliser l’éventail de lois liberticides encore en vigueur.
On ne peut nier qu’un vent de liberté sans précédent a soufflé sur les médias tunisiens dans la Tunisie post révolutionnaire, où désormais la critique de l’homme politique n’est plus un tabou. Après les élections du 23 Octobre et l’arrivée d’un gouvernement légitime, élu démocratiquement, on peut se poser la question si cette liberté de critique de l’action politique va persister. D’autant plus que la vague de liberté a apporté avec elle son flot de dérives vers des calomnies, des propos diffamatoires et des rumeurs sans fondement qui sont alimentées principalement par la chasse au scoop et la guerre d’information (ou de désinformation) que se mènent désormais le clan des partisans d’Ennahdha (et plus généralement de la Troïka) et celui de leur détracteurs. Ces dérives ont été dénoncées par des proches d’Ennahdha qui font le plus souvent l’objet de ces rumeurs, notamment le premier ministre Hamadi Jebali, Rached Ghannouchi et Soumaya Ghannouchi qui menace désormais de traîner en justice toute personne propageant des informations fausses à son égard.
Cette quête du sensationnalisme qui sévit actuellement sur les médias tunisiens est très dangereuse car elle peut finir par justifier un retour de la censure ou du moins de l’autocensure qui caractérisait l’ère Ben Ali. La responsabilisation des médias tunisiens pour la diffusion d’une information vérifiée et objective est donc cruciale pour la préservation de la liberté d’expression. Il est aussi très important de réformer plusieurs lois qui participaient à faire taire toute voix contestataire sous Ben Ali et qui représentent aujourd’hui un danger aux libertés fondamentales des citoyens. Par exemple, l’article 61bis du code pénal, amendé en Juin 2010, établit qu’est passible de 20 ans de prison « tout tunisien qui aura sciemment établi, directement ou indirectement, des contacts avec des agents d’une puissance, d’une institution ou d’une organisation étrangère dont le but est d’inciter à porter atteinte aux intérêts vitaux de la Tunisie ». Le flou régnant autour de la notion d‘ « intérêts vitaux », permet tout type d’interprétations hasardeuses et partiales.
Par ailleurs, le nouveau ministre de la Justice, Noureddine Bhiri, étant issu d’Ennahdha, certains s’inquiètent, peut-être à juste titre, d’un retour vers une justice moralisatrice.
Dans ce sens, les prochains procès touchant à la liberté d’expression seront à surveiller de très près car ils participeront directement à créer des cas de jurisprudence et façonneront le système judiciaire de la Tunisie démocratique.
:-(
Merci beaucoup pour cet article! Interessant lorsque l’on a tendance en Egypte à edulcorer un peu trop la situation en Tunisie!
Schams
[…] […]
Je ne comprends pas ce que vient faire le paragraphe sur les salafis dans cet article. L’article s’intitule “Liberté d’expression en Tunisie : la justice, nouveau fer de lance de la censure ? ” or les agissements de certains groupes salafistes, certes condamnables, n’ont rien à voir avec ce sujet. Au contraire il faut appeler à l’application stricte et ferme de la justice contre toute personne qui ne respecte pas la loi,qu’ils soient salafistes ou autres.
En plus si j’ai bien compris l’auteur de l’article est plutôt contre la diffamation et donc pour le fait de porter plainte contre les journalistes qui font de la calomnie et propagent des rumeurs sans fondement et donc je me demande quel est le rapport avec la censure?? Est ce que la justice dans ce cas est un outil de censure? Pas du tout je trouve. Au contraire c’est indispensable pour garantir un paysage médiatique sain, responsable et professionnel.
Le seul exemple que je trouve plus au moins pertinent et cohérent avec le titre de l’article est le cas de Nabil Hajlaoui ou la justice a été saisie pour censure une opinion politique et encore la même justice à innocenté Nabil Hajlaoui ce qui prouve qu’elle fonctionne comme il faut.
Pour ce qui est de la question de morale et les lois que l’auteur trouve “liberticides” je voudrais juste dire que la liberté d’expression ABSOLUE n’existe pas. La question n’est pas de savoir si on doit mettre les limites à cette liberté ,car ceci est évident, mais de savoir quelles sont ces limites et qui a le droit des les définir et selon quels principes et critères. La réponse à cette question dépend de chaque société, des ses coutumes,de ses traditions,de son histoire et de ce qu’elle considère comme sacré et par conséquence intouchable. La loi et la morale sont deux faces de la même pièce. Le terme “justice moralisatrice” ne veut pas dire grande chose ici.
Salam
Merci Emna!
Cher Sami,
Merci pour ton commentaire, mais je tiens à clarifier plusieurs points:
1. pourquoi je parle des salafistes? Pour montrer justement qu’il existe aujourd’hui une justice à 2 vitesses, qui laisse en liberté des personnes commettant des actes de violence ms poursuit des cinéastes pr “atteinte à la religion”. Donc oui nous somme bien ds une justice moralisatrice!
2. La calomnie, la diffamation sont bien entendu des actes condamnables, sauf qu’aujourd’hui la justice ne poursuit pas les personnes, elle ne se contente pas de demander la suppression du contenu qui diffame ms ordonne la fermeture de tout le site incriminé. On est bien ds un cas de censure. Et pire, aujourd’hui en Tunisie la diffamation est passible de 5 ans de prison, or cette loi devrait être réformée en urgence, car personne aujourd’hui ne devrait être prisonnier d’opinion.
3. Puisque tu as bien disséqué mon article, tu auras remarqué que le titre est une question et non une affirmation. La question centrale, et que tu poses toi aussi est qui définit les limites à la liberté et selon quels critères et principes. Or, à partir du moment où les personnes qui définissent ces critères sont régies par leur propre moralité, il ya lieu de se poser des questions sur l’avenir du système judiciaire en Tunisie. Ce n’est ni un procès d’intention, ni une affirmation, juste un appel à se poser des questions à la lumière de tous les exemples cités.
Au plaisir
Emna EL HAMMI
Merci pour ce récapitulatif qui se base sur des faits concrets montrant l’évolution de la liberté d’expression en Tunisie et surtout l’éternel et même réponse de l’adversaire par l’étouffement et la terreur.
Une seule information ne figure pas, comment les lois liberticides ont-elles été gérées durant la péride de transition?
Ces lois ont-elles été amendées par le gouvernement transitoire et si non pourquoi vu que cette révolution a été celle pour les libertés. Le gouvernement transitoire n’aurait-il pas du prémunir la Tunisie d’une future dictature qui aurait juste revêtue un nouvel habit?
D’autre part comment peut-on être assez hypocrite ou volontairement limité pour prétendre qu’une religion, c’est à dire un dogme que l’on impose, puisse cohabiter avec une quelquonque liberté de pensée ou avec le respect de l’intégrité de la personne humaine?
Un dogme est par définition un enfermement que l’on impose à la pensée humaine. C’est une prison et la pire des dictatures.
La foi ne peut pas être imposer car elle fait partie de l’intimité de l’individu. C’est aussi simple que ça et seuls les hypocrites ou les incultes peuvent prétendre le contraire et chercher à imposer les artifices. On ne peut que transmettre des valeurs par l’éducation et l’exemple mais jamais imposé une vue de l’esprit.
A mes yeux, les régimes les plus immoraux sont ceux religieux, car ils imposent par la terreur “la foi”. Le plus amoral c’est que les tartuffes de tout bord s’en sortent bien eux, vu qu’ils comprennent vite comment endosser la panoplie complète du “bon petit religieux”, et qu’on leur offre avec leur panoplie les réjouissants: brimer l’autre, dénoncer, agresser impunément, terrifier au nom du dogme et de l’irrationel…un vrai régal pour tous ces petits despotes à l’esprit étriqué et peu porté vers l’intellect.
Pas un pays religieux sur la planète n’offre au monde autre chose que l’image effarante de populations misérables, moyennageuses, sans droits ni instruction digne de nom.
Ce qui est par contre commun à tous ces pays, c’est la richesse et la puissance des quelques pourcents des potentats “religieux” qui non content de vivre chez eux dans l’opulence, passent une grande partie de l’année avec leur gigantesque famille/tribu dans cet occident qu’ils dénigrent en permanence auprès de leur population. Ils semblent bien l’apprécier cet occcident honni!
En tout cas la seule vraie liberté de l’Homme étant celle de son esprit toutes ces dictatures moyennageuses et hypocrites sont forcément à l’échec, comme l’histoire l’a toujours montré.
Liberté d’expression en Tunisie : la justice, nouveau fer de lance de la censure ?: http://t.co/q8fHYf5v
Chère Emna,
Je te souhaite une bonne année tout d’abord et je te remercie pour ton interaction avec tes lecteurs.
Je ne suis pas d’accord avec toi lorsque tu parles de “justice à deux vitesses” . Dans les éventements du cinéma Africa la justice a fait son travail selon la loi et les agresseurs ont été traduits devant les tribunaux : http://www.tunisienumerique.com/2011/07/affaire-de-lattaque-du-cinema-africart-5-mandats-de-depot-et-deux-jeunes-raduits-devant-le-juge-pour-enfants/
Pareil pour l’attaque contre la maison de Nabil Karoui : http://www.tunisienumerique.com/2011/11/arrestation-de-la-personne-impliquee-dans-lattaque-du-domicile-de-nabil-karoui/
Le deuxième point est un point technique et je suis d’accord avec toi qu’il ne faut pas censurer les sites mais supprimer l’article en question et exiger le droit de réponse et à la limite payer une amende. Ce qui est déjà garanti par le décret de loi relatif à la liberté de presse,d’impression et d’édition. Je ne suis pas sur que la diffamation est passible de 5 ans de prison. Les articles 55,56 et 57 de ce décret de loi traitent la question de la diffamation et je n’ai pas lu cette histoire de 5 ans. Tu confonds peut être avec l’article 51 qui lui parle de l’incitation au meurtre et au viol et qui passible de 5 ans si jamais l’incitation est suivie par un acte de meurtre ou de viol etc…
Maintenant pour revenir au débat de fond qui m’intéresse le plus ici à savoir la question de la morale et la loi et ce que tu appelles la justice moralisatrice. J’ai du mal à comprendre ce que tu veux dire avec l’expression “justice moralisatrice” car la sentence du juge est forcément un acte morale. Tout acte de l’individu est d’ailleurs un acte morale. L’homme est le seul être que l’on connaisse qui donne de la valeur à ses actes. Quel est le rôle du droit?? Dire ce qui est obligatoire,légal ou illégal dans l’activité humaine. Ceci relève de la logique dite détonique. Lorsque tu réfléchis sur la morale,tu constates qu’elle globalise la loi et l’intégré. En fonction de quoi on jugera une activité légale ou non?? La réponse est sans conteste le code moral.
Quand je parle de la morale ici, je ne parle pas seulement des bonnes mœurs,de ce que je trouve cool etc. Je parle de ce qui est bénéfique, juste et utile pour tous. Ce sens large qui encadre tout l’activité humaine.
Pour être plus concret et montrer que la morale fait partie intégrante de la loi je vais citer un exemple : Dans le langage juridique on parle de “atteinte aux bonnes mœurs”. Un homme se baladant le sexe nu par exemple commet un délit sur le plan juridique, pourquoi? Tout simplement car l’acceptation morale des “bonnes mœurs” va s’intégrer d’une manière ou d’une autre à la loi et à la jurisprudence. En d’autres termes,lorsque la morale des gens change,celle-ci influe et intègre la loi qui en contrepartie se charge d’être en accord avec les mœurs de la majorité des gens. Un autre exemple est l’acceptation de l’homosexualité comme une tendance sexuelle légitime contre laquelle il est illégal de s’attaquer verbalement au nom de “l’homophobie”. La loi est remplie d’exemple de ce genre par lesquels elle gère la morale des gens. La justice est donc forcément et par nature moralisatrice.
Dans ton 3eme point tu poses la question de qui définit les limites de la liberté et selon quels critères. Dans toutes les démocraties ce sont les élus du peuple qui ont le pouvoir législatif. Ils refléteront ainsi la volonté de la majorité des citoyens (c’est l’idéal au moins,un idéal qui peut ne pas être respecté parfois). Les critères et les principes comme je l’ai déjà dit dépendent des spécificités de chaque société, de ses traditions, de sa morale collective et de son histoire. Dans une société ou la grande partie des citoyens sont des fervents chrétiens par exemple, il est évident que la loi sera interprétée en fonction de cette réalité. En France par exemple, qui est un pays qui a participé à la déportation des juifs, la négation des chambres à gaz constitue un délit punis par la loi. Une loi, comme ne le voit, fortement influencée par l’histoire de ce pays.
Salam
Sami Haj Salah
Cher Sami,
En ce qui concerne l’attaque du cinéma africart, oui il ya bien eu des arrestations (pr calmer l’opinion) mais beaucoup de ceux qui ont été arrêtés ont ensuite été relâchés (ils n’auraient apparemment eu pas de lien direct avec l’attaque, je leur accorde le bénéfice du doute) mais ceux qui ont été poursuivis ont écopé d’amendes très faibles. OR, pr avoir projeté ce film, selon la loi, Nadia El Fani encourt une peine d’au moins 6 mois de prison pr “atteinte aux valeurs du sacré”, même chose pour Nabil Karoui. On est dc ds une situation où une oeuvre “artistique” (je mets des guillemets car il est vrai que l’on peut discuter l’art ds ce film) est punie pénalement par de la prison, alors qu’une personne ayant menacé de mort d’autres personnes, saccagé des lieux, séquestré des personnes s’en sort pratiquement sans poursuites. Peut-on considérer ça oui ou non comme une justice à 2 vitesses?
En ce qui concerne la peine encourue pr diffamation en Tunisie, il s’agit des Articles 245 à 248 du code pénal tunisien (disponible en téléchargement ici : http://www.iort.gov.tn/WD120AWP/WD120Awp.exe/CTX_29080-28-hppKvAXVuX/CodesJuridiques/SYNC_-2076218250) et la peine va bien de 6 mois à 5 ans de prison.
Je suis totalement d’accord avec toi sur le fait qu’une justice est forcément moralisatrice. Simplement, c’est l’esprit des lois et non leur application qui doit l’être. Dans les cas présentés, ds les 3 cas Nabil Karoui, Nadia el Fani ou le porno, ce sont des avocats qui poursuivent en justice selon une idéologie bien orientée. On n’est pas ici ds un cas d’application stricte des lois ms d’utilisation des lois pr servir sa propre idéologie. En somme, ces avocats se sont interessés à ces affaires en particulier non pas pr l’interet général ms pr se faire un nom et pr servir une certaine idéologie et je pense qu’il est de notre devoir à tous de le dénoncer.
Autre chose, notre code pénal présente des failles qui ont été très bien utilisées par le système Ben Ali pr faire taire bcp d’opposants et qui peuvent tout autant être utilisées auj pr servir les fondamentalistes religieux. Je ne suis pas contre une loi pr sanctionner l’atteinte aux valeurs religieuses, ms je veux absolument que cette sanction soit mesurée et bien spécifiée. Je ne suis pas contre une loi pr sanctionner la diffamation, ms je refuse qu’une personne se retrouve en prison pr ça. Ce n’est dc pas l’esprit des lois qui est à revoir ds notre système judiciaire, ms leur application.
Voilà, j’espère que mon point de vue est clair :)
Au plaisir
Emna EL HAMMI
Liberté d’expression en #Tunisie : la justice, nouveau fer de lance de la censure ? http://t.co/nBR8dyjD
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Really a nice article. High level of analysis, well written etc. Hope that you continue to write and analyse more subjects. I defend the freedom of speech and hope it will be on our next constitution, I hope also that we do NOT use this freedom to attaq head on our religion.
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[…] in Sidi Bouzid. Hajlaoui, was freed on December 15 as Emna El Hammi from the collective blog Nawaat reports […]
[…] This list won most of the votes in Sidi Bouzid. Hajlaoui, was freed on December 15 as Emna El Hammi from the collective blog Nawaat reports [fr]. […]
Political censorship in ancien regime #Tunisia replaced by religious censorship in new, democratic-moderate paradise? http://t.co/nULw9zCn
Jai pris du plaisir a lire les posts de Sami et les réponses Emna qui enrichissent le débat. Je penche plutôt pour l’avis de Emna. Sans être un spécialiste du droit pour expliquer les notions de moralisation de l’esprit des lois vs l’application celles-ci, force est de constater qu’ en effet les actes salafistes ont été mollement réprimandée, alors qu’on(la classe bourgeoise éprise des libertés individuelles dont jouissent les pays occidentaux, et je me compte dans cette classe la) s’attendait a des sanctions plus sévères.
Faut aussi se demander : peut être que les mécanismes de legislation et d’application des lois sont plus lents a se mettre en oeuvre comparé aux nouvelles revendications pour les libertés individuelles?
Les libertés individuelles parfaites n’existent pas, comme l’a souligne Sami. Dans d’autres pays arabes le film de Nadia n’aurait meme pas été diffuse. En Tunisie, on réclame des libertés individuelles en espérant avoir les memes qu’en France ou au Canada, alors que meme las-bas il y a des dépassements fréquents et de + en + graves. Je pense en effet qu’il faut demander nos libertés mais faut aussi comprendre qu’en face nous avons un organe judiciaire qui a besoin de se mettre a jour, et cela prendra du temps. En attendant il va y avoir un décalage mais je ne veux pas croire a la conspiration de Ennahdha ou des salafistes, car on a bien vu qu’en les attaquant ça n’a fait que les renforcer.
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أنترنات مقصوص في.. جندوبة سيدي بوزيد..قصة قصرين سليانة مكثر…عمار 404 رجع في مناطق
photo de mur
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