Libéré le 22 juillet de la prison de Nantes après cinq années d’incarcération pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, Adel Tebourski, de nationalité tunisienne [1], a été conduit directement au centre de rétention du Mesnil Amelot, en région parisienne, dans l’attente de son renvoi en Tunisie puisqu’il avait reçu quasi simultanément notification d’un arrêté ministériel d’expulsion [2]. Lundi 24, Adel Tebourski déposait une demande d’asile, qui devait suivre un traitement prioritaire [3] puisque déposée depuis un centre de rétention. Le surlendemain, Adel Tébourski, fut informé qu’il rencontrerait les services consulaires tunisiens le vendredi suivant, alors qu’il était encore demandeur d’asile… L’issue de la procédure était-elle connue d’avance ?
Mercredi 26 juillet, la CIMADE et l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT) déposaient un recours auprès du Comité contre la Torture des Nations Unies, lequel enjoignait dès le lendemain à la France de surseoir à l’exécution du renvoi de M. Tebourski en Tunisie “ en raison des risques de torture et de mauvais traitements encourus par ce dernier en cas de retour dans son pays d’origine ». Le ministre de l’Intérieur décidait de passer outre et dès réception de la réponse négative à sa demande d’asile vendredi 28, Adel Tebourski était conduit au Consulat de Tunisie à Paris pour que ce dernier lui délivre un laissez-passer. Adel Tébourski eut alors la désagréable surprise de constater que les gendarmes du Mesnil-Amelot avaient transmis aux services consulaires le rejet de sa demande d’asile, en toute illégalité. Les risques de torture en cas de retour s’en trouveront accrus.
Adel Tebourski, sans illusion aucune sur le sort qui lui serait réservé en Tunisie, entamait le jour même une grève de la faim et de la soif.
On voit mal en effet comment il pourrait échapper à la torture devenue systématique dans les affaires de terrorisme, ou à l’arsenal législatif tunisien, qui dispose de trois articles punissant les activités terroristes commises à l’étranger [4]. C’est en vertu de ces lois que plusieurs Tunisiens s’étant vu refuser l’asile en Europe sont aujourd’hui incarcérés en Tunisie (Tarek Belkhirat, Taoufik Selmi ou Adel Rahali, pour ne citer qu’eux, ces deux derniers ayant été atrocement torturés après leur descente d’avion). C’est toujours en vertu du code des plaidoiries et sanctions militaires qu’une cour militaire a condamné le réfugié Salem Zirda, expulsé des Etats-Unis en Tunisie, à une peine de sept ans d’emprisonnement…. Et ce sont les services du ministère de l’Intérieur tunisien qui ont systématiquement torturé, dans une période toute récente, des centaines de personnes lors de leur garde à vue dans des affaires de terrorisme. C’est dans ce cadre que Moncef Louhichi a perdu la vie à l’issue de sa garde à vue en juin 2005.
Samedi 29 juillet, le tribunal administratif de Paris a rejeté le second référé liberté déposé contre l’expulsion de M. TEBOURSKI contestant le choix de la Tunisie comme pays de destination. Aucune mention n’a été faite de la décision du Comité contre la torture des Nations Unies. Jeudi 4 août, ce sera le tour du référé suspension d’être examiné par ce même tribunal. Les autorités françaises attendront-elles cette échéance ? Assurance a été donnée par un conseiller du ministre de l’Intérieur aux associations qui suivent l’affaire qu’Adel Tebourski ne serait pas renvoyé avant l’examen des référés. [5] Mais après ? Dans un communiqué, l’ACAT et la CIMADE expliquent que leurs craintes ne sont pas basées sur des hypothèses : « Nous rappelons qu’en 2002, l’ACAT-France avait déjà tout fait pour sauver M. BRADA d’une expulsion, ce qui n’avait pas abouti. M. BRADA, algérien qui avait fui son pays après avoir été torturé pour refus de porter les armes, avait été, contre toute attente, expulsé, et ce, malgré la mobilisation des associations. Il a été réceptionné à l’aéroport par les services de police puis sauvagement torturé. A la suite de cette affaire, l’Etat français avait été condamné pour violation des articles 3 et 22 de la Convention contre la torture. Faudra-t-il recommencer avec M. TEBOURSKI ? “ [6]

Luiza Toscane

[1] Il avait reçu notification de sa déchéance de nationalité française la veille.

[2] Se reporter à « Adel Tebourski, de la prison à la rétention », www.nawaat.org et www.tunisnews.net du 24 juillet 2006.

[3] L’Office Français pour la Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) rend alors sa décision dans les quatre vingt seize heures qui suivent.

[4] Que ce soit le code pénal, le code des plaidoiries et sanctions militaires ou la loi anti terroriste, appliquée de façon rétroactive.

[5] Sophie Crozet, de l’ACAT, sur Radio France Internationale, Samedi 28 juillet

[6] Communiqué de presse, 31 juillet 2006