C’est dans un cadre atypique qu’a eu lieu la représentation de “Bon deuil” de Feteh Khiari et Houcem Bouakroucha. Le spectacle de danse a été présenté au cœur de la médina de Tunis. Plus précisément sur le toit de l’ancienne église Saint-Croix, qui accueille cette performance artistique du 3 au 8 octobre 2023. Sous le clocher datant du 19eme siècle, s’étalent sous nos yeux le vieux Tunis égayé par les pigeons, tandis qu’une brise escortait le soleil vers son coucher. Un spot à couper le souffle déniché par le festival Dream City.
Le sound designer Aymen Bouzidi accompagne en musique les deux danseurs sur la scène. En découvrant le trio, on a l’impression d’atterrir dans le monde des trentenaires, pas vraiment vieux mais plus vraiment jeunes. Tatoués, Converse aux pieds et tee-shirts fatigués, ils nous évoquent une niche socio-politique particulière. Celle des « millennials », qui, à 20 ans ont vécu la révolution et à 30 ans la désillusion. Celle qui a rejeté le paradigme social conventionnel mais n’a pas eu la liberté d’en créer un autre. Alors ils dansent sur un toit, dans un carré de 20 mètres carrés, moyennant un dispositif rudimentaire. La taille de l’espace est assez représentative de celle qu’on leur accorde en Tunisie.
L’un des danseurs tombe au sol, le musicien appuie continuellement sur une note de piano. L’image est claire. La mort est là. Houcem Bouakroucha commence à taper sur un cube pour le ranimer à coups de tam-tam. Le corps se convulse, meurt à nouveau, se convulse, résiste, meurt, puis revit.
Les quinze minutes suivantes sont plutôt déconcertantes. Il est difficile de comprendre ce qui se passe. La communication avec les danseurs est difficile. Malgré la proximité, la rencontre avec l’audience peine à se créer. Une spectatrice triturant un bouton sur son front, arbore une expression interrogative identique à la nôtre. Heureusement, le décor environnant est là pour nous donner de l’émotion. Les deux artistes, dos au public, dansent avec leurs ombres projetées sur le mur, leurs silhouettes oscillant de gauche à droite. Ils semblent fragiles, à la merci de la brise de la Médina. L’un d’eux se lance ensuite dans un solo avec deux bâtons en main. Le dos droit et les membres relâchés, il ressemble à ces jeunes qui se lâchent en boite de nuit et qui chialent en « after ». N’est-ce pas cela que de vivre dans le paradoxe du bonheur et du deuil?
Enfin, on les retrouve au dernier tableau. Il y a de l’humour et de l’imagination. Une maladresse mise en scène et incarnée par deux corps qui parfois ne savent plus comment se supporter. Les millennials sont d’abord et surtout des enfants qui ne savent pas quoi faire de leur vie et de cet avenir qui tarde à venir. Alors ils jouent. Parmi l’audience, des enfants éclatent de rire. Et le soleil a presque disparu.
Le spectacle est fini. Les artistes nous disent avec toute la simplicité du monde “A demain”.
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