Le changement climatique a bouleversé les écosystèmes naturels. Et pour examiner leur évolution, un suivi est absolument nécessaire. Pratiquement tous les travaux ayant traité de l’évolution future des espèces ont montré un changement de leur aire de distribution avec le temps. Il est donc urgent de mettre en place des structures à même de documenter ces changements, qui affecteront non seulement la composante végétale, mais aussi les animaux associés aux écosystèmes en question.
Les incendies des forêts constituent un enjeu majeur dans leur évolution. Ce phénomène se manifeste aujourd’hui particulièrement dans le bassin méditerranéen. Les incendies ayant touché cette année la Grèce, vont rester dans les annales. Pratiquement tous les pays sont touchés, mais sont inégalement affectés, car leurs réponses aux feux sont différentes.
Changement climatique en Tunisie : Pour l’adaptation de l’environnement humain (1)
Dans cette série d’articles, nous traitons des différentes formes d’adaptation de l’environnement humain, des écosystèmes naturels et de l’agriculture, à même de faciliter la vie dans des conditions climatiques stressantes. Ce premier volet se penchera sur les solutions susceptibles d’être adoptées en milieu urbain et rural.
En Afrique du Nord tout comme pour le reste de l’espace méditerranéen, on s’attend à une fréquence accrue des incendies et à une extension de la saison des feux. Au cours des dernières années, des incendies ont ravagé des dizaines d’hectares (voire même plus), et certains d’entre eux ont été à l’origine de drames humains, sans parler des pertes en couvert végétal et en biens matériels. Tout près de chez nous, en Algérie, des incendies ont eu lieu même en automne et ont été la cause de nombreux drames. Une situation à laquelle nous ne sommes pas préparés, puisque la saison des feux est pour le moment confinée aux mois les plus chauds de l’année.
Le risque d’extension de la saison des feux est réel, surtout que les périodes de sécheresse ont tendance à s’allonger et que les hautes températures (favorables aux incendies) se prolongent sur plusieurs mois. Cette situation est inédite, et il est urgent de mettre en place des stratégies de lutte contre les feux, afin de préserver les maigres ressources naturelles vivantes qui nous restent.
L’homogénéité des plantations forestières rend les forêts plus vulnérables aux incendies (ainsi qu’aux déprédateurs des espèces). En effet, les reboisements effectués sont souvent basés sur une seule espèce (surtout pour les forêts de pins), alors que les forêts naturelles sont très hétérogènes. Cette conformation fragilise les forêts et les rend vulnérables à tout facteur pouvant perturber leur fonctionnement. Il est largement temps que les reboisements ne soient plus basés sur une seule espèce. Et il est urgent que des reboisements en mosaïque soient adoptés.
En termes de plantation, la tendance en Tunisie est au reboisement des espaces déboisés ou incendiés. Les interventions dans les forêts et terres dégradées ne sont pas la norme. Nous ne sommes pas encore au stade de l’inversement de la tendance de la dégradation des espaces boisés, simplement parce qu’on n’arrive pas souvent à récupérer les terrains incendiés. Et les terres dégradées deviennent souvent des terrains de parcours. La réhabilitation des écosystèmes dans leur complexité n’est pas encore à l’ordre du jour. La stratégie adoptée semble minimaliste, et l’on se contente de planter des arbres sans se soucier de la diversification des paysages.
Les terrains de parcours qui constituent la majeure partie des espaces naturels dans les zones arides et péri désertiques ont été longtemps sous pression. Cette pression est surtout liée à l’accroissement des effectifs du bétail qui les parcoure. Les modes de gestion traditionnels des parcours ont pratiquement disparu depuis que les populations ont été sédentarisées et que les voies des transhumances rompues (depuis la période coloniale). Le passage régulier et intense du bétail a abouti à la dégradation des sols et à la perte de la biodiversité des parcours. Certes, des actions ont contribué à améliorer les parcours via la plantation d’espèces pastorales. Néanmoins, les parcours ne peuvent être renforcés de manière ponctuelle, et leur qualité continue donc de se dégrader.
Les sécheresses qui ont sévi les dernières années ont amplifié ces phénomènes et ont parfois abouti à l’ensablement des terrains situés à la marge du désert (cas de Menzel Lahbib par exemple). L’inversion de la tendance appelle à une gestion plus efficiente des espaces pastoraux, surtout les steppes.
Il est difficile d’envisager un changement du mode d’élevage extensif qui est la norme en Afrique du Nord. Même si dans les pays voisins, il y a suffisamment d’espace pour relever une dégradation des parcours aussi grave qu’en Tunisie. A notre connaissance, il n’y a pas eu de tentative de modifier le mode d’élevage en tenant compte d’au moins deux paramètres, à savoir les effectifs des animaux et la productivité des parcours. Les éleveurs tentent de fournir des compléments à leur bétail en ayant recours aux aliments produits ou à ceux achetés sur le marché. En situation de crise, les effectifs du bétail ont tendance à diminuer, mais se reconstituent lorsque la pluie régénère les parcours. Un cycle éternel vécu par les petits éleveurs sans essai de le briser… Envisager un autre mode d’élevage est une alternative au modèle actuel dominant.
La conversion des forêts dégradées en forêts entièrement reboisées est une option envisageable uniquement sur le long terme. Pour le moment, l’enjeu est de stabiliser la dégradation (d’origine humaine ou par les incendies). Par la suite, l’inversion des tendances pourrait être réalisée sur le terrain, en intégrant dans les pratiques la réhabilitation des écosystèmes dans leur diversité et complexité fonctionnelle.
La ripisylve est la végétation qui pousse naturellement au bord des cours d’eau et dans les lits des oueds. Le nombre d’espèces la constituant n’est pas très grand et comprend des arbres (aulne, frêne, saules, peupliers…), mais aussi des arbustes (laurier rose, tamaris…). Cette végétation joue un rôle important dans la stabilisation des berges et des lits d’oueds, permettant ainsi l’atténuation des effets de l’érosion qui finit par combler les retenues (barrages, lacs…). Souvent, les arbres sont coupés afin d’être exploités (comme l’aulne) et nombreuses sont les berges dénudées, aussi bien au nord du pays que dans les autres régions. Des essais de plantation de cette végétation particulière n’ont pas été menés, et ce type de végétation est souvent délaissé, malgré toute son importance écologique.
Les zones humides sont des écosystèmes particuliers et constituent des habitats spécifiques pour de nombreuses espèces tant animales que végétales. Elles sont assez diversifiées (lacs, cours d’eau, retenues…) et sont surtout connues pour constituer un habitat pour les Oiseaux d’eau, sédentaires ou migrateurs.
Les zones humides constituent surtout un milieu tampon pouvant atténuer les effets des inondations en particulier lorsqu’elles sont situées à proximité des agglomérations. Cependant, bon nombre de ces zones ont été complètement asséchées à des fins de mise en culture ou de constructions. La réduction de leur surface peut également être due aux dépôts de matériaux de nature diverse dans les retenues. Le dernier inventaire des zones humides remonte aux années 1990. Or il est temps de faire le bilan de leur état actuel, car elles sont nombreuses à avoir complètement disparu. Tandis que d’autres ont été créées comme certains barrages, lacs collinaires ou celles recueillant les eaux de drainage des nouvelles oasis. Concernant les changements climatiques, les zones humides peuvent réduire les impacts des inondations, et leur réhabilitation est plus que recommandée.
Enfin, concernant la biodiversité, son état est mis à jour tous les dix ans dans le cadre d’une Convention des nations unies. Toutefois, avec les changements climatiques, l’aire de distribution des espèces aura tendance à se modifier avec le temps. Il est aussi prévu un changement dans le cycle de vie des espèces (périodes de migration pour les Oiseaux, rythme de reproduction des différentes espèces…). Un système de suivi et d’évaluation de la biodiversité devrait être mis en place dans cette optique. Certaines espèces (ou groupes) peuvent être adoptés comme bioindicateurs des changements en cours. Les Amphibiens, très sensibles au manque d’eau, peuvent être suivis sur le terrain pour observer leurs réponses aux changements en cours. D’autres groupes d’animaux peuvent également être adoptés, comme les Mollusques (escargots) ou les Crustacés (comme le crabe d’eau douce). Les dates de migration et de reproduction de certaines espèces d’Oiseaux peuvent également être déterminées. On peut dans ce cas suivre quelques espèces parmi les sédentaires (comme la Perdrix gambra) ou migratrices (la Cigogne ou les Hirondelles par exemple) pour voir les changements concernant leurs dates de reproduction et de migration. Concernant la végétation, les fougères peuvent être sélectionnées en tant qu’espèces à suivre. On peut également suivre des espèces à intérêt écologique particulier (ripisylve) ou celles ayant un intérêt économique (champignons, chênes, alfa…)… Les aires protégées constituent des espaces où ce suivi peut être effectué. Mais malheureusement, cette mission n’a été à ce jour pas accomplie.
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