Qu’il s’agisse de la pêche en eau douce dans les grands lacs du rift ou de la pêche au thon dans les eaux entourant l’Afrique du nord, pour de nombreux États africains, la pêche représente une contribution substantielle à leur PIB.
Toutefois, le secteur pâtit d’une connaissance imparfaite de la biologie des poissons, de données incomplètes sur la pêche, des variabilités naturelles et des difficultés inhérentes à l’utilisation de modèles pour le comptage des poissons d’une population. Mais l’adoption d’une approche différente appelée « stratégies de pêche » ou « procédures de gestion » est en passe de devenir la dernière innovation en matière de gestion de la pêche. Il s’agit là, pour les pays d’Afrique du nord, d’un moyen fiable de continuer à générer cette croissance bleue pour les décennies à venir.
La pêche commerciale au thon représente une part importante de l’économie de la pêche en Afrique. Six espèces – le thon jaune, le listao, le thon obèse, le germon et le thon rouge de l’Atlantique et du Sud – figurent parmi les poissons les plus précieux de la planète. Selon un rapport de l’organisation Pew Charitable Trusts, les prises dans les seules eaux de l’Atlantique oriental et de l’Inde occidentale sont évaluées à plus de 3,3 milliards de dollars US pour les pêcheurs et à près de 11,4 milliards de dollars US au point de vente final. Ces chiffres témoignent du rôle économique de ces pêcheries et de leur surnom d'”or bleu”.
Les quotas annuels pour ces types de thons précieux et grands migrateurs sont décidés lors des négociations annuelles des organisations régionales intergouvernementales de gestion des pêches, telles que la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA) et la Commission des thons de l’océan Indien (CTOI). Au fil des décennies, ces négociations ont fait l’objet de critiques répétées, car elles étaient dirigées par les intérêts d’un petit nombre de nations puissantes. Elles ne représentaient pas suffisamment les besoins des diverses parties prenantes ou pays, et aboutissaient trop souvent à des quotas dépassant les niveaux recommandés par les scientifiques.
Cependant, ces processus de négociation de quotas internationaux pour le thon et d’autres espèces de grande valeur peuvent être révolutionnés par l’adoption de cadres préétablis, fondés sur des données scientifiques, communément appelés « stratégies de pêche ». Cette approche est essentiellement un cadre de gestion conçu comme un ensemble de règles de pêche fondées sur la science. Toutefois, contrairement aux négociations actuelles, ces règles sont convenues à l’avance et leur efficacité est testée au moyen d’une simulation informatique appelée évaluation de la stratégie de gestion.
En 2021, un nombre record d’organisations régionales de gestion des pêches ont accepté de mettre en œuvre l’approche de la stratégie de pêche, mais les progrès et la volonté politique font parfois défaut. Néanmoins, au cours des prochaines années, cette approche scientifique de la prise de décision devrait améliorer la manière dont est réglementée l’industrie thonière, qui représente plusieurs milliards de dollars. Le cadre de la stratégie de pêche éliminera l’approche de gestion traditionnelle des négociations contentieuses sur les quotas annuels, qui laissent souvent les pays de l’Afrique du Nord dans des positions de négociation moins favorables. Par conséquent, l’adoption généralisée d’une approche fondée sur une stratégie d’exploitation pour les principaux stocks de thon permettra non seulement de mieux atteindre les objectifs de gestion et la durabilité à long terme des stocks, mais aussi de faciliter l’obtention d’écolabels (tels que le MSC). Par conséquent, les pays de l’Afrique du nord pourraient ainsi bénéficier d’un meilleur accès aux marchés internationaux des produits de la mer.
En 2022, certaines opportunités clés requièrent la contribution des nations pratiquant la pêche au thon afin de garantir que ces pêcheries puissent continuer à contribuer à l’économie bleue. Les gouvernements qui gèrent les pêcheries de thon en mer Méditerranée et dans l’océan Atlantique ont la possibilité de plaider en faveur d’une croissance bleue durable tout au long de l’année 2022. Les États peuvent soutenir ce processus et faire preuve d’une gestion responsable des pêches en encourageant leurs scientifiques, leurs gestionnaires des pêches et leurs parties prenantes à participer aux discussions prévues en 2022, sur les stratégies d’exploitation du thon rouge de l’Atlantique et de la Méditerranée et de l’espadon de l’Atlantique.
L’année 2022 est donc importante pour tous les pays côtiers, qui doivent révolutionner leur façon de penser et d’agir en matière de gestion internationale des pêches. Pour ce faire, ils sont appelés à adopter une approche collective de la conservation, ancrée dans la restauration des ressources naturelles, sur la base des données scientifiques les plus récentes. Les pays côtiers qui pratiquent la pêche au thon peuvent avancer vers un leadership mondial dans ce domaine en plaidant pour une application de cette approche scientifique au niveau international et sans délai. Il s’agit d’une étape cruciale pour garantir que les intérêts africains soient pris en compte dans les analyses scientifiques et pour s’assurer un siège puissant à la table des négociations internationales, en particulier dans la perspective de la réunion annuelle de la Commission internationale pour la conservation des thonidés, qui se tiendra en novembre 2022.
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