Sur 211 partis politiques, seulement 15 ont soumis leurs rapports financiers en 2018 à la cour des comptes, et 9 les ont déposés auprès du ministère concerné, d’après Mehdi Ben Gharbia, l’ancien ministre de la Relation avec les instances constitutionnelles, la société civile et les droits de l’Homme. De même, l’organisation non- gouvernementale I-Watch a cité dans un rapport publié en 2017 que 96% des partis politiques n’ont pas publié leurs rapports financiers. Ennahdha, Ettakattol, Nidaa Tounes, l’Union Patriotique Libre (UPL), le Parti des Travailleurs et le Watad, en lice pour les présidentielles actuelles, n’ont pas soumis leurs rapports financiers jusqu’à fin 2016.
Toutefois, l’article 27 du décret- loi relatif à l’organisation des partis politiques dispose que
« le parti présente à la cour des comptes un rapport annuel comprenant un descriptif détaillé de ses sources de financement et ses dépenses ».
Toute infraction à cet article est passible de sanctions pouvant aller jusqu’à la dissolution du parti. Cependant, plusieurs formations politiques se préparent pour les échéances électorales présidentielles et législatives, sans avoir régularisé leurs états financiers.
Ces candidats de 2019 qui traient des casseroles de 2014
Les rapports de la cour des comptes relatifs aux élections législatives et présidentielles de 2014 et aux municipales de 2018 ont dévoilé les violations financières des partis politiques et des candidats ainsi que les infractions au code électoral et au décret-loi régissant les partis politiques. A titre d’exemple, le candidat Hechmi Hamdi n’a pas déclaré dans son rapport financier les dépenses de 8 activités électorales. Idem pour Moncef Marzouki qui n’a pas mentionné les dépenses de 10 activités.
En outre, le rapport de la cour des comptes a cité des infractions relatives à l’autofinancement et au dépassement du plafond du financement privé. Des écarts considérables ont été enregistrés entre les montants déclarés et ceux non-déclarés d’après les audits des experts. Les sommes ne dépassent pas 900 dinars pour le candidat Hamma Hammami et atteignent 80 mille dinars pour Moncef Marzouki. De même, Marzouki a bénéficié d’un financement privé excédant le plafond prévu par la loi électorale de 5 mille 237 dinars pour le 1er tour et de 7 mille 251 dinars au 2ème tour. De son côté, Slim Riahi, n’a pas déclaré les dépenses relatives aux frais de location de 96 voitures et au payement de 30 agents de communication.
La loi électorale prévoit dans son article 83 l’ouverture d’un compte bancaire unique pour la collecte des montants destinés à la campagne électorale. Cependant, le candidat Moncef Marzouki s’est autofinancé à hauteur de 29 mille 960 dinars inscrits dans le registre des dons et non mentionnés sur le compte bancaire. Safi Saïd candidat aux présidentielles 2019, et qui s’était présenté en 2014 n’a pas inscrit quant à lui 30 mille dinars dans son compte bancaire et n’a pas remboursé la totalité de la subvention publique qui lui a été versée (jusqu’à juillet 2015, il n’a remboursé que 36 mille 628 dinars). Pour sa part, Hamma Hammami n’a pas non plus respecté la formule prévue par la loi et n’a pas inscrit 33 mille 926 dinars des dépenses dans le compte bancaire unique. Ces dépassements représentent une infraction à la loi électorale, au décret fixant le plafond global des dépenses mais également une violation au principe de transparence.
Partis politiques : l’illégalité généralisée
Les partis qui ont participé aux législatives de 2014 et actuellement en lice pour les présidentielles anticipées, (en l’occurrence Ennahdha, Nidaa Tounes, Courant Démocrate, Front populaire, Tounes Al-Irada, Ettakattol et l’Union Patriotique Libre) ont également commis des infractions d’après le rapport de la cour des comptes.
En effet, deux listes du parti Ettakattol sur les circonscriptions de Jendouba et de Ben Arous n’ont pas déclaré 2 mille 888 dinars sur le compte du parti. Quatre têtes de listes de l’UPL n’ont pas déclaré une somme de 100 mille dinars qui leur a été versée en période de précampagne. Sur la circonscription Sfax 1, la liste d’Ennahdha a dépassé le plafond du financement privé de 258 mille 200 dinars et n’a pas déclaré un montant de 5 mille 82 dinars versé pour les circonscriptions Sfax, France 1 et France2.
Quant à la liste de Nidaa Tounes, elle a dépensé 33 mille 677 dinars en espèces, alors que la loi électorale exige le paiement des dépenses relatives à la campagne soit par chèque ou virement bancaire lorsque le montant dépasse 500 dinars. Le Congrès Pour la République (CPR) a commis la même infraction et a dépensé 7 mille 186 dinars en espèces. Le Courant Démocrate (Attayar) a bénéficié d’un financement privé de 10 mille 62 dinars sans l’inclure sur le compte bancaire du parti.
Dans son rapport relatif aux élections municipales de 2018, la cour des comptes a signalé plusieurs infractions. En effet, le parti Ennahdha a bénéficié, entre 2016 et 2018, de dons versés par 68 personnes décédées. Le Parti Destourien Libre et Bani Watani n’ont pas, quant à eux, déclaré toutes les transactions sur leurs comptes bancaires. Dans le même contexte, 15 listes du parti Nidaa Tounes n’ont pas respecté les délais de soumission de leurs rapports financiers auprès de la cour des comptes. Idem pour Machrou Tounes (7 listes) et le Front populaire (6 listes).
Le rapport de la cour des comptes a également indiqué que Machrou Tounes et Afek Tounes ont financé des listes indépendantes, ce qui représente une infraction au code électoral. La même infraction a été commise par Slim Riahi en 2014, d’après le rapport de la cour des comptes relatif aux élections législatives de 2014.
Par ailleurs, d’après le ministère des Finances, l’Etat tunisien n’a récupéré jusqu’à octobre 2018, que 4,540 millions de dinars du total du financement public des élections de 2011 et 2014, soit la moitié de la somme que les partis devraient rembourser à savoir 9,740 millions de dinars.
iThere are no comments
Add yours