Voilà. Enfin. J’ai pris ma décision. J’ai débranché l’antenne TV. Plus de débats. Plus de bagarres. Plus d’adrénaline qui monte. Car quand je regarde les débats télévisuels tunisiens, je sens mon cœur battre très fort et je m’échauffe instinctivement à la vue des invités crispés, qui crient, qui gesticulent, qui s’insultent, le visage tout rouge, tout en sueur.
Pourquoi crie-t-on autant sur nos plateaux ? Pourquoi un débat ne peut-il se dérouler sereinement ? C’est que la télévision tunisienne est à l’image du pays : bouillonnant, sur le bord d’un volcan en gestation prêt à exploser à tout moment, à vomir son tas de magmas visqueux et dévastateur.
Voilà. J’ai débranché l’antenne TV. Pourtant, je ne me sens pas mieux.
Je conduis comme une insensée. Je m’énerve pour un rien. Je me sens bipolaire : tantôt euphorique, pleine d’espoir, tantôt abattue, pleine de doutes et de découragement. La raison ? Ces satanés réseaux sociaux ! Ce cousin qui ne partage que de l’intox. Cette amie qui ne publie que les dépêches morbides.
Hier, j’étais plutôt de bonne humeur. Ma journée a plutôt bien démarré. Je lis un article sur la question du retour des djihadistes de Syrie, qui rappelle que les années noires de l’Algérie ont commencé avec le retour des moudjahidines d’Afghanistan. Et Vlan ! Effet immédiat : mon ciel s’assombrit et je fronce les sourcils.
Je regarde ma fille qui joue sur le tapis à côté de moi et je me pose la question que des milliers de parents tunisiens se posent tous les jours : quel avenir l’attend dans ce pays ? Va-t-elle mourir sous les décombres d’une guerre civile – comme les enfants d’Alep – ou bien sera-t-elle de la génération des re-bâtisseurs? Sera-t-elle contrainte de porter le voile, d’être la seconde épouse d’un quadragénaire, d’épouser son violeur, ou bien sera-t-elle philosophe, ou même, pourquoi pas, la première astronaute tunisienne à marcher sur la planète Mars ? Je regarde ma fille et dans ma tête, un déluge d’interrogations. Ah ! Que c’est dur de rester sans réponse !
Parfois, je me dis que c’est moi qui deviens anxieuse. Qu’il n’y a rien d’alarmant. Que la dictature est loin derrière. Que les islamistes ne sont pas en train de réécrire l’histoire à l’aide d’instances fantoches. Qu’on exagère la crise économique, la menace terroriste. Que ce sont les médias qui soufflent le chaud et le froid, en entretenant cette atmosphère de confusion, de lourdeur, d’attente insoutenable. Que plonger le pays dans un état de léthargie et de dépression collective est voulu.
Mais cette impression d’un calme précaire, étrange, me tue et la perspective du chaos m’angoisse. Crise économique, problématique sécuritaire, tous les indicateurs ne présagent rien de bon.
Mais alors, qu’est-ce qui me pousse à rester dans ce pays ?
Merci Madame pour votre partage de cette description de votre propre état face cette obésité médiatique. Une obésité, car en grande partie les médias classiques et sociaux tunisiennes et arabes si ce n’est mondiales manifestent des tendances et manifestations à mon avis pitoyables et dévastatrices. J’utilise l’adjectif pitoyable même si ce n’est très humble de l’utiliser; car on risque toujours de mériter cette qualification pour des actes que nous aurions pu ou pourrions faire; en fin de compte on est des humains!
Si je peux vous conseiller, vu que votre état ressemble au mien, je vous dis: ne regardez plus la télé et arrêtez les réseaux sociaux. Pour moi ces deux précautions me garantissent une meilleure hygiène de vie et m’évitent de grands risques de blessures psycho-mentales.
Je trouve que lire les journaux, quel que soit leur niveau de médiocrité ou de professionnalisme, et suivre quelques agences de presse et aussi quelques pages facebook qui nous intéressent, me semble plus sain pour l’analyse et aussi pour la santé. Mais bon, même avec ça, lorsqu’on est pensif et soucieux de la justice et de l’avenir, il est difficile d’être des plus joyeux ni des plus sereins.
Pour notre avenir, baa, inshallah labess !!
Bon, la première chose qu’on peut faire : combattre l’ignorance et essayer de comprendre davantage le monde.
Réaction très touchante et questions très légitimes mais il est impossible que cela arrive à une femme ou un homme vivant dans une région défavorisé comme au nord oust. Ils ont d’autres problèmes très concret qu’ils se doivent de résoudre au jour le jour, sinon ils mourront dans l’indifférence générale C’est des problèmes donc d’une petite bourgeoise, qui s’adaptera sans problème dans un régime salafiste ou daechien.
C’est une solution de débrancher la TV et de ne plus surfer sur les réseaux sociaux.Mais c’est impossible? Parce qu’on ne peut pas échapper à la vie sociale. On ne peut pas s’emmurer dans la solitude. Par définition toute personne, et tout être vivant est un animal social. si on veut vivre il faut se battre pour survivre, et combattre pour vivre et s’affirmer. Et s’affirmer veut dire soit dominer ou être dominé? C’est la théorie du maitre et de l’esclave. On a toujours le choix: C’est ça le vrai sens de la liberté.