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J’aurais aimé que cet article serve à empêcher le drame. Non, il ne fera figure que de mémoire, car ceux qui démolissent ont été, encore une fois et à notre grand malheur, plus rapide que nous.

L'édifice en question
L’édifice en question

La victime du jour est un édifice du style Louis XIII faisant l’angle des rues de Belgique et Ibn Khaldoun à Bizerte. Edifiée par la Companie Hersent vers 1890, cette construction est contemporaine à d’autres bâtisses parisiennes du même style. Elle est caractérisée par l’encadrement de ses ouvertures qui alternent la brique rouge et la pierre de taille. Le modèle Tunisien ou le modèle Hersent (appellation de l’architecte et historien Hédi Bouaita) se distingue par l’enduit qui couvre les murs en pierre et l’utilisation de la brique rouge fabriquée à Marseille, plus mince et moins absorbante de l’humidité.

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Tout ce quartier, dit “européen”, avait vu le jour suite au creusement du canal de Bizerte dès 1884. Deux grands chantiers qui avaient été réalisés par cette même Companie Hersent. Cet édifice a été parmi les tous premiers venu embellir le quartier. Ceci n’a pas empêché certains de décider tout simplement, qu’il devait être anéanti.

Photo par Rajaa Lazzem
Photo par Rajaa Lazzem

La chronique de cette barbarie remonte au mois d’août 2015. Le propriétaire, qui exploite le bâtiment comme centre de formation, avait déposé un dossier de permis de bâtir pour réaliser une extension de deux étages. Le fait que tout l’ilot abritant l’édifice est classé comme « monument à intérêt architectural » au Plan d’Aménagement Urbain (P.A.U) de la ville de Bizerte (approuvé le 31 juillet 2009), a obligé la Commune à consulter l’Institut National du Patrimoine (I.N.P). L’avis de ce dernier a été clair : un refus catégorique de la version (de l’extension) proposée et des consignes pour guider les maîtres de l’œuvre et maîtres de l’ouvrage dans une extension où l’authenticité de l’édifice serait sauvegardée au mieux.

Extrait du P.A.U de Bizerte
Extrait du P.A.U de Bizerte

Toute opération de lotissement, de construction, de transformation, de démolition d’extensions de construction existantes ou de reconstruction de l’un de ces cités ci dessous est soumise à l’autorisation préalable du Ministre chargé du patrimoine. Page 14 du cahier des charges du Plan d’Aménagement de Bizerte.

Nous n’aurons plus aucune nouvelle depuis. Aucune nouvelle version de l’extension ne sera déposée. L’I.N.P ne sera plus sollicité. Jusqu’au jours où cette démolition commença.

La police municipale dépêchée par la Délégation de Bizerte Nord constate à la grande surprise que l’entrepreneur est muni d’une autorisation émanant de la Commune de Bizerte. Donc, soit cette dernière est en train d’autoriser la démolition intégrale d’une construction qu’elle l’a elle même classée comme « monument à intérêt architectural » et ce, malgré l’avis négatif de l’I.N.P, quant à une simple extension, soit elle a octroyé à l’intéressé un permis de réaménagement qu’il est en train de détourner, au regard de tout le monde, pour procéder à une démolition totale.

Ceux qui ont autorisé ce crime et ceux qui laissent faire ne semblent pas être conscients de l’ampleur du préjudice qu’ils portent à l’authenticité de cet ensemble urbain qu’est le centre ville de Bizerte. En 2004 déjà, c’est la Commune de Bizerte qui jouait le rôle du bourreau en démolissant l’Hôtel du Gouverneur, l’un des derniers joyaux de l’architecture arabisante dans la ville et qui avait été construit en 1917 et occupait une place très importante parmi les équipements qui entourent la grande place centrale de la ville, aménagée selon un tracée urbain Haussmannien.

Le constat est fort amer. En une décennie, l’incompétence de nos décideurs, leur nonchalance et l’avidité de nos promoteurs ont fait plus de tort à cette ville que les affreux bombardements aériens de la deuxième guerre mondiale.

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