16 juillet 2015
L’Instance Vérité & Dignité a pris acte du projet de loi organique sur la réconciliation économique et financière adopté mardi 14 juillet en conseil des ministres. Ce texte destiné à être soumis à l’examen et au vote de l’Assemblée des Représentants du Peuple semble avoir été préparé par les services de la Présidence de la République. Il prévoit la création d’une commission d’arbitrage et de réconciliation, ainsi que d’un fonds de dépôt.
Certes, la Présidence de la République, de par ses prérogatives constitutionnelles, est en droit d’initier un tel projet. Cependant, l’IVD constate n’avoir pas été elle-même associée au projet. Le texte ne lui a, par ailleurs, jamais été communiqué, alors qu’elle est la première concernée, ès-qualité, par tout ce qui touche à la justice transitionnelle. En toute logique, l’IVD devrait être un partenaire incontournable de la réflexion, étant le seul organe qui en a la responsabilité.
Force est de reconnaître que la culture qui sous-tend une telle pratique est assez éloignée des principes de transparence, de bonne intelligence et de collaboration entre les institutions. Par ailleurs, l’on peut admettre que le processus peut-être réajusté notamment concernant les chambres spécialisées, ce que l’IVD s’est attelée à faire de concert avec l’instance provisoire de l’ordre judiciaire, ainsi qu’avec le ministère de la justice.
Sachant que la commission arbitrage et réconciliation a déjà arrêté ses procédures de travail et reste en attente du décret du Chef du Gouvernement définissant les modalités d’intervention de l’Etat dans la procédure arbitrale dont le projet a été soumis au gouvernement depuis deux mois, l’Etat étant en effet souvent la victime dans les procédures d’arbitrage engagées.
Par ailleurs, les observateurs de la scène tunisienne ont pu constater que le passage devant le conseil des ministres avait été précédé d’une campagne plutôt hostile à l’endroit de l’Instance, un véritable conditionnement de l’opinion, à base de commentaires « informés » et d’indiscrétions de « bonne source ».
Si le pouvoir exécutif nous a semblé avoir agi de manière expéditive et plutôt cavalière, l’on est certain que le législateur prendra le temps et usera des formes appropriées pour écouter l’Instance et analyser les risques réels qu’une telle loi fait peser à la fois sur la justice transitionnelle et sur la transition démocratique.
Sihem Bensedrine
La question qui se pose est fort intéressante. Mais les événements qui affligent actuellement la Tunisie sur le plan sécuritaire et l’interrogent sur sa propre survie républicaine, remettent en question aussi le sens “révolutionnaire” du 14 janvier 2011 et les déchirures politiques qui ont suivi, notamment l’islamisme d’orientation wahhabite ou de la Confrérie musulmane (Ikwan) y ayant joué un rôle néfaste. On pourrait remarquer, par exemple, que le dossier troublant des snipers et des martyrs de la révolution est déjà devenu un tabou d’Etat et même délaissé médiatiquement, ce qui n’est pas anodin…
L’Etat doit se défendre et envisager même des mesures contre-révolutionnaires, vue la faillite de la vague crée en 2011 de réorienter les peuples et les nations de la région MENA vers un concept satisfaisant de démocratie (banditisme et contrebande, filières djihadistes et de prostitution sous bannière islamiste, takfisrime et terrorisme internationalisés, militarisation des conflits civils.. etc.).
Il faudra donc, rationnellement, recadrer les outils institutionnels et médiateurs en Tunisie entre le législatif et l’exécutif du gouvernement à la lumière de tous ces facteurs; ce qui devrait normalement être objet d’une négociation avec le chef de l’Etat et porter à repenser aussi certaines aspirations de l’Instance Vérité et Dignité; peut-être l’ouvrir aussi à des questions de coopération d’ordre internationale qui ont été exclues jusqu’à ces jours. Par exemple, la situation des ressortissants étrangers et leur droit de réfugiés ou leur immigration définitive, vue l’ampleur des dégâts des conflits civils suivis au faux “printemps arabe” (cas de la Libye, de l’Irak et de la Syrie, et coopération EUROMED contre l’afflux des “bateaux de la honte” vers la zone EU).
Meilleurs voeux de bonne réussite.