Par Imen Ben Abid
Non à la privatisation ! Non à l’exclusion et aux décisions unilatérales ! Oui à l’encouragement des compétences ! Pour la protection des acquis nationaux !
Tels ont été les slogans scandés par les employés du centre informatique du ministère de la Santé publique (CIMSP).
Le CIMSP comprend deux directions : la direction des études et du développement informatiques et la direction de l’exploitation et de la maintenance. Ses principaux acquis ont été la mise en place d’un système d’information de gestion avec des applications au nombre de 18.
Outre les systèmes de gestions, le CIMSP travaille actuellement sur la mise en place d’un système d’information médico-économique dans des structures hospitalières publiques pilotes. Le projet de renforcement des services de soins de santé rentre dans le cadre d’un prêt d’appui à la politique de développement de la Banque Mondiale dans 32 sites pilotes. Il est proposé dans le cadre d’un projet nommé P3A. Les applications ont pour objectif la classification des actes médicaux, le calcul du coût et de la tarification, le dossier médical informatisé partagé, réseautage des structures sanitaires publiques…
Le projet allait être signé le 18 janvier 2011, mais les évènements qu’a connus la Tunisie au cours de cette période ont retardé l’accord officiel. Actuellement les négociations ont repris avec la Banque Mondiale et la signature de l’accord du prêt est imminente, étant donné que les décaissements se font en fonction des réalisations.
Ces progiciels sont des produits gratuits qu’offre le centre aux hôpitaux, avec installation et maintenance gratuite tout en garantissant des formations au cadre médical et paramédical afin d’assurer leur bonne utilisation. Certains services hospitaliers demeurent, malgré tout, imperméables et hostiles à tout changement ; d’autres se trouvent des raisons pour les refuser en demandant à acheter des produits de firmes privées. Cela aurait-il comme dessein de protéger les intérêts personnels du lobby et du réseau mafieux tournant autour de l’activité privée complémentaire (APC) et du trafic de médicaments et du matériel ?
Ce qui est certain c’est qu’un texte de loi régissant l’utilisation obligatoire de ces applications doit être mis en place ! Cela permettrait de relier tous les hôpitaux par un serveur unique et sera enfin un bon moyen de lutte contre la corruption et un très bon point de départ pour la réforme du système de santé publique.
Tous les employés s’alarment et reprochent au ministère et au nouveau directeur général du centre de mener des politiques qui tendent depuis un moment vers la privatisation (Interception de mail de la part d’IBM, OXIA …)
Leurs raisons : le centre manque de compétence qualifiée capable de produire de telles technologies. Pourtant l’on ne peut s’empêcher de s’interroger :
Ces outils sont, certes, d’une importance capitale ; cependant, sommes-nous obligés de privatiser la section développement ?
Sommes-nous bannis à ne jamais restructurer et réformer nos institutions publiques et à payer si cher des solutions clé en main que nous sommes peut-être capable de fabriquer ?
Nous ouvrons ces marchés à des multinationales étrangères, dont plusieurs s’installent en Tunisie, se servent de nos ingénieurs pour produire ce genre de progiciels et arrêtent des filières entières du jour au lendemain, en licenciant tous le beau monde une fois le projet achevé. Alors jusqu’à quand cette dépendance en matière de TIC ?
Le partenariat privé/public a toujours existé et le centre a toujours entrepris des projets communs en assistance technique avec des entreprises privées sans pour autant être livré à un géant international !
Les employés rapportent aussi que des accords auront été établis entre l’UTICA et des représentants du ministère concernant le devenir du centre !
A cet égard, lors de l’ICT4 (événement professionnel du numérique, organisé par la Fédération nationale des technologies de l’information et de la communication, relevant l’UTICA), M. Kais Sellami avait déclaré :
Nous avons déjà présenté en 2011, au gouvernement, 6 projets qui sont restés lettres mortes dans les tiroirs. Dans le cadre de l’ICT4B, nous allons œuvrer ensemble avec le ministère de tutelle et le gouvernement à les réactiver et surtout à trouver la boîte d’outils nécessaires pour que ces projets puissent voir le jour. Cette boîte à outils concerne : le Partenariat Public-Privé (PPP) et l’amélioration du code du marché public. La réactivation de ces projets devrait se faire par le biais de procédures simplifiées.M. Kais Sellami
De son côté, le président d’Infotica a souligné :
le ICT4B 2014 sera un soutien à l’ICT4ALL 2014, dont le thème sera, cette année, « Digital Economy and E-Government » et une occasion pour développer et promouvoir des projets d’e-santé et d’e-tourisme.M. Karim Ahres
Cela viendrait-il confirmer leur cri d’alarme ? Quel bureau est alors susceptible de profiter de ce marché juteux ? En ce qui concerne le projet “Tunisie Digitale 2018“, c’est bien la boîte “Deloitte” qui s’en charge… Cette même boîte travaille aussi sur les douanes, santé publique et hôpitaux, enseignement supérieur et recherche…
Une autre problématique se pose quant aux types de données que manipuleraient ces boîtes de développement privées. Nous parlons bien de santé et de données cliniques. Qu’en est-il de la gouvernance informatique (IT gouvernance) ? Sommes-nous prêts à garantir la sécurité de ces données personnelles ? Une législation claire et rigoureuse est à établir !
Et si l’on reliait tout ça aux circonstances internationales ?
Le Trade In Services Agreement (TISA), en français : « Accord sur le Commerce des Services (ACS) » est un projet qui a été initié par les États-Unis ainsi que des membres de l’OMC. Ils forment ainsi un groupe appelé « Really Good Friends », composé de 22 pays et de l’Union Européenne. Ces tractations devaient rester secrètes pendant cinq ans. WikiLeaks a réussi à dévoiler une partie des dessous de ces accords. Les pourparlers secrets pour parvenir à un accord sur le commerce des services (ACS) ont démarré en 2012 et leurs initiateurs entendent tout faire pour les conclure avant la fin 2015. Ils sont en fait destinés à contourner l’obstacle que constituaient les résistances de forces progressistes, de mouvements sociaux, de syndicats et de plusieurs pays en développement pour la conclusion d’un accord global sur le commerce des services (AGCS). Le texte rapporte que les sociétés étrangères ne sauraient être victimes d’un traitement dit « discriminatoire ». Autrement dit : elles doivent avoir accès au marché des pays signataires exactement dans les mêmes conditions que les prestataires locaux, qu’ils fournissent ou non un service public à la population.
Par ailleurs, le retour à une nationalisation d’un service public privatisé, fût-il partiel, serait strictement interdit aux États signataire. Selon l’Internationale des services publics (PSI), qui regroupe près de 669 syndicats dans le monde entier, cet accord engloberait un champ immense : telle que la télémédecine, la formation à distance ou les paris sur internet, le tourisme, l’investissement étranger direct avec les principes et les conséquences que l’on vient d’exposer et le mouvement temporaire des personnes physiques.
Santé, éducation, transports… rien n’échapperait à cette logique qui accélérerait, dans des dimensions inédites, la libéralisation des services publics.
Et là on se demande encore : ce gouvernement de technocrates serait-il partisan de cet accord ? Que cache la visite de Mehdi Jomaa aux USA, sa présence au siège de Microsoft, sa rencontre avec la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, ainsi que plusieurs représentants de la Banque Mondiale et des hommes d’affaires américains. ?
En cette période de transition et de crise économique que vie la Tunisie, la libéralisation nous est présentée comme étant l’ultime recours, l’unique moyen pour vaincre la crise ! Réformer voudrait-il dire privatiser ? Que reste-t-il de l’État, de sa souveraineté ? De quelle démocratie parle ton dans un pays ou le pouvoir revient à une économie de marché ultra libéralisée ?
Le mail envoyé à un correspondant du centre dans l’un des hôpitaux de la part d’un employé d’IBM (nous préservons l’identité des personnes) :
To: <xxxxxxxxxxxxxxx.@rns.tn>
Sent: Wednesday, June 25, 2014 3:28 PM
Subject: Prez Développement
Bonjour
[…] Suite à notre entrevue, j’ai pu comprendre que le centre subirait une
refonte de la partie développement et la migration vers des environnements
modernes;
Ainsi, je vous prie de bien vouloir m’aider à planifier une réunion de
travail Vendredi 27/06 matin avec L’équipe du Centre CIMSP. Je serai avec
deux experts qui essayeront de comprendre votre existant et donner des
recommandations par rapport à vos orientations futures.
Je compte sur votre réactivité habituelle.
Juste pour ne pas oublier:
Le CIMSP a, depuis sa création en 1992-93, pour mission la mise en place d’un système de gestion informatique dédié au secteur hospitalier public et ce par le développement d’applications appropriées couvrant tous les volets de gestion des structures de santé en question. Et il faut dire que des progrès notables ont été réalisés. Seulement les vis à vis du centre n’ont pas toujours agit avec la célérité requise pour mettre en oeuvre ces applications
je vais apporter un éclairage sur ce dossier là j’ai travaillé à l’hôpital Habib Thamer où une application pour la gestion des prescription était utilisée et crées par ce centre l’application répondait certes aux objectifs (réduire le vol et améliorer la gestion ) la partie pharmacie était donc très contente sauf que l’utilisateur final souffrait de la qualité médiocre et du niveau obsolète et complètement dépassé de l’application qui n’ avait par ailleurs aucune ergonomie et faisait perdre du temps aux médecins (et le temps c’est de l’argent) sans parler de tous les problèmes de sécurité puisque que tout les médecins pouvaient entrer avec le même identifiant, j’avais décidé d’apporter des recommandations pour améliorer cette application mais on m’a fait comprendre que les gars du centre informatique travaillaient avec ce qu’ils connaissaient c’est a dire les logiciels de base de donnée des années 80-90 et que pour eux c’était déjà parfait, voici le texte que j’ai écris en 2012:
Propositions pour l’amélioration du système de gestion des prescriptions à l’hôpital Habib Thamer
21 janvier 2012,
Introduction :
Un système de gestion informatique des prescriptions médicales est nécessaire pour contrôler le budget alloués aux médicaments et pour mieux gérer les stocks. Un tel système peut permettre à l’hôpital de faire des économies substantielles et de prévenir les ruptures de stock, mais nous proposons de le faire évoluer pour faire gagner le médecin prescripteur en temps et en sécurité.
Objectifs :
-Faire évoluer l’interface du système de prescription pour accélérer et faciliter la saisie.
-Edition d’un manuel et/ou un système d’aide intégré au logiciel.
-Faciliter la communication entre le médecin prescripteur et la pharmacie de l’hôpital.
-Créer une passerelle vers une base de donnée pharmacologique type Vidal.
-Assurer un retour d’information (feedback) entre l’utilisateur et le développeur.
Problématique :
Le logiciel semble remplir son rôle en assurant la traçabilité des prescriptions et la gestion en temps réel de la pharmacie de l’hôpital mais il est très difficile à prendre en main ; la saisie de données est répétitive et laborieuse et ne tient pas compte de la logique de l’utilisateur (logiciel peu ergonomique). La saisie ou la validation d’une ordonnance est parfois impossible sans que l’utilisateur ne sache où se trouve l’anomalie.
Propositions :
– La proposition la plus importante est la possibilité d’éditer des ordonnances types, d’où un gain de temps potentiel énorme.
– Saisie du numéro de dossier, du matricule et du code utilisateur une seule fois, qu’il s’agisse d’une nouvelle entrée, d’une modification de traitement ou d’une réhospitalisation.
– Un bouton unique de validation (en une seule étape).
– Travailler sur une interface unique pour modifier une ordonnance :
C’est-à-dire pouvoir modifier simplement et au jour le jour la posologie et la durée de chaque traitement en cliquant simplement sur le traitement à modifier sans avoir a refaire la saisie dans une autre partie du logiciel ;
Sachant qu’il y a actuellement une interface différente pour chaque type de modification (une dédiée à la prolongation du traitement une autre à la modification de la posologie et encore une dédiée à l’ajout de traitements.)
– Messages d’erreur expliquant d’éventuelles anomalies ou erreurs de saisie qui empêchent la poursuite de la saisie ou la validation.
– Créer un système d’aide intégré au logiciel qui permet au médecin de saisir sa première ordonnance sans aide extérieure.
– Possibilité de mettre à jour la liste des médecins prescripteurs et leurs droits d’accès sans passer par le service informatique.
Autres évolutions possibles du logiciel:
– Prise en charge des ordonnances de sortie.
– Possibilité de consulter la fiche Vidal de chaque médicament prescris et d’alerter sur d’éventuelles interactions médicamenteuses (fonction présente dans vidal pro).
– Prise en charge du codage des dossiers facilitant la réalisation de travaux et recherches.
– Possibilité d’écrire des notes..
– Possibilité de communiquer par message avec la pharmacie (pour s’assurer de la disponibilité d’un traitement par exemple) et avec le développeur.
– Fonction de recherche par noms prénom ou mot clé (c’est une fonction qui découle de la possibilité d’écrire des notes.)
– Estimation du coût d’une ordonnance.
Question: pour les services publics privatisés, l’état fixe le prix et impose ses conditions. En cas de non respect, le contrat est rompu. ca se passe comme ca, non? la societe privée ne peut par exemple pas dire: je ne fournis pas le service a tel endroit parce que ce n’est pas rentable ou demander des prix exorbitants. L’etat peut tjs dire non ou je me trompe. en tout cas, c’est ce que je sais.