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Oh la surprise ! La Tunisie, décrite comme une dictature par les opposants et la presse étrangère, est en réalité démocratique. La preuve : pour la première fois depuis l’indépendance en 1956, un candidat a remporté l’élection présidentielle avec moins de 90% des suffrages exprimés.En 1959, Habib Bourguiba obtenait 99,67 % des voix. En 1964, en 1969 et en 1974, son score a toujours flirté avec les 100%.

Zine el-Adibine Ben Ali, son successeur, est moins populaire en 1989 : 99,27 % seulement des suffrages. En 1994, il fait mieux avec 99,91 %. S’ensuit une dégringolade : 99,44 % en 1999 et 94,48 % en 2004.

Et ce dimanche, un minuscule 89,62% des suffrages. Que s’est-il donc passé ? Les Tunisiens seraient déjà lassés de leur président après vingt-deux ans de règne ?

A l’ambassade : « Attendez les résultats définitifs ! »

A la très zélée ambassade de Tunisie à Paris, on n’a peur de rien : « Attendez les résultats définitifs ! » Lesquels sont en réalité déjà comptabilisés.

Face à Ben Ali, trois candidats de l’« opposition ». Mohamed Bouchiha du Parti de l’unité populaire (5,01%) et Ahmed Inoubli de l’Union démocratique unioniste (3,80%) sont tous deux sont réputés proches du pouvoir. Le seul candidat à peu près crédible, Ahmed Brahim, ex-communiste, a obtenu 1,57% des voix.

« Un décor ! Les autres candidats sont des satellites du parti au pouvoir », commente Taoufik Ben Brick, récemment harcelé par la police tunisienne. Le journaliste et opposant au régime, s’est également déclaré déçu :

« On s’attendait à ce qu’il casse son propre record. 89%… il n’a donc plus rien dans les jambes. Plus sérieusement, les résultats ne veulent absolument rien dire. Il aurait pu faire 0% que ça n’aurait rien changé, rien enlevé à son pouvoir. »

Le presse officielle ne s’arrête pas à cette baisse du score

Sans surprise, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de Ben Ali, a conservé sa très large majorité avec 75% des suffrages aux élections législatives qui se tenaient en même temps que la présidentielle.

En Tunisie, la presse aux ordres a évidemment fêté cette victoire, balayant toute les critiques :

– « Ce vote a valeur de plébiscite. N’en déplaise aux détracteurs de notre pays et à une minorité qui n’éprouvent aucun gène à s’en remettre à l’étranger pour quérir son soutien et nuire à leur patrie, la Tunisie a fait montre au monde entier qu’elle est un Etat de droit. » (Le Renouveau, organe du parti de Ben Ali)

– « Mais c’est en masse que les Tunisiennes et les Tunisiens ont voté (…) C’est la meilleure réponse au délire des brebis galeuses et à la frilosité de ceux qui, de l’intérieur, croyaient pouvoir rallier les esprits chagrins au jeu de “ victimisation ” auquel ils se prêtent. S’il y a dépassements ou fraudes, leurs auteurs seront poursuivis en justice, a dit en substance le Chef de l’Etat. Mais les colporteurs de ragots dans ce sens, c’est à dire les protagonistes de l’intox le seront pareillement. C’est cela un pays de droit. Et c’est ainsi que fonctionnent les institutions. » (Le Temps)

Avant le scrutin, Reporters Sans Frontières (RSF) a condamné la censure dont est systématiquement victime la presse d’opposition. Le ministère de l’Intérieur a ainsi confisqué le numéro 149 du journal du parti Ettajdid Al-Tariq Al-Jadid (La nouvelle voie) qui contenait le manifeste du parti pour la présidentielle à la veille de l’élection.

Kouchner déterminé à « approfondir la relation d’amitié » avec la Tunisie

Autres indésirables, les journalistes étrangers. L’envoyée spéciale du Monde, Florence Beaugé, a été refoulée à son arrivée à Tunis en début de semaine dernière. Elle a expliqué qu’un de ses articles avait déplu. Son cas n’est pas isolé ; les sites d’information et de partage de vidéos restent inaccessibles depuis la Tunisie.

Tout cela n’empêche guère la France de poursuivre sa politique bienveillante vis-à-vis de Ben Ali. Interrogé sur la liberté d’expression en Tunisie, le porte-parole de Bernard Kouchner a éludé ce lundi en insistant sur la « détermination (française) à approfondir la relation d’amitié » qui unit les deux pays.

Ce mandat devrait être le dernier pour Ben Ali. A moins que l’envie de repousser la limite d’âge du président le reprenne. En 2002, une révision de la Constitution tunisienne a repoussé cet obstacle, de même que celui de la restriction des mandats.

Zineb Dryef

Rue89.com