Pour que la voix de Zakia Dhifaoui et de toutes les autres femmes Ne soit plus jamais étouffée [1]
Je voulais raconter l’histoire de mes amis, dire cette belle marche qu’ils ont entrepris depuis des mois déjà. Alors, je suis allée les voir, pour m’enquérir de leurs nouvelles, écouter le son de leurs pas pour en faire l’écho.
A mon arrivée, des femmes organisaient de belles noces pour fêter la symbiose de la dignité et de la résistance.
Elles étaient belles mes amies, telles les fleurs des quatre saisons ensemble réunies. Jeunes, moins jeunes, grands-mères, filles, petites- filles ! Les unes aussi belles que les autres. Les unes aussi majestueuses que les autres.
Grandioses, elles avançaient à pas sûrs, dans une douce détermination. Qu’y a-t-il de plus naturel qu’une mère qui rêve d’un lendemain meilleur pour ses enfants !
Je me suis glissée parmi toutes ces femmes, leurs pas ont rythmé ma marche, nous avons avancé ensemble les unes près des autres, les unes avec les autres…
Je voulais vous parler d’elles mais ils ne m’en ont pas laissé le temps.
Je voulais vous parler de ces fleurs d’espoir qu’on arrache en plein printemps, et que mes amies replantent aussitôt, je voulais vous raconter les rêves qu’on avorte et dont mes amies enfantent aussitôt…
Ils m’en ont empêché, ils ont confisqué mes mots.
Nombreuses sont celles qui sont frappées de cécité, mais pas mes amies
Nombreuses sont celles qui sont frappées de surdité, mais pas mes amies.
Ils ont voulu les faire taire, ils veulent m’arracher ma langue pendant huit mois. Vous imaginez, huit mois, deux cent quarante quatre jours sans parler, sans vous parler de mes amies…
Ils ont confisqué mes mots, mais vous serez ma voix, vous amies que je n’ai pas rencontrées, que je ne connais pas encore, et qui êtes pourtant si proches de moi.
Vous qui entendez les paroles qui s’agitent en moi telle une blessure, sans que je n’en dise un mot.
Vous, qui comme mes amies gardez les yeux ouverts et les oreilles tendues, vous dont on ne peut accaparer la voix.
Dites au monde entier que mes amies et moi nous voulons juste un avenir radieux pour nos enfants.
Vos signatures et messages de soutien au courriel : zakiadhifaoui@ras.eu.org
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[1] Zakia Dhifaoui est militante des droits de l’homme. Membre de l’association de lutte contre la torture en Tunisie ALTT, et du parti FDTL, Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés.
Le 27 Juillet dernier, elle s’est rendue à Redeyef, dans le bassin minier de Gafsa, région qui connaît un mouvement de protestation populaire depuis janvier dernier. Elle devait réaliser un article pour le compte du journal de son parti. A son arrivée, une manifestation était organisée, elle y a participé tout naturellement. Zakia Difaoui a été arrêtée dans l’après midi, alors qu’elle rendait visite à madame Jomaâ Hajji épouse de Adnane Hajji, syndicaliste arrêté pour son implication dans le mouvement de contestation dans le bassin minier.
Zakia Difaoui a été condamnée le 14 août à 8 mois de prison, par le tribunal de première instance de Gafsa.
Pendant son interrogatoire, elle a fait l’objet de diverses intimidations et de menaces de viol.
– salut
je suis le fondateur d une tunisie intelligente
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je suis a paris
«Au début, j’ai été violée»
Zakia Dhifaoui, libérée aussi le 5novembre, avait manifesté aux côtés du peuple des mines. Jointe par téléphone quelques heures après sa libération, cette journaliste peine à cacher son émotion: «J’ai passé trois mois et dix jours à la prison de Gafsa. Au début, j’ai été violée. Aujourd’hui, je suis en bonne santé, mon moral est bon et je n’ai qu’une idée en tête: continuer mon travail de journaliste et de politicienne. Mais je ne sais pas si j’aurai le droit de le faire.»
LE TEMPS (Journal suisse, édition du 7 novembre 2008)