Malheureusement, derrière cette image idyllique, se cache une réalité nettement plus sombre. La Tunisie est, de l’avis de nombreuses ONG nationales et internationales, le pays où l’on bâillonne la presse, où l’on muselle la parole libre, où l’on réprime toute voix discordante, où l’on bafoue en toute impunité les droits les plus élémentaires de l’Homme, où l’on monte systématiquement des procès politiques aux militant(e)s oeuvrant pour la démocratie, où l’on instrumentalise la justice à des fins de représailles pour régler les comptes aux opposants politiques de toutes tendances.
Depuis le début des années quatre-vingt-dix, les prisons et autres lieux de détention ne désemplissent pas.
Le dernier en date est l’avocat Faouzi Ben Mrad condamné pour outrage à magistrat après avoir plaidé pour son collègue et désormais célèbre « avocat de la liberté » Mohamed Abbou kidnappé puis, expéditivement condamné à trois ans et demi de prison ferme à l’issue d’une supercherie judiciaire sans précédent. Auparavant, les frères Zoghlami connus pour leur dissidence avaient été renvoyés arbitrairement, eux aussi, derrière les barreaux. Que dire des très lourdes peines infligées aux jeunes internautes de Zarzis (vingt années de prison pour avoir navigué sur Internet) ou de celles réservées aux jeunes de l’Ariana (trente ans de prison), tous sacrifiés sur l’autel de la fallacieuse « lutte contre le terrorisme » !
Toutes ces victimes ont été jugées lors de procès politiques iniques les accusant au mieux de délits de droit commun, au pire « d’intentions terroristes ». Des parodies de procès unanimement condamnées par les ONG internationales les plus reconnues.
Cela ne fait plus aucun doute aujourd’hui : le régime tunisien s’est transformé en une redoutable machine à produire des prisonniers politiques. Certains croupissent dans ce qui ressemble à des « couloirs de la mort » depuis quinze ans maintenant.
Tortures physiques et psychiques, isolements prolongés, transferts répétitifs et abusifs de prison en prison, privations de soin, humiliations et autres traitements dégradants, châtiments collectifs, viols…sont le lot quotidien de prisonniers, qui lorsqu’ils ne meurent pas en prison (plusieurs cas de décès suspects recensés), gardent après leur sortie des séquelles irréversibles conduisant à des morts lentes et inéluctables (Lotfi Aïdoudi, Abdelmagid Ben Tahar…) ou bien encore subissent le triste sort réservé aux « anciens prisonniers politiques » : assignation à résidence (le cas du journaliste Abdallah Zouari), contrôle administratif, privation des droits à l’expression, au travail, à la circulation, à la poursuite des études…etc.
Souffre-douleur et otages en prison, parias et marginalisés après leur sortie, le calvaire des milliers de victimes de la répression ainsi que leurs familles n’en finit pas !
Aujourd’hui, plus de 500 prisonniers croupissent injustement, pour certains depuis 15 ans, dans des conditions de détention inhumaines. C’est le cas notamment du journaliste Hammadi Jebali, ou encore des détenus Lotfi Snoussi, Hammadi Abdelmalek, Lotfi Amdouni, Ridha Boukadi… La souffrance de ces emmurés de la honte a trop duré. La société civile tunisienne le sait. Elle en a fait sa priorité.
Mais le régime tunisien continue sa dangereuse fuite en avant. Il est resté sourd aux très nombreux appels nationaux et internationaux réclamant « une amnistie générale » permettant l’élargissement des prisonniers politiques, le retour des exilés qui se comptent par milliers et la fin du harcèlement des anciens prisonniers politiques et en conséquence l’arrêt des punitions collectives dont sont victimes de très nombreuses familles.
Alors que la Tunisie s’apprête à accueillir la seconde phase du Sommet Mondial sur la Société de l’Information au mois de novembre prochain, nous les signataires du présent appel attirons l’attention de la communauté internationale, des ONG de défense des droits humains et toutes les forces démocratique de par le monde, sur la détérioration jamais égalée de l’état de droit et des libertés en Tunisie. Un pays où le régime n’accepte aucune voix discordante.
Pour briser le mur du silence que le régime tunisien veut imposer au dossier des prisonniers politiques, les signataires de cet appel réclament à l’occasion de la journée internationale de solidarité avec les prisonniers politiques en Tunisie, qui se tient cette année le 21 mai à Paris :
la libération de tous les prisonniers politiques ;
la promulgation d’une loi d’amnistie générale en faveur de toutes les victimes de la répression ;
l’assainissement du climat politique rendu délétère par d’interminables années de plomb.
Liste des organisateurs :
ACHR (Association Arabe des Droits Humains)
ACAT, France (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture)
CILMA (Comité International pour la Libération de Mohamed Abbou)
Comité se Soutien du Professeur Moncef Ben Salem
CRLDHT (Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie).
FTCR (Fédération Tunisienne des Citoyens des deux Rives)
Voix Libre
LDH (Ligue des Droits de l’Homme, France)
Solidarité tunisienne
UGET, France (Union Générale des Etudiants Tunisiens)
Liste des signataires :
AISPP (Association Internationale de Soutien aux Prisonniers Politiques)
ALTT (Association de Lutte contre la Torture en Tunisie)
ANAR (Amicale Nationale des Anciens Résistants)
Comité de défense de Mohammed Abbou
Comité de Soutien de Jalel Zoghlami
Comité de Soutien à Abdallah Zouari
Comité de Soutien aux Internautes de Zarzis
CNLT (Conseil National pour les Libertés en Tunisie)
CTIJ (Centre Tunisien pour l’Indépendance de la Justice)
LTDH (Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme)
RAID-Attac Tunisie (Rassemblement pour une Alternative Internationale de Développement)
Partis Politiques signataires :
CPR (Congrès Pour la République)
Ennahdha
FDTL (Forum Démocratique pour le Travail et les Liberté)
PCOT (Parti Communiste des Ouvriers de Tunisie)
PDP (Parti Démocratique Progressiste)
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