C’est avec des hommes et des femmes de la trempe et de la sincérité de Mohammed ABBOU que la résistance démocratique se construit d’authentiques icônes et ses propres référents.
L’avocat Mohammed ABBOU, militant des droits de l’Homme et membre dirigeant du Congrès pour la république, l’avocat Mohamed Abbou a été arrêté ou, faut-il dire plus exactement, enlevé, dans la nuit du 1er mars 05. Selon les faits, dénoncés par un communiqué du Conseil National des Libertés, le 2 mars au matin, le ministère de la Justice et le procureur de la République disaient tout ignorer de son sort. Et puis voilà qu’en fin de matinée, un juge d’instruction, celui-là même qui quelques heures plus tôt affirmait au Batonnier ne rien savoir, lui non plus, se déclarait en charge du dossier ! Entre temps, ce juge, un certain Faouzi Sassi, s’est à l’évidence mis au service de la police politique pour couvrir les pratiques arbitraires, en commettant une suite de falsifications, dont la délivrance d’une commission rogatoire manifestement antidatée. Il poussera le zèle jusqu’à vouloir interroger Mohammed ABBOU hors la présence de ses avocats, en refusant à ces derniers le droit d’assister à l’audience, et approuvera les violences physiques exercées par une centaines de flics et de nervis sur l’épouse de Me ABBOUl et des 50 avocats de la défense regroupés devant le bureau dudit juge. Le lendemain, il se rendra lui-même coupable d’agression physique, dans son bureau, sur la personne de Me Mohammed Najib Hosni, avocat de la défense, venu lui notifier que la direction de la prison, se moquant de l’autorisation réglementaire, lui a dénié le droit de voir Mohammed ABBOU. Le 16 mars, jour de comparution de M. Abbou pour instruction, le même juge récidiva, toujours dans son bureau et en présence du premier substitut du procureur. Fort de la présence d’importantes forces de police à l’intérieur et à l’extérieur du palais de justice, il brutalisa et insulta le bâtonnier venu à la tête d’une délégation de cinq représentant du Conseil de l’ordre des avocats et du Comité de soutien, lui signifier la constitution de plus de 600 avocats, on parle même de plus de 800, pour la défense de Me ABBOU !
Que reprochent la police et la justice de la dictature à Me Mohammed ABBOU ?
Officiellement, il doit répondre de “publication et diffusion de fausses nouvelles de nature à troubler l’ordre public”, “outrage à la magistrature”, “incitation de la population à enfreindre les lois du pays” et “publication d’écrits de nature à troubler l’ordre public”, pour avoir publié il y a six mois, sur la liste de diffusion du site de référence de l’opposition tunisienne Tunisnews.net, un article critique intitulé :أبو غريب “العراق و”أبو غرائب” تونس, mettant en rapport le silence des tunisiens sur les tortures et la sauvagerie pénitentiaire dans leur propre pays, et leur indignation bruyante exprimée contre les exactions d’Abou Ghrib…
En vertu du code de la presse et du code pénal, il encourt une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans.
On s’accorde cependant à considérer que le régime du général Ben Ali en veut à Mohammed ABBOU pour avoir publié récemment sur le même site un autre article railleur qui, sous le titre ” بن علي – شارون Ben Ali-Sharon” , compare le dictateur tunisien et le criminel de guerre sioniste… Extraits :
Tous les deux sont militaires, experts dans la répression des intifada, en plus d’être en quête permanente de soutien international et d’avoir dans leur famille des membres trempés dans les délits de corruption financière. Et Me ABBOU d’ironiser sur la coopération attendue de l’invitation de Sharon : ” Israël pourrait nous envoyer des experts agronomes pour nous aider à réaliser une production agricole autosuffisante, et la Tunisie pourrait envoyer quelques uns de nos honorables juges contribuer à limiter le laxisme du système judiciaire israélien qui innocente de temps en temps des palestiniens non convaincus d’agression sur les personnes, contrairement à nos juges qui n’hésitent pas, eux, à condamner de jeunes tunisiens à 15 ans de prison simplement parce qu’ils ont projeté d’aller aider la résistance palestinienne. La Tunisie pourrait aussi rendre service à Sharon en sauvant son fils si Israël acceptait de confier à l’un de nos procureurs les fonctions de procureur chez eux. …….. Les deux parties pourraient s’échanger également leurs techniques de torture…..”
Personne ne s’y trompe : dans le contexte de contestation générale de l’invitation de Sharon, c’est ce texte de lèse-majesté qui, de l’avis général, vaut à Mohammed ABBOU arrestation et inculpation. L’instruction ne fait que commencer. Et déjà la mobilisation est exceptionnellement forte.
- La sauvagerie de l’intervention de la police, dans l’enceinte même du palais de justice, contre les avocats et l’épouse de Me ABBOU pour les en déloger, ont soulevé l’indignation même des juges pourtant toujours aux ordres. Le 2 mars, fait inédit sans doute, un communiqué de leur organisation professionnelle, l’Association des Magistrats Tunisiens (ATM), dénoncait “une atteinte directe à l’immunité morale du tribunal et au respect du au pouvoir judicaire” à travers les violences policières subies par les avocats de la défense, l’interdiction faite à ces derniers d’assister leur client, l’invasion du palais de justice par les forces de police, et exprimait “la solidarité des juges avec les avocats“.
- Les avocats ont massivement et instantanément fait front pour défendre leur collègue d’autant qu’ils s’opposent à l’invitation de Sharon.
Plusieurs centaines d’entre eux ont d’ores et déjà co-signé le texte incriminé, manière de demander à être jugés aux aussi pour les mêmes raisons. Le 9 mars, ils suivaient massivement une grève générale de protestation pour dire : “non aux agressions, non à la présence de la police politique dans les tribunaux, non à la détention de Mohammed ABBOU, non à la visite du criminel de guerre et terroriste Sharon”. A Tunis, plusieurs centaines d’avocats grévistes, rassemblés au palais de justice, ont scandé :
“يا محمد لا تهتم.. الحرية تفدى بالدم”،
“شعب تونس شعب أحرار لا يقبل شارون الجزار”،
و”محام حر.. حرّ والقضاء مستقل”
Le 16 mars, à la suite de l’agression et des brutalités commises par le juge d’instruction sur le Bâtonnier, le conseil de l’ordre a appelé les avocats à boycotter le juge-barbouze et décidé de lancer une campagne internationale d’information en direction des organismes et des ONG de juristes. Une assemblée générale extraordinaire sera convoquée pour faire la synthèse des réunions des sections locales prévues pour le 18 mars.
- De par son authenticité et sa fraicheur, le profil personnel de Mohammed ABBOU et ses attitudes combatives sont un élément moteur dans cette mobilisation. Lui qui sait à quel point la police et “la justice” sont domestiquées aux services de sécurité de la dictature, refuse de leur reconnaitre quelque légitimité que ce soit en refusant de répondre à l’interrogatoire des barbouzes, ceux qui l’ont kidnappé et celui qui prétend, en robe de juge, instruire son dossier.
Face à ces manifestations à la fois de résistance à l’avilissement et à l’asservissement de la justice à la police, et de dénonciation de l’invitation du criminel sioniste, le régime s’affole. C’est la fuite en avant, …vers davantage d’intimidation, de diversion, d’arbitraire et de répression. Ainsi, quelques juges irréversiblement corrompus tentent, notamment au moyen d’une presse aux ordres, de désavouer l’ATM pour ses prises de positions relatées plus haut. Ici et là, on ferme les universités. Et l’on sait que les forces de sécurité de la dictature, toutes en état d’alerte, ont réprimé avec une violence disproportionnée et injustifiée les tentatives de manifestations pacifique, arrêté et soumis à la torture, ainsi que rapporté par le témoignage poignant de Me Abdelwaheb Maatar (أنا أتـهـــم), cependant que d’autres sont condamnés par sa justice expéditive. Quant à Mohammed ABBOU, et face à l’échéance du 15 mars, date retenue pour un rassemblement des avocats devant la prison civile de Tunis où leur confrère est détenu, les serviteurs de la dictature ont purement et simplement procédé, au mépris du texte et de l’esprit de la loi, à son transfert à la prison du Kef, à quelques …180 km de Tunis. Par cette mesure illégale, les autorités cherchaient sans doute à décourager, en le rendant sans objet, le rassemblement des avocats, prévu le 15 mars à midi devant la prison du 9 avril à Tunis, où était détenu Mohammed Abbou. Elles visaient aussi, comme elle en a l’habitude, à isoler Mohammed ABBOU de sa famille et de ses avocats en rendant les visites quasi-impossibles en raison de la route, qu’on sait montagneuse et donc difficile, et compte tenu du fait que les autorisations de visite sont valables pour le jour même. Résultat, ni son épouse ni ses avocats n’ont pu voir Me Abbou, pas même le jour de sa comparution devant le juge d’instruction, le 16 mars. De fait, on ne sait pas s’il avait été amené de sa prison du Kef pour l’occasion.
Autant dire que la résistance démocratique est plus que jamais à l’ordre du jour. La solidarité aussi.
Dites la votre en signant le livre de solidarité (mis en ligne par le CPR) avec Mohammed ABBOU !
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