Dans une lettre ouverte au président Romano Prodi, Reporters sans frontières interpelle la Commission européenne sur le financement d’un programme d’appui aux médias tunisiens (2,5 millions d’euros) qui vise, selon les autorités bruxelloises, à ” renforcer la presse dans un contexte d’approfondissement des liens entre les médias et la société civile en Tunisie “.
Je me souviens encore de la première fois où j’ai entendu parler d’un tel “programme d’appui aux médias “. C’était au sein du “Document de stratégie 2002-2006” publié par l’UE. J’avoue, qu’au départ, cela m’a rendu plutôt optimiste eu égard à certains passages dans le même document qui épinglent la Tunisie en matière de démocratie et de liberté d’expression (pages 6,8 et pages 20 et 21, voir les extraits plus bas).
Puis, très rapidement, j’ai vite déchanté en découvrant plus de détails à ce propos, au sein d’une brève de RéveilTunisien reprenant une info de l’AFP du 29 décembre 2003.
La dépêche de l’AFP, en effet, donnait davantage de précisions quant à l’utilisation de ces fonds (2,5 millions d’euros). Cet argent va être dépensé en “formations, colloques, séminaires et assistance technique. Voir la dépêche sur RT
Ainsi, ces 2.5 Millions d’euros vont aller directement dans les poches d’un certain nombre de prestataires de services.
Questions :
En l’état actuel des choses, est-ce vraiment de cela que la Tunisie a besoin ?
Qui seront ces prestataires de service -à engraisser- , locaux ou européens ?
L’urgence est-elle dans la formation ou dans la libéralisation du paysage médiatique tunisien, ainsi que le rappelle à plusieurs reprises le document de l’U.E ?
2,5 millions d’euros n’est-ce pas une belle somme… de quoi contribuer à la création d’une chaîne satellitaire ouverte à toutes les plumes tunisiennes, mesure nettement plus pertinente que celle qui va engraisser les copains, les amis, les zélateurs, les lobbyistes (les fameux prestataires de service) ?
Affaire à suivre donc… !
Annexes :
Tunisie :
Document de stratégie 2002-2006 & Programme
Indicatif National 2002-2004
source :
http://europa.eu.int/comm/external_relations/tunisia/csp/02_06_fr.pdf
Extraits :
(page 6)
l’accord comprend une clause concernant les droits de l’Homme (article 2). Cette clause constitue un élément essentiel de L’Accord et stipule que tant les relations entre les parties que l’ensemble de l’accord lui-même sont fondés sur le respect des droits de l’Homme et des principes démocratiques. Le dialogue, qui intervient au sein du Conseil et du Comité d’Association, progresse avec difficulté dans la mesure où la Tunisie est rétive à l’égard des critiques de l’UE concernant les questions des droits humains.
(page 8)
Le Président Ben Ali a été élu en 1989 avec 99,27 % des suffrages. Ensuite, il a été réélu en 1994 (99,91 % des votes) puis en 1999 (99,4 % des votes). Les partis d’opposition détiennent 20 % des sièges, les représentants étant en partie nommés par le Président.
Malgré une situation politique stable, le faible dialogue réel avec la société civile pourrait progressivement limiter le potentiel de croissance. Les principales organisations de défense des droits humains déplorent les interférences politiques aux niveaux de la sphère économique et un manque d’indépendance du système judiciaire.
[…]
Les principales organisations de défense des droits de l’Homme manifestent toutefois périodiquement des vives critiques en matière de violation de droits civiques et politiques : les libertés d’expression et d’association ne sont pas pleinement respectées (interdiction du Conseil national pour les libertés en Tunisie), elles constatent des entraves à la justice, la liberté de circulation est limitée (rétention de passeports), les conditions de détention sont indignes et des cas de torture ont été reportés. Des défenseurs des droits de l’Homme ont récemment été emprisonnés.
Le pouvoir judiciaire devrait bénéficier davantage d’indépendance. Un haut magistrat a récemment dénoncé publiquement cet état des choses : Les juges tunisiens seraient parfois acculés à prononcer des jugements établis à l’avance, ce qui pose également la question de la transparence des décisions de justice. Les juridictions tunisiennes ne garantiraient pas les droits élémentaires de la défense à un procès équitable quand il s’agit de procès impliquant des accusations de nature politique. Ces propos ont été nuancés par la suite, le Magistrat ayant relevé les améliorations dont a bénéficié la justice tunisienne depuis 1987.
(page 20-21)
Consolidation de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance
Une croissance durable doit être accompagnée d’un environnement favorable à la transition démocratique, susceptible d’impulser la concertation avec la société civile et le secteur privé, de répondre à ses aspirations et de permettre la liberté d’expression (i.e. la liberté de presse) et d’association. Il s’agit également de renforcer l’Etat de droit (justice) afin, entre autres, d’offrir les garanties inspirant la confiance des opérateurs économiques. Ce développement sera essentiel pour favoriser une gouvernance plus dynamique dans un environnement plus ouvert, et risque d’être d’autant plus vital que des tensions sociales pourraient apparaître au cours de cette période de transition.
Le désengagement progressif de l’ ?tat dans le processus de transition économique et sociale augmentera le rôle de la société civile et des ONG dans le développement du pays. Une société civile plus ouverte et plus diversifiée pourrait largement contribuer à relever avec succès les défis que posent l’évolution de l’environnement extérieur, l’incidence prévalante de la pauvreté, les aspirations de la classe moyenne tunisienne et des jeunes générations entrant dans les rangs de la population active. Les associations souffrent, toutefois, de structures et de capacités de gestion insuffisantes. Dès lors, un programme d’appui au secteur associatif, au plan du développement organisationnel et des capacités fonctionnelles de gestion des projets, devrait pallier les carences précitées.
La réforme du système judiciaire relève d’intérêts, concernant à la fois la consolidation de l’Etat de droit, ainsi que l’amélioration de l’environnement des affaires. La stratégie communautaire accompagnera la mise en œuvre des réformes du gouvernement dans l’objectif d’améliorer le fonctionnement du système judiciaire, sa transparence et son rapprochement au citoyen.
Un des engagements pris par la Tunisie et ses partenaires euro-méditerranéens dans la déclaration de Barcelone était de respecter la liberté d’expression et de garantir son exercice effectif et légitime. L’accord d’association UE-Tunisie a aussi fait de cette liberté un élément essentiel des relations euro-tunisiennes. Des carences persistent tant sur le plan de la formation que des équipements. Un programme d’appui aux médias devra contribuer à répondre à ces besoins.
Astrubal, le 11 février 2004.
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