Propaganda 227

Sophie Bessis : « l’histoire n’a pas commencé le 7 octobre et Israël est en train de perdre la guerre médiatique »

Sophie Bessis a sans cesse été attentive à l’histoire politique et culturelle de la Tunisie avec des livres indispensables comme Les valeureuses (2017). Elle a aussi exploré les décombres de la modernité dans le monde arabe avec La double impasse (2014), où elle réfléchit sur « le désordre d’un monde qui forge sans relâche les outils de sa perte ». Propagande, religion, normalisation : dans un entretien avec Nawaat, l’historienne franco-tunisienne livre un point de vue lucide sur la guerre à Gaza et ses répercussions majeures sur le débat public tunisien.

Gaza : Les Arabes de France pris entre inquisition et alignement total

Depuis le 7 octobre 2023, le discours politico-médiatique dominant en France tente de réduire le conflit israélo-palestinien à une question sécuritaire et religieuse. Cette position a pour objectif de donner une justification morale à la riposte israélienne et d’occulter son caractère colonial et ses violations des droits humains. Les personnalités médiatiques d’origine maghrébine reprenant ce narratif sont louées alors que les autres sont diabolisées.

Virage 80 : Comment expliquer la myopie de la côte est-américaine ?

Le 30 juillet 2021, Kaïs Saïed a reçu trois journalistes du New York Times au palais de Carthage. Dans un discours fleuve dont il a le secret, ponctué par des références à la Constitution des Etats-Unis, le président s’est voulu rassurant quant à son respect des droits et libertés. Cet épisode intervient après une semaine de couverture médiatique d’une presse américaine largement acquise aux positions d’Ennahda et incapable de comprendre le hiatus entre la joie d’une partie importante des Tunisiens et des menaces sérieuses qui pèsent sur le processus démocratique en Tunisie.

Quand Youssef Chahed entonne le vieux refrain de l’homme providentiel

« Sur ordre de Youssef Chahed », « Chahed donne des directives », « Après l’intervention du chef du gouvernement ». Depuis quelques semaines, les titres de presse comportant ces tournures de phrases se multiplient. Le chef du gouvernement mène campagne en jouant un jeu très cher aux dictateurs qui ont gouverné la Tunisie : être « l’homme providentiel » entouré d’incompétents qui ne bougeraient pas un cil sans l’ordre, la directive ou l’intervention de ce dernier. Un jeu bien commode pour masquer sa responsabilité dans les dysfonctionnements administratifs.

Pensez-vous que le fact-checking peut réussir en Tunisie ?

Bien réalisé – et à condition de sortir de s’en tenir purement aux faits et non à leur exégèse – le fact checking se révèle précieux quel que soit le lieu, le contexte et le régime politique. Au-delà de démentir ou d’alimenter des polémiques (la logique froide du “vrai” ou “faux”), celui-ci permet très souvent d’obtenir des éléments de contextualisation (historiques, sociologiques ou encore économiques). Dit autrement : le travail du fact-checkeur ne se limite pas à démentir ou confirmer une information, comme le ferait un détecteur de mensonges ou un commissaire de police.

Psycaricatures de -Z- : Nabil Karoui

Cette semaine, c’est un grand ami de Nawaat qui s’est invité sur le canapé de notre psycaricaturiste: Nabil Karoui, le fondateur de Nessma aux multiples élucubrations politiques. Investissant dans des œuvres caritatives quotidiennement médiatisées sur sa chaîne TV, Karoui donne sans compter et compte bien nous le faire savoir. Mais il n’est pas généreux que de ses deniers suspicieusement acquis, il a aussi des tas de plaintes à distribuer contre ceux qui le contrarient : rien que cette semaine, deux plaintes, l’une contre Thameur Mekki, le rédacteur en chef de Nawaat, et une autre contre Achref Aouadi, le président d’I-Watch, ont été gracieusement distribuées par ce bienfaiteur.

« L’image de la Tunisie », obsession collective aux accents autoritaires

« L’image de la Tunisie » est sans doute l’un des éléments les plus récurrents de la communication gouvernementale. Toute vague de protestations sociales en Tunisie s’accompagne d’une flopée de déclarations dénonçant la mauvaise image faite au pays dans les médias étrangers. Cependant, sous l’élément de langage gouvernemental, c’est une véritable névrose collective qui s’exprime à travers cette expression, répondant ainsi à l’orientalisme par plus d’orientalisme.

Psycaricatures de -Z- : Mohamed Zinelabidine

Le ministre de la culture Mohamed Zinelabidine a créé la polémique en défendant, à l’Assemblée des Représentants du Peuple, les coupes budgétaires prévues par la loi des finances de 2018. Il a également défrayé la chronique en limogeant Moez Mrabet, le directeur du Centre Culturel International de Hammamet (CCIH) et Héla Ouardi, la directrice du département du livre au sein du ministère après sa transmission d’un dossier de corruption à la justice. Ancien propagandiste de Ben Ali, Mohamed Zinelabidine fait preuve d’un grand attachement à la culture politique dans laquelle il a baigné sous la dictature.

#Edito : Le « prestige de l’Etat », vitrine mensongère d’une Tunisie en crise

Où est le « prestige » dans le fait de sortir des enfants de leurs écoles pour applaudir un président ? Où est le prestige quand le même président devient l’égérie d’un fabriquant de produits pharmaceutiques ? Est-ce qu’un Etat qui condamne des couples dont le délit est un flirt nocturne à la sortie d’un bar a du « prestige » ? Absolument pas. Où est le prestige d’un Etat dont le législateur est devenu un simple instrument de l’Exécutif ? Comment un Etat incapable de respecter les échéances électorales peut-il se targuer d’avoir un quelconque « prestige » ?

Autorités locales et régionales : Un sursaut pour l’environnement ?

Les autorités locales et régionales dans plusieurs régions du pays semblent se réveiller d’un seul coup pour « lutter » contre les étalages anarchiques et les occupations illégales de l’espace public (trottoirs, plages). L’on est en droit de se demander comment de telles réactions en chaîne se sont produites en une seule période de temps, alors que nos concitoyens n’ont jamais cessé de dénoncer l’accaparement de l’espace public et appelé de leurs vœux la simple application de la loi ?

Résistances : Quand l’art bande mou à Carthage

Décidément, l’art bande mou à Carthage. Au moment de la piqûre de rappel de la Fête des Martyrs en son 79ème anniversaire, la Présidence de la République met les bouchées doubles pour trompeter ténacité et résistance du peuple tunisien au cours de l’histoire. Organisée en collaboration avec les ministères de la Culture et celui de l’Education, Résistances se veut une exposition itinérante qui sillonnera toutes les régions du pays jusqu’à la fin du mois d’avril 2019. On aura beau tourner sa langue mille fois dans sa bouche, on a beau fouiner dans son vocabulaire, il n’y a pas d’autre mot pour qualifier cette initiative poussiéreuse d’une expo qui ne l’est pas moins : nulle.

Borhen Bsaies chez Nida, caricature du conflit d’intérêts politico-médiatique

Borhen Bsaies a une veste magique. Ses retournements sont innombrables. Et elle a bien plus que deux facettes, bien plus que trois couleurs, encore plus de modèles. Mais son tissu est le même : l’affairisme et la propagande. Toutefois, Bsaies n’est qu’une caricature révélatrice de la situation maladive où les médias audiovisuels se convertissent en vestiaires ou en tremplins des partis politiques.

Six ans après, la révolution, est-elle télévisée ?

Six ans nous séparent du 17 décembre 2010, jour du déclenchement du soulèvement populaire, présenté par la propagande officielle comme un fait divers. Aujourd’hui, la liberté d’expression est considérée comme l’un des rares acquis de la révolution. Sur les petits écrans, cet « acquis » peut-il avoir du sens alors que le pluralisme est affaibli, l’affairisme est généralisé et l’information indépendante est quasiment absente ?

Les réseaux benalistes pour la promotion du livre de BCE en France

Ce midi, Beji Caïd Essebsi est l’invité d’honneur d’une rencontre du Cercle des médias, organisée par les mêmes réseaux médiatiques qui faisaient la promotion du système de Ben Ali. Il y parlera de son livre, «Tunisie, la démocratie en terre d’Islam », co-écrit avec la journaliste française Arlette Chabot. Un livre qui réactive le mythe de l’exception tunisienne pour espérer faire revenir les touristes.

Ben Ali a-t-il parlé ? La TAP prise au piège de la propagande

Mercredi 23 novembre 2016, la très officielle Tunis Afrique Presse (TAP) publie une étrange dépêche. Le scan d’un document portant l’entête et la signature de l’avocat controversé Mounir Ben Salha. Le texte est censé présenter la réaction du dictateur déchu, Zine el Abidine Ben Ali, aux premières auditions publiques de l’Instance vérité et dignité (IVD). Le texte, qui a fait le tour des médias nationaux et de certains médias internationaux, tente désespérément de discréditer les témoignages des victimes de la dictature. Son authentification pose problème.

Kerkennah, « l’île aux enchères » : le cinéma amateur contre la propagande

« L’île aux enchères », est un documentaire amateur, qui s’est donné la tache de défendre les habitants de Kerkennah dans leur combat contre les sociétés pétrolières, dont la Pétrofac. Originaire de l’archipel, Majdi Kaaniche, 35 ans, chercheur en arts plastiques, décide de prendre part dans cette « guerre médiatique » en donnant la parole aux « opprimés » et aux « oubliés », face à la stigmatisation des médias dominants.

Allo Jeddah : Echec du divertissement, triomphe du politique

L’émission Allo Jeddah, produite et programmée par Attessia Tv durant ramadan, a suscité une vive polémique. Entre la chaîne privée qui défend la vocation humoristique d’un programme de divertissement et ses détracteurs indignés contre une tentative de blanchiment du dictateur déchu, le torchon a brûlé tout au long du mois saint. Attessia Tv, a-t-elle remporté son enjeu annoncé ou a-t-elle sombré dans une banalisation des méfaits d’un dictateur évadé et condamné par la justice de son pays ? Décryptage.