Mémoire collective 31

Minorités en Tunisie : Le cimetière de Borgel, une mémoire en perdition

Borgel est la dernière demeure de grands noms de la chanson tunisienne, comme Habiba Msika et Cheikh El Afrit. Divisé en une partie dédiée aux juifs et une autre aux chrétiens, le cimetière abrite aussi les dépouilles de personnalités laïques, cantonnées dans un carré séparé. Et ces hauts lieux de la mémoire tunisienne attestent de l’évolution de la présence des minorités en Tunisie.

Penser notre présent avec Nietzsche: l’actualité et la puissance de l’inactuel

La glorification du passé, de Carthage à Hannibal, est le symptôme d’un problème de souveraineté et de puissance au présent. Le balancement entre une Histoire monumentale et critique du bourguibisme, est symptomatique d’une crise de légitimité des nationalismes constructivistes de l’indépendance. Cet intérêt pour l’Histoire n’est pas tant à voir comme un triomphe de la connaissance, que comme un symptôme de l’inquiétude que suscite cette crise du présent.

Cinéma : « Angle mort » de Lotfi Achour, nécessaire brûlot

C’est sans doute l’un des meilleurs documentaires de la décennie : animé, au propre comme au figuré, «Angle mort» de Lotfi Achour fait revenir Kamel Matmati de loin pour démonter le scénario de sa disparition forcée, en remontant les pièces d’une vérité privée d’archive. Ce film a été primé par la 44ème édition du Festival du court métrage de Clermont-Ferrand, qui s’est tenue du 27 janvier au 4 février 2022. Lecture.

Racisme en Tunisie: «Kafteji el wisfen », quand les mots cachent des maux

Des tote bags intitulés « Kafteji el wissfen » dans une exposition à Tunis ont provoqué un tollé. La question de la banalisation du racisme en Tunisie a refait surface. L’une des organisatrices de l’exposition dément toute intention raciste, notant que cette dénomination fait partie intégrante de notre culture. D’où la question : comment composer avec cet héritage culturel peu reluisant ?

Béji Caïd Essebsi et le culte post-mortem de la personnalité

Béji Caïd Essebsi, avant-dernier président décédé en exercice le matin-même de la Fête de la République (cinq ans jour pour jour après l’assassinat de Mohamed Brahmi), a eu lors de son demi-siècle d’exercice du pouvoir (et de gravitation autour) deux faits d’armes historiques semblables. Il a été à quelques décennies d’intervalle, une cheville ouvrière dans la mise en place de deux régimes dictatoriaux et policiers.

« Fantastic City Again » d’A. Ben Saad, le théâtre pour questionner la mémoire

Garder des traces de notre histoire immédiate, écrire notre mémoire collective et son enchevêtrement avec la mémoire individuelle devient une question obsédante pour un certain jeune théâtre tunisien. Prendre en charge les tourments de notre contexte actuel quelle que soit sa noirceur peut paraître direct dans « Fantastic City Again » mais bien des détours poétiques et ironiques posent la question de la trace et de la survie dans un tel chaos. Cette pièce a été présentée en compétition au Festival Ezzeddine Gannoun, hier à 19h30 au Quatrième Art.

Théâtre : « Madame M. » d’Essia Jaibi, à la recherche de la bonne distance

Madame M. d’Essia Jaibi est une expérience à part entière. Notre corps de spectateur s’y engage littéralement, passe du siège face à la scène vers un autre espace sur et autour d’une scène autre, comme l’on s’installe autour d’une table, à la même hauteur. On repense à la disposition des premiers théâtres grecs (en U, scène presque circulaire). Madame M. sera présentée lundi 25 mars au 4ème Art dans le cadre de la compétition officielle du Festival Ezzeddine Gannoun.

Théâtre : « Watershed » de Wahid Ajmi, raviver la mémoire

Le 21 septembre 2018 à la cité de la culture, 19h, nous assistons à la première de “Watershed” de Wahid Ajmi : une représentation bien marquante de par son énergie, ses couleurs, ses ombres et ses voix qui laissent une trace indélébile dans nos corps. C’est à partir de ces traces que s’élabore ce propos qui tente de décrire non seulement la beauté visuelle et sensuelle de cette pièce mais aussi son intérêt esthétique et politique. « Watershed » sera présentée aux Journées Théâtrales de Carthage (JTC), vendredi 14 décembre, à 15h et à 19h, au Rio.

Dans les manuels scolaires, l’Histoire de la Tunisie s’arrête en 1964

En 2011, les photographies, les extraits de discours étudiés dès l’école primaire, et tout le contenu relatif à Ben Ali disparaissaient du programme d’enseignement de l’histoire et de l’éducation civique, laissant blanches des pages et des pages des manuels scolaires. En 2015, c’est une leçon couvrant la période de l’histoire nationale entre 1964 et 1987 qui a été à son tour expurgée. Le ministère de l’Education promettait d’ores et déjà des réformes, et entre-temps, les travaux de l’Instance Vérité et Dignité (IVD) sont passés par là. Mais qu’en est-il vraiment aujourd’hui ? Quel discours historique apprennent désormais les élèves ?

Les bandits en Tunisie: des légendes urbaines exclues de l’histoire officielle

Le feuilleton « Chouerreb », diffusé sur Attessia durant ramadan, a suscité une polémique sur la figure du « bandit » et son rapport à l’autorité. Ce débat nous a poussés à puiser dans la mémoire collective et les récits oraux. Et ce, afin d’écrire un récit qui prenne ses distances avec le récit officiel des vainqueurs. L’intérêt populaire suscité par les bandits est si intense qu’il ouvre la voie à l’exagération, voire au mythe. Le conflit fait rage entre ces deux récits. L’un officiel mais privé d’historiens officiels et l’autre, populaire, oral, qui s’est intéressé aux laissés pour compte.

Stockage en ligne des archives de l’IVD, menace sur les données personnelles ?

Le stockage des archives audiovisuelles de l’IVD fait l’objet d’un âpre conflit. Suite au lancement d’un appel d’offres pour créer une plateforme web par l’Instance en janvier dernier, les Archives Nationales et certaines organisations de la société civile sont montées au créneau. Ils accusent l’IVD de faire un choix qui « présente des risques de violation de la vie privée des témoins et pourrait nuire à la souveraineté nationale », l’appel d’offres n’excluant pas de faire appel à des prestataires étrangers. Une bataille sur les données personnelles qui risque de s’envenimer.

Reportage: Que reste-t-il de la mémoire du 14 janvier dans les rues de Tunis ?

Tunis, janvier 2018. Le pays célèbre 7 ans depuis la chute du régime autoritaire. Le 14 janvier 2011 a marqué un tournant historique, celui du passage de l’autoritarisme à la démocratie, aussi balbutiante soit-elle. L’espace public était le témoin de la rage populaire contre le pouvoir. Est-il fidèle à cette mémoire ? Les autorités post-révolutionnaires sont-elles conscientes de cet enjeu ? Les constats sont amers.

Mémoire citoyenne & amnésie étatique: Le cas du parc Helmi Manaï à Bab El Khadra

Le parc Helmi Manaï à Bab el Khadra est l’un des très rares lieux de la capitale où un hommage est rendu à un martyr de la révolution. La plaque en sa mémoire rappelle les assassinats perpétrés par les forces armées dans les rues de Tunis il y a 7 ans dont celui de Helmi Manaï le 13 janvier. Un monument fruit de la volonté de citoyens alors que l’Etat semble désengagé de la question de la mémoire de la révolution dans l’espace public.

Malek Gnaoui à Dream City: Immersion mémorielle dans la Prison du 9 Avril

Au cœur de la Médina, à Dar Dey, maison abandonnée depuis des décennies, la mémoire d’un ancien condamné à mort, Naceur, détenu numéro « 0904 » de la prison civile du 9 Avril, surgît pour témoigner de la souffrance humaine et nous inviter à réfléchir l’enfermement et l’absurdité de la peine de mort. Voulant interpeller la mémoire de l’ancienne prison fermée en 2003 et démolie en 2006 à travers ce personnage, Malek Gnaoui, artiste plasticien, se retrouve confronté au silence et à la surdité de l’administration tunisienne. Il choisit alors de se laisser inspirer par les récits d’ex-prisonniers pour créer un espace où images, sons, oiseaux, cages et autres objets embarquent les visiteurs dans une rencontre avec l’homme décédé depuis de longues années dans une cellule individuelle.

Résistances : Quand l’art bande mou à Carthage

Décidément, l’art bande mou à Carthage. Au moment de la piqûre de rappel de la Fête des Martyrs en son 79ème anniversaire, la Présidence de la République met les bouchées doubles pour trompeter ténacité et résistance du peuple tunisien au cours de l’histoire. Organisée en collaboration avec les ministères de la Culture et celui de l’Education, Résistances se veut une exposition itinérante qui sillonnera toutes les régions du pays jusqu’à la fin du mois d’avril 2019. On aura beau tourner sa langue mille fois dans sa bouche, on a beau fouiner dans son vocabulaire, il n’y a pas d’autre mot pour qualifier cette initiative poussiéreuse d’une expo qui ne l’est pas moins : nulle.

On ne saurait libérer le présent sans libérer le passé

Les héros qui se sont exprimés vendredi sur nos écrans de télévision ne nous ont certes rien appris. Ils ont fait beaucoup plus que cela. De faits relégués à l’histoire des historiens, à moitié oubliés, déformés, tronqués, maltraités, noircis ou volontairement occultés par la parole bourguibiste, ils ont fait une histoire toujours vivante, une histoire présente, une histoire qui marche encore, une l’histoire réelle et vraie, parce qu’elle vit, qu’elle est présente et qu’elle marche encore, malgré ses béquilles.