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Un milieu urbain, n’est pas vivable sans un minimum de verdure. Or nos villes et villages en manquent cruellement. Si Tunis dispose de deux grands espaces verts, à savoir le Belvédère et le jardin Thameur, la plupart des autres villes ne disposent même pas de jardins dignes de ce nom. D’ailleurs, il est fréquent de voir des espaces communs se transformer, non en jardin, mais en dépotoir. Et ce sont souvent les habitants du quartier qui sont à l’origine de cette dérive. Pourtant, dans les conditions climatiques prévalant actuellement -et dans l’avenir-, les arbres revêtent une importance capitale. Ils assurent en effet un minimum de confort thermique pour les citadins ou ceux qui passent par la ville, notamment pendant la saison chaude (qui dure parfois plus de six mois dans certaines régions).

Bosquet de pin pignon

Il est regrettable de voir que toutes nos villes se ressemblent ou presque. Les arbres plantés sont presque toujours les mêmes : des ficus, des palmiers des Canaries et des Washingtonia. L’introduction du charançon rouge qui s’est attaqué aux palmiers d’alignement surtout à Tunis a poussé les municipalités à couper les arbres, laissant des moignons laids et un espace cruellement vide. La leçon ne semble pas suffisamment retenue pour inciter les autorités à diversifier les plantations en ville, à remplacer les pieds morts, et à reconsidérer le choix des arbres à planter, afin de répondre à de nouvelles nécessités.

 

Diversité des espèces

 

Il est difficile d’établir une liste complète des espèces plantées dans les rues en Tunisie. Nous n’évoquerons que les espèces dominantes ou posant certains problèmes particuliers. Globalement, la diversité des espèces plantées en milieu urbain s’est rétrécie au fil du temps. La preuve, c’est que les villes et villages créés pendant la période coloniale présentent une diversité végétale plus importante que les nouvelles agglomérations ou les extensions des anciennes. Il est regrettable de voir que deux ou trois espèces dominent le paysage un peu partout dans notre pays, malgré la diversité topographique et climatique.

En effet, du nord au sud, on ne voit que des ficus, des palmiers des Canaries ou des Washingtonia. Si les ficus sont appréciés pour l’ombre qu’ils procurent en période de chaleur, les trois autres essences (au fait, il y a deux espèces de Washingtonia) ont peut-être une dimension esthétique, mais ne procurent pas l’ombre recherchée et n’atténuent pas les extrêmes thermiques du milieu où elles sont plantées. Comme les palmiers des Canaries sont victimes du charançon rouge, les ficus sont désormais la cible d’un insecte qui s’attaque à leurs feuilles (détecté au moins à Tunis et à Sousse). Ces arbres demeurent donc à la merci d’un ravageur. Ils sont d’autant plus vulnérables qu’ils sont plantés l’un à côté de l’autre, ce qui facilite la transmission des agents pouvant les attaquer.

Platane. Insérée en haut à gauche, détails d’une feuille et des fruits

Certaines espèces étaient présentes en nombre en ville, mais elles ont été dans leur majorité coupées. Nous pensons aux eucalyptus dont certains arbres centenaires ont été abattus aussi bien par certaines municipalités que par des opérateurs particuliers, ce qui a provoqué l’indignation de ceux et celles qui connaissent les sites où l’arrachage a eu lieu. Cependant, les eucalyptus persistent encore dans plusieurs villes et sont souvent appréciés pour leur ombre.

Les racines superficielles des eucalyptus et des ficus posent parfois problème. Ces deux espèces ont pourtant un enracinement profond, mais émettent également des racines près de la surface des sols. Ces racines arrivent parfois à percer des trottoirs et à les déformer. Elles peuvent même gêner d’autres infrastructures, notamment certaines conduites d’eau usées domestiques. A la recherche de l’eau, les racines peuvent percer des conduites en PVC et arrivent parfois à les boucher.

Certaines espèces ne sont présentes que dans un seul site. C’est le cas du chêne vert (introduit), planté à l’avenue de la Liberté à Tunis. D’autres sont peu présentes, comme le robinier faux-acacia, le chêne soyeux d’Australie, l’arbre de Judée… Parmi les arbres qui ne semblent plus être plantés dans nos cités, pourtant locales ou acclimatées depuis longtemps en Tunisie, nous citons le micocoulier, le frêne, le pin d’Alep, le pin pignon, l’orme ou le mûrier…

Jacaranda, détails d’une floraison

On comprend que certaines espèces ont été introduites et plantées pour des raisons esthétiques, ou ornementales. C’est le cas du jacaranda ou encore celui de l’arbre de Judée, même si ce dernier n’a pas été planté intensivement. Par contre, le jacaranda orne de nombreuses avenues et rues, notamment l’avenue Alain Savary ou celle de la Liberté. On le voit également dans plusieurs villes. Ses fleurs sont en effet très belles et égaient le paysage au début de l’été.

Des espèces intéressantes n’ont malheureusement pas été plantées à grande échelle. Nous évoquons ici les cas du platane, du peuplier, du pacanier ou encore de l’orme. C’est vrai qu’elles ont besoin d’eau pour bien pousser, mais elles conviennent aux régions recevant assez de pluie (Cap Bon et nord de la Tunisie). Ces arbres ont l’avantage d’atteindre de grandes tailles et de disposer d’un feuillage dense, les rendant très utiles pendant la saison estivale. Le platane a été planté avec succès au Kef, à Tabarka, Tunis, Bizerte et dans d’autres localités également. Quant au pacanier, il reste encore de gros pieds à Ain Draham, Tabarka et Bizerte, ce qui prouve qu’il peut bien pousser dans des régions à pluviométrie similaire.

Pied majestueux de pistachier de l’Atlas

D’autres espèces d’arbres, en dehors de celles citées précédemment, sont également présentes en alignement en milieu urbain. On cite le faux poivrier, le faux poivrier odorant, certains acacias, l’araucaria, le févier d’Amérique, l’ailante, le « mimosa »…

L’ailante a un caractère invasif, tant en milieu urbain qu’en forêt (Ain Draham). Il se propage très facilement par semis et peut couvrir les espaces où les graines arrivent à germer. Il vaut mieux éviter de planter cet arbre au caractère particulièrement invasif, voire envisager de  l’éradiquer des espaces qu’il a envahis.

Jeune pied d’ailante poussant au pied d’un mur

En somme, les arbres d’alignement ou d’ornement en milieu urbain sont très peu diversifiés. Quelques espèces dominent les paysages dans tous les milieux urbains en Tunisie. Pourtant, le pays dispose d’une grande diversité d’arbres, tant parmi les espèces autochtones que celles introduites, et qui méritent d’être plantés.

Dans un contexte fortement marqué par le réchauffement climatique,  nous avons besoin d’arbres susceptibles d’atténuer les températures extrêmes, par l’ombre qu’ils procurent, et le confort thermique qu’ils prodiguent.

Parmi ces espèces, on peut recommander le platane, les pins d’Alep et pignon, le pacanier, le sumac africain, les peupliers noir et blanc, le mûrier (d’ornement, sinon des variétés à larges feuilles), l’orme champêtre, le micocoulier, le pistachier de l’Atlas, le houx et bien d’autres.