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A l’hôpital de campagne de Kairouan, juin 2021. Crédit : Malek Khemiri

A un moment où tous les regards sont braqués sur les atrocités de la guerre russo-occidentale en Ukraine, dont les répercussions sur le reste du monde suscitent à juste titre des inquiétudes de plus en plus grandes, il ne serait peut-être pas inutile (non plus) de rappeler que la pandémie du Covid-19, l’autre fait majeur qui occupait jusque-là « La Une » des différents journaux, est loin d’être terminée.

Hiérarchisation des informations

Oublier cette douloureuse réalité, la déclasser dans la hiérarchie des informations ou chercher à en minimiser l’importance serait une grave erreur. Et pourtant, dans le traitement quotidien qu’ils font de l’actualité, la plupart des médias donnent aujourd’hui l’impression d’aller dans ce sens. En choisissant de prioriser l’information sur ladite guerre au détriment de celle sur la pandémie du coronavirus, ils contribuent (consciemment ou inconsciemment) à éclipser cette dernière ou du moins à la reléguer à un second plan. Et ceci est d’autant plus inquiétant que la tendance actuelle dans certains pays, notamment en Europe, laisse à penser que cette pandémie est aujourd’hui relativement maîtrisée et qu’elle serait même d’ores et déjà derrière nous. Les mesures de restrictions sanitaires destinées à contrôler cette grave maladie sont ainsi progressivement levées ou assouplies et les gens se réjouissent de retrouver leurs conditions de vie habituelles. Ce qui constitue bien sûr une réaction humaine tout-à-fait normale et compréhensible, mais qui mériterait d’être raisonnablement tempérée. Car, un effort supplémentaire de prudence de la part de chacun d’entre nous ne serait probablement pas de trop, même s’il reste incontestablement désagréable à supporter.

Contre tout relâchement précipité

C’est du moins ce qui ressort de la mise en garde du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, dans un communiqué publié mercredi 09 mars 2022 à l’occasion du deuxième anniversaire du déclenchement de ce fléau mondial (20 Minutes avec AFP) où il dit que : « Grâce à des mesures de santé publique sans précédent et au développement et au déploiement extraordinairement rapides de vaccins, de nombreuses régions du monde parviennent à maîtriser la pandémie. Mais ce serait une grave erreur de penser qu’elle est terminée ». De son côté, le Directeur général de l’OMS, le Docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, ajoute dans le même sens, lors d’un point de presse tenu le jour-même à Genève (Le Parisien avec AFP) que : « Cette pandémie est loin d’être terminée et elle ne sera finie nulle part si elle n’est pas finie partout ».

Deux ans donc après le déclenchement de cette catastrophe sanitaire planétaire, deux institutions internationales de premier plan lancent une sérieuse alerte pour prévenir contre tout relâchement précipité et irréfléchi dont les conséquences pourraient se traduire par une regrettable régression dans une situation déjà très compliquée.

Cette double mise en garde est d’autant plus importante qu’elle nous rappelle, en fait, le caractère à la fois déstabilisant et difficilement contrôlable de cette maladie qui a réussi en si peu de temps à fragiliser aussi bien les individus que leurs Etats et qu’elle n’a peut-être pas fini de nous surprendre.

Inédite et déroutante, elle n’est pourtant pas la première pandémie que connait l’humanité, ni fort probablement la dernière. Par sa gravité, elle opère comme un véritable révélateur permettant de souligner la fragilité de l’être humain et de mettre à nu la face cachée du monde dans lequel nous vivons.

Crise sanitaire inédite

On le sait, le coronavirus (ou Covid-19) est loin d’être une première dans l’Histoire de l’humanité. D’autres graves maladies infectieuses se sont manifestées à travers le temps, à des époques relativement éloignées, et parfois même récentes : peste, choléra, grippe espagnole (une des plus meurtrières), grippe asiatique ou encore Sida (la plus récente), … ont provoqué, chacune à son tour et à différentes périodes de notre histoire, de véritables ravages au sein de la population mondiale, se traduisant souvent par des dizaines, voire des centaines de millions de victimes.
Ceci étant, et à part les complications rencontrées avec le Sida qui continue, malheureusement, à faire peur à tout le monde, les énormes progrès de la médecine et des sciences en général ont permis jusque-là et avec beaucoup de succès de nous protéger contre les effets dévastateurs de tels fléaux. Mais, aujourd’hui, et malgré les vaccins qu’ils ont réussi à trouver en un temps record, les chercheurs éprouvent les plus grandes difficultés dans la lutte contre ce nouveau virus du Covid-19 et ne semblent pas (au moins dans l’immédiat) en mesure de l’éradiquer complètement. D’où la panique générale dans laquelle se trouvent aujourd’hui l’ensemble des êtres humains, où qu’ils soient et quels que soient leurs moyens, face aux risques réels et permanents d’être contaminés par ce terrible virus. Même la population des Etats-Unis, pourtant première puissance mondiale, n’y échappe pas et compte à ce jour le plus grand nombre de personnes contaminées (soit plus de 85.5 millions) avec plus d’un million de décès [selon le compteur de l’université américaine Johns Hopkins].

Considéré par l’OMS comme une réelle pandémie, ce nouveau coronavirus reste ainsi difficilement maitrisable, intrigue les scientifiques et ne semble pas avoir fini de nous surprendre. Il faut dire que personne ne s’y attendait et personne ne l’avait vu venir. Jamais, dans l’histoire de l’humanité, pareil virus n’avait déstabilisé autant de pays en même temps. Par sa sévérité, sa vitesse de propagation et de mutation, il a réussi, en très peu de temps, à paralyser la planète entière, et à provoquer sans doute la plus grave crise multidimensionnelle (sanitaire, économique et sociale) que le monde n’avait jamais connue auparavant.

Depuis décembre 2019, date supposée de son apparition dans la ville chinoise de Wuhan, il a déjà contaminé plus de 535,3 millions de personnes dans le monde et provoqué au moins 6,3 millions de morts, selon un bilan établi par l’université américaine Johns Hopkins et publié par le journal Le Monde du 10 juin 2022. A ces chiffres bien évidemment catastrophiques et effrayants qu’on ne peut que déplorer, s’ajoute aujourd’hui une inquiétude de plus en plus grande par rapport à l’impact de cette pandémie sur la vie quotidienne des gens, qui se trouve de ce fait tellement bouleversée et déstabilisée qu’elle n’est plus vraiment aussi sereine qu’elle était.

Déstabilisation de la vie quotidienne

Totalement inconnu et imprévisible, ce nouveau virus est, de l’avis de l’ensemble de la communauté scientifique internationale, difficilement identifiable et circule à une vitesse ultra-rapide. N’épargnant a priori aucune personne, riches comme pauvres et quel que soit leur pays, leur sexe, leur couleur de peau, ou encore leur religion, les gens sont tous susceptibles d’en être les victimes.

En plus, comme au démarrage il n’y avait aucun vaccin ou traitement pouvant aider à y faire face et à essayer d’en ralentir la propagation, seules des mesures de prévention et un confinement total de la population (de chaque pays) étaient envisageables. Autrement dit, une solution « supposée provisoire » se traduisant par une action directe et urgente sur les gens, leurs habitudes et leurs règles de vie en société devenait non seulement nécessaire mais incontournable face à ce fléau. Et bien-sûr personne n’était préparé à cela.

Du jour au lendemain et pratiquement dans tous les pays, les gens découvraient pour la première fois qu’ils étaient tous concernés et touchés dans leur mode de vie : plus de poignées de mains, plus d’accolades, plus d’embrassades. Il faut respecter, nous dit-on, les règles de « distanciation sociale », en gardant au moins un mètre de distance avec les gens (y compris nos proches et nos propres enfants). Pire, les mesures de confinement général, qui ont été prises et imposées dans la plupart des pays, ont cloué les gens chez eux pour des périodes successives et dont la durée restait à chaque fois totalement aléatoire. C’était partout pareil. Plus de commerces ouverts (à part ceux de première nécessité), plus de transports en commun, plus d’école pour les enfants, plus de travail (ou télétravail dans les meilleurs des cas). Seules quelques sorties par dérogation et souvent sous contrôle policier étaient autorisées. Les espaces aériens ont été fermés et les avions comme les bateaux immobilisés. De plus en plus contraignantes, ces mesures restrictives, lourdes de conséquences notamment sur le plan économique, devenaient aussi une atteinte directe à certaines libertés individuelles et collectives. Du jamais vu !

Et au-delà du caractère insolite et pour le moins désagréable d’une telle situation, personne en fait ne se sentait réellement capable de supporter de telles mesures (surtout sur du long terme) et chacun tentait malgré lui de s’adapter à cette nouvelle situation, en espérant qu’elle ne soit que temporaire. De toutes les façons et pour bien y résister, il n’y avait pas trente-six mille solutions. Il fallait surtout prendre son mal en patience et au mieux faire preuve d’intelligence, d’imagination et de sagesse, en profitant des quelques aspects positifs possibles (comme utiliser le confinement pour se rapprocher des siens, faire le point sur sa vie personnelle et professionnelle, …) tout en essayant de faire abstraction du reste. Mais le pire dans tout ça, c’est que dans chaque pays où elle s’est introduite, la pandémie du coronavirus s’est vite transformée d’un problème purement sanitaire en une véritable crise sociale multidimensionnelle, dont les manifestations pouvaient prendre des aspects divers et variés, comme à titre d’exemples :

  • Une méfiance vis-à-vis de « l’autre » : dès le départ, un sentiment de peur généralisé donne lieu, en effet, à une relation de méfiance vis-à-vis de « l’autre », qui est ainsi instinctivement désigné (et considéré) comme un danger potentiel dont il faut se prémunir et s’éloigner, puisqu’il est susceptible d’être porteur du virus. Ce qui contribue à mettre les gens dans une situation de gêne constante et de suspicion réciproque, les uns vis-à-vis des autres. Ce type de relation peut même devenir assez rapidement très délicat et donner lieu à des situations étranges, notamment au sein d’une même famille dont les membres (conjoints, grands-parents, enfants, …) voient leurs habitudes complètement bouleversées. Demander à des parents et à leurs enfants (ou petits-enfants) de rester éloignés les uns des autres, ne peut, tôt ou tard, que provoquer chez eux un sentiment d’incompréhension et de frustration.
  • Une sensation de privation de liberté : censé protéger les gens en limitant les risques de contagion, le confinement, par exemple, est généralement très mal vécu et perçu comme une assignation à résidence et donc à une privation de liberté.
  • Une flagrante démonstration des inégalités sociales : le confinement peut effectivement être plus ou moins difficile à vivre et à supporter, en fonction des moyens dont on dispose et de la couche sociale à laquelle on appartient. Ceci est d’autant plus vrai qu’il ne peut y avoir aucune commune mesure entre une famille nombreuse dont les membres devaient tous être enfermés dans un espace réduit (de 40 à 60 m2, par exemple) et ceux qui pouvaient être confinés dans une ferme, une grande maison avec jardin ou un appartement spacieux avec terrasse et/ou balcons.
  • Une multiplication des conflits relationnels : mais, dans tous les cas (ou milieux sociaux) et au bout d’un moment, le confinement devient systématiquement source de complications au niveau des relations humaines, surtout que la santé mentale des uns et des autres finit par être soumise à rude épreuve. La promiscuité peut, alors, avoir un impact particulièrement lourd de conséquences sur les gens et parfois même traumatisant pour les plus fragiles d’entre eux. Car, au-delà des problèmes de stress, d’anxiété et de dépression, une telle situation peut très vite provoquer des conflits de toutes sortes et notamment des violences conjugales. Et on le sait très bien, les premières victimes, dans de telles circonstances, sont souvent des femmes et des enfants.

Ces quelques aspects (parmi tant d’autres) nous montrent à quel point les êtres humains ont été déstabilisés et fragilisés par cette pandémie. Mais, ce qui est encore plus étonnant c’est que même les Etats ont été mis en difficulté par ce virus.

Manque de solidarité entre Etats

La menace du coronavirus était donc, dès le départ, omniprésente, à tel point qu’aucun pays ne pouvait être (ou s’estimer) à l’abri. Ceux qui ne l’avaient pas cru et avaient fait preuve d’inertie ou d’hésitation au début ont dû le payer excessivement cher, avant de se raviser et de faire comme tout le monde : se protéger avec les moyens du bord, en attendant (et espérant) des jours meilleurs. Il était même de plus en plus évident qu’aucun Etat seul ne pouvait arrêter cette catastrophe. Seule une collaboration à l’échelle mondiale pouvait éventuellement ralentir la propagation du virus dans un premier temps et peut-être mieux le contrôler par la suite.

L’occasion était donc propice pour qu’il y ait un minimum de solidarité entre Etats et d’actions communes et concertées sur le plan international. Pour une fois, l’humanité entière faisait face à un ennemi commun et on était raisonnablement en droit d’attendre que tous les pays agissent ensemble et « tirent dans la même direction ». L’ONU, par exemple, aurait pu être rapidement mobilisée dans ce sens et permettre la mise en place d’un programme universel de lutte contre ce fléau et surtout de venir en aide aux pays les plus défavorisés. Mais, son action est restée limitée, malgré les appels de son secrétaire général António Guterres qui déclarait le 31 mars 2020 : « Le Covid-19 est le plus grand test auquel nous avons été confrontés ensemble depuis la formation des Nations Unies ». Avant d’ajouter : « Cette crise humaine exige une action politique coordonnée, décisive, inclusive et innovante de la part des principales économies du monde et un soutien financier et technique maximal aux personnes et aux pays les plus pauvres et les plus vulnérables ».

D’ailleurs, un projet de résolution franco-tunisien (initialement présenté par la Tunisie) allant dans ce sens, a dû passer par 4 mois de blocage en raison d’un différend sino-américain autour de son contenu, avant d’être enfin adopté à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU le 1er juillet 2020. Mais, intervenant avec trop de retard et d’hésitation, cette résolution n’a eu au final qu’un intérêt purement symbolique. Pendant ce temps, et en lieu et place de telles initiatives, on a assisté à une montée des tensions internationales et à des querelles interminables pour déterminer qui était responsable de la catastrophe du Covid-19. C’est ainsi qu’après avoir bénéficié des premières informations transmises par les médecins chinois, dont le pays a été le premier touché par cette maladie, les occidentaux et à leur tête les Etats-Unis se sont retournés contre la Chine, en l’accusant d’avoir été à l’origine de ce virus et de sa propagation dans le reste du monde.

Mieux encore et en pleine pandémie, le président américain décide de suspendre la contribution américaine à l’OMS (dont les Etats-Unis sont pourtant le principal bailleur de fonds), en reprochant à cette agence de l’ONU de s’être alignée sur les positions de la Chine et d’avoir participé ainsi à cacher la dangerosité du virus lors de son apparition. Dans le même esprit, on peut rappeler aussi les regrettables tentatives de détournement des travaux de certains laboratoires scientifiques au seul profit de quelques pays riches comme les Etats-Unis. Ce qui montre, malheureusement, à quel point l’égoïsme peut conduire les dirigeants de ces Etats, dans de telles circonstances, à se désintéresser totalement de ce qui peut arriver au reste de l’humanité.

En fait, face à ce problème inouï auquel personne ne s’attendait et en l’espace de quelques semaines, nous avons vu un monde perturbé, où chaque Etat s’est mis à chercher d’abord et essentiellement à assurer ses propres intérêts, quitte à recourir à des pratiques agressives inhabituelles, comme « le détournement vers les Etats-Unis d’une commande française de masques sur le tarmac d’un aéroport chinois ». Et ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres, mais qui en dit long sur l’état général et peu flatteur des relations internationales.

On a l’impression, en somme, que cette crise sanitaire planétaire est venue juste pour nous rappeler que ce monde globalisé et moderne, dans lequel nous vivons, se caractérise aussi et surtout par sa fragilité et ses contradictions. Dominé par un égoïsme exacerbé, des inégalités honteuses et un manque de solidarité flagrant (aussi bien entre les nations qu’entre les individus), il favorise de plus en plus le repli sur soi et une montée inquiétante de certains mouvements populistes et nationalistes.

Il faut dire qu’après la chute du Mur de Berlin en 1989 (qu’il n’est pas question de regretter ici), la planète entière s’est retrouvée de fait face à une forme de mondialisation et d’unilatéralisme sans précédent. Elle a aussi été de plus en plus ouvertement soumise aux lois de l’économie de marché et donc à une course effrénée au profit, avant toute autre considération. La plupart des pays (développés, émergents ou pauvres), ont été entrainés par cette vague et pratiquement obligés de suivre et d’appliquer les règles de ce système. Même la Chine qui continue officiellement  à être dirigée par un parti communiste (ou se réclamant comme tel), a fini par adopter le système de l’économie de marché [!]. Les consignes sont partout pareilles : il faut restreindre les dépenses publiques, en s’attaquant prioritairement aux dépenses sociales. Les différents services publics (transports, santé, éducation…) sont ainsi constamment visés et affaiblis par des coupes budgétaires, quand ils ne font pas l’objet d’un pur et simple désengagement de l’Etat au profit du secteur privé. Le but poursuivi, à chaque fois et quel que soit le pays, consiste à limiter au stricte minimum l’intervention étatique et à permettre au secteur privé (donc au capital) de prendre le relai en réalisant toujours plus de profit, quitte à ce que cela se fasse au détriment de l’intérêt général et de la qualité du service censé être rendu au citoyen.

C’est d’ailleurs ce qui a été constaté, dans la plupart des pays, quand il a fallu rapidement accueillir les innombrables malades du Coronavirus et leur offrir les premiers soins dont ils avaient besoin. On a alors découvert (pratiquement partout) des secteurs sanitaires du service public délabrés, délaissés, manquant de matériel et de personnel. Les urgences des hôpitaux publics étaient (sont toujours) souvent encombrées par des patients mal reçus et devant passer des heures et des heures d’attente dans les couloirs avant d’être pris en charge par un personnel épuisé, voire surmené car en sous-effectif.

Quelles leçons pour l’avenir ?

Les mouvements de déconfinement et de levée progressive des mesures de restrictions sanitaires qui se sont multipliés ces derniers temps un peu partout dans le monde, ne prouvent en aucun cas la fin du coronavirus. Au contraire, et malgré la baisse du nombre de contaminations dans certaines régions du globe, beaucoup de pays continuent encore à souffrir de cette pandémie. L’exemple de ce qui se passe actuellement en Chine (notamment à Shanghai et à Pékin) est à ce niveau très significatif et devrait nous inciter à la prudence. Ce qui est évident, en tout cas, c’est que l’urgence économique, devenue de plus en plus pressante au fil du temps, a fini par gagner du terrain sur celle de l’aspect sanitaire. Et bien sûr, cela ne peut que rassurer le milieu des affaires, qui a été mis en difficulté par ces longues périodes de confinement imposées. Par contre, l’humanité entière va fort probablement devoir apprendre à vivre avec ce fléau qui risque de nous accompagner pendant de longues années, avant que la science ne parvienne un jour à y mettre fin. En attendant, il faut espérer que les principaux décideurs de la planète tirent rapidement les premières leçons de cette crise mondiale et se montrent enfin prêts à agir pour :

  1. Faire en sorte que les « pays du sud » puissent enfin bénéficier, en toute équité, des mêmes conditions de vaccination que les pays riches. Car comme l’affirme le Directeur général de l’OMS, « la pandémie ne sera finie nulle part si elle n’est pas finie partout». Autrement dit, il n’est pas difficile de savoir que dans un monde basé sur la liberté de circulation des biens et des personnes, les virus aussi n’ont aucune difficulté à traverser les frontières.
  2. Que le fléau du Covid-19, qui était incontestablement une catastrophe sans précédent pour l’humanité, soit aussi une chance pour que les Etats prennent conscience des limites du fonctionnement actuel de la société mondiale. Charles Nicolle écrivait que «la connaissance des maladies infectieuses enseigne aux hommes qu’ils sont frères et solidaires. Nous sommes frères parce que le même danger nous menace, solidaires parce que la contagion nous vient le plus souvent de nos semblables ». Une citation pleine de sagesse qui devrait inciter les responsables mondiaux à repenser le système actuel et (pourquoi pas) opter pour un nouvel ordre économique mondial basé sur plus de solidarité et de coopération entre les peuples.

Il n’est certes pas interdit d’espérer. Mais, malheureusement et sans vouloir faire preuve de fatalisme ou de pessimisme, on peut dire que l’actualité est loin d’être rassurante et nous montre plutôt que les chances réelles de voir le monde se ressaisir et retenir les leçons de cette crise planétaire sont presque nulles. Car, s’il n’est pas exclu que quelques corrections puissent avoir lieu, il est fort probable que leurs effets resteraient très limités et ne remettraient en cause aucun des choix fondamentaux existants. L’organisation actuelle du monde et surtout les intérêts sur lesquels elle se fonde ne pourraient qu’aller à l’encontre de tels espoirs et ignorer purement et simplement les changements souhaités.