Identité plurielle
Fondée en 1989, l’ATFD représente une des plus anciennes mouvances féministes en Tunisie. Pour la juriste et ancienne présidente de cette association, actuelle présidente de Beity, Sana Ben Achour,
L’ATFD est restée fidèle à des principes proclamés depuis 30 ans. Ces derniers sont d’abord, l’autonomie par rapport aux partis politiques et par rapport aux institutions de l’Etat. Ensuite, le respect du principe de la pluralité. En tant que militantes, on est libres d’avoir différentes orientations politiques et philosophiques. Pour nous, le féminisme n’est pas une idéologie mais une conviction, un projet de société,
affirme-t-elle à Nawaat.
Cette pluralité englobe-t-elle les femmes défendant un modèle islamique ? Pour Sana Ben Achour : « Le féminisme islamique a totalement échoué aujourd’hui. Des figures comme Bchira Ben Mrad n’existent plus actuellement ». Et de s’interroger :« Est-ce que ce féminisme propose une nouvelle lecture de la religion ou vise-t-il à islamiser les causes des femmes ? Pour moi, il a totalement échoué ».
Alors que le contexte post-révolution a permis l’émergence de plusieurs associations adoptant une posture féministe, l’ATFD demeure, pour Ben Achour, une association ayant sa trajectoire unique. « Nous avons une histoire réelle de militantisme pour la construction d’outils communs de lutte. On a ainsi publicisé la question féministe en jetant dans le débat public des thématiques considérées jadis comme d’ordre privé », renchérit-elle.
A l’aune des débats actuels sur les différents courants du féminisme : universaliste, intersectionnel, etc, l’ATFD se positionne comme une association prônant la diversité : « Nous sommes ouvertes et plurielles. Au sein même de l’association, différents courants existent et cohabitent », avance Naila Zoghlami, la présidente nouvellement élue de l’ATFD, à Nawaat.
Une vision appuyée par ses pairs au sein de l’organisation. «Le féminisme n’est pas monopolistique. Il en existe plusieurs expressions à travers le monde », défend l’ancienne présidente de l’ATFD, Sana Ben Achour.
Cette pluralité constitue l’ADN de l’association, estime le fondateur de l’Association de Défense des Libertés Individuelles (ADLI), Wahid Ferchichi :
Dès le début, la lutte féministe en Tunisie était la mère des luttes. C’était un militantisme qui concernait une catégorie majoritaire sur le plan quantitatif mais minorisée sur le plan des droits. Ceci a ouvert la voie vers l’intégration dans cette lutte d’autres catégories sociales marginalisées et discriminées, dont les personnes ayant une orientation sexuelle non normative,
explique-t-il à Nawaat.
C’est donc naturellement que l’ATFD a soutenu les associations tunisiennes de féministes ayant une sexualité non normative, constate Ferchichi. D’après lui, les luttes de l’ADLI, de l’ATFD et de bien d’autres associations défendant l’universalité des droits humains convergent. Il ne s’agit pas d’une lutte féministe stricto sensu mais d’une lutte pour la dignité et l’égalité pour toutes et tous, estime-t-il.