Dans son rapport relatif aux dépassements enregistrés en janvier 2021, l’Association Tunisienne de la Prévention contre la Torture (ATPT) a constaté plusieurs abus lors des arrestations. Il s’agit principalement de violations des droits d’expression et de protection des données à caractère personnel. A Tunis, Ahmed a été arrêté après avoir publié un statut Facebook appelant à manifester. La police l’a agressé et lui a confisqué son téléphone portable et son ordinateur. Quant à Houssem, il a été arrêté à Ben Arous après avoir publié un statut soutenant les mouvements protestataires. A Kasserine, les deux jeunes Farouk et Bechir ont été arrêtés pour 48 heures pour avoir incité à manifester sur les réseaux sociaux. « Les détentions ont été faites de manière arbitraire. Il n’y a aucun respect des procédures », nous affirme l’avocat Charfeddine Kellil. Et de poursuivre : « Il est strictement interdit d’accéder au compte Facebook d’un utilisateur ou de fouiller son téléphone sans autorisation judiciaire préalable ».

Dans ce cas de figure, le problème se pose par rapport à la saisie des téléphones portables et éventuellement des ordinateurs, pour voir ce que le suspect publie sur son profil Facebook, ses photos personnelles et ses discussions privées. « Il n’y a aucun texte qui permet au juge d’instruction de fouiller les téléphones portables des suspects. L’amendement du Code pénal, encore sous l’examen du ministère de la Justice, prévoit cette procédure », nous confie un avocat auprès de la cour d’appel. Et de préciser : « Il faut que la preuve de condamnation soit intègre. L’intégrité exige l’application d’un texte de loi avant de procéder à la sanction. Nous ne pouvons pas condamner une personne sans qu’il y ait un texte préalablement conçu ».

Maître Kellil revient par ailleurs sur le cas d’une arrestation du groupe d’administrateurs d’une page Facebook qui s’appelle « Mahdia se révolte » (traduit littéralement de l’arabe dialectal) : « Cette page a contribué à l’encadrement des protestations. Ses administrateurs, de jeunes étudiants issus de l’Union Générale des Etudiants de Tunisie (UGET), ont été trainés au poste de police après des descentes à leurs domiciles. Les officiers de police ont confisqué leurs téléphones et ont parcouru la liste des administrateurs de la page pour les arrêter, sans autorisation du ministère public, ce qui représente une infraction à la loi ».

De son côté, Jamel Msallem, président de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH) affirme à Nawaat que « la police recourt rarement aux procédures légales d’arrestation. Elle procède souvent à des descentes nocturnes, et confisque les téléphones et les ordinateurs des personnes arrêtées. Le ministère de l’Intérieur contrôle depuis toujours les comptes Facebook des utilisateurs. Ils font des rapports et des procès sur la base de ce qui est écrit sur les profils privés ».

Par ailleurs, le président de la LTDH est revenu sur les abus des syndicats policiers quant aux violations des données personnelles des manifestants. Révéler les noms des personnes arrêtées, publier leurs photos, harceler leurs familles, tout ceci représente une atteinte aux données personnelles. Pour lui, le rôle des syndicats policiers devrait se cantonner à la dimension sociale. « Les syndicats devraient défendre les droits sociaux de leurs membres. Transgresser la loi, dévoiler les données personnelles des utilisateurs Facebook, faire du chantage en intimidant des jeunes et en menaçant d’attaquer leurs familles, sœurs et épouses sont tous des méthodes ignobles qui ne relèvent en aucun cas du rôle d’un vrai syndicat », explique Msallem.