Livrée à elle-même, Mariem a failli aussi être violée par les amis de son copain : « Je suis allé le voir dans sa ville d’origine. Il a envoyé ses amis pour m’intercepter mais je me suis débattue. Il a présenté des excuses mais il a essayé de me piéger encore une fois avec un autre de ses amis. C’était la fois de trop. Depuis, j’ai coupé les ponts avec lui ». Seules avec leurs enfants, Mariem comme Amal ont tenté de s’appuyer tantôt sur les structures d’aides et leur travail précaire, tantôt sur leur entourage. Mariem a trouvé refuge chez son oncle avant d’être évincée par sa femme. Elle a aussi suivi une formation comme auxiliaire de vie à l’association Amal pour la famille et l’enfance où elle a vécu avec sa fille pendant une année.
Quant à Amel, elle n’a cessé de jongler entre une fragile autonomie et la vie de rue. Ayant bénéficié de formations avec l’association Amal, elle a travaillé en tant qu’ouvrière dans des usines et comme aide-ménagère. Au bout d’un certain temps, elle est parvenue à cotiser pour louer un appartement avec une amie. Cependant, le copain de son amie ramenait des garçons à la maison qui ont essayé de la violer. « Le plus dur tout au long de ce parcours est le nombre de personnes qui ont abusé de moi en profitant de ma faiblesse », se lamente-t-elle. Elle renoue ainsi avec le père de son enfant, sorti de prison. Il lui a promis de l’épouser. « Je l’ai cru. J’ai mis toutes mes économies pour la location d’un appartenant avec lui. Très porté sur l’usage des drogues, il s’acharnait contre moi ». Battue, elle s’est retrouvée dans la rue. Amel a fini par entendre parler de l’association Beity. « J’étais affamée et dans un sale état. Ici, c’est mon dernier recours ».
Vers une laborieuse autonomie
Amel comme Mariem sont parvenues à établir le lien de paternité avec le père de leur enfant après une bataille judiciaire. Sana quant à elle, attend les résultats des tests ADN. « Le père de mon enfant s’est marié mais il est important que mon enfant acquiert le nom de son père. C’est ainsi que je ferai taire les calomnies à mon égard », espère-t-elle. Sa petite taille et sa voix enfantine contraste avec son air assuré. Au-delà de l’établissement de la paternité, la figure du père semble manquer à ces enfants. Anecdotique mais révélateur « à chaque fois qu’un homme entre dans le refuge, certains enfants le désignent comme leur père », nous raconte Ines Chihaoui, assurant la permanence de nuit au refuge. Mariem, Sana et Amel espèrent pallier l’absence du père. « J’ai défié ma famille et mon entourage pour mon enfant. Je ferai tout pour qu’il grandisse dans de meilleures conditions que les miennes », dit-elle, déterminée. Pas facile pour d’aussi jeunes filles. « L’une d’entres elles, par exemple, ne savait pas comment doser le lait pour son enfant. C’est aussi avec ce genre d’apprentissages qu’on soutient les mères », ajoute Chihaoui.