Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

Cette crise a révélé un déséquilibre profond dans nos modes de vie. Un déséquilibre qui a provoqué le passage d’un virus d’un animal à l’homme. Au fait, le recul des limites entre les sociétés humaines et les écosystèmes naturels permet le transfert d’agents infectieux naturellement présents dans les milieux naturels à l’espèce humaine dont le système immunitaire est dépourvu d’anticorps pouvant lutter efficacement contre ces agents pathogènes.

Le fléau des zoonoses

Les zoonoses (Maladies infectieuses des animaux vertébrés transmissibles à l’être humain) ne sont pas nouvelles dans l’histoire de l’humanité. La leishmaniose est une maladie qui prévaut en Tunisie par exemple. Cette maladie est provoquée par un parasite, transmis à l’homme par des moustiques, les phlébotomes. Elle revêt deux formes : la leishmaniose cutanée et la leishmaniose viscérale. Le parasite se trouve naturellement chez des rongeurs ou des carnivores, mais peut se transmettre aux humains lorsque le contact avec le milieu naturel le permet (pâturage, extension urbaine).

C’est aussi le cas de la maladie de Lyme, provoquée par une bactérie transmise aux humains par des tiques. Cette maladie atteint les humains lorsqu’ils entrent en contact avec des tiques dans le milieu naturel (bergers, randonneurs…). Si les tiques ne sont pas enlevées à temps et si la maladie n’est pas diagnostiquée assez tôt, les conséquences peuvent être graves. Dans les pays où la maladie a été déclarée, les autorités sanitaires préviennent leurs citoyens du danger et des moyens à mettre en oeuvre pour se protéger.

On peut multiplier les exemples (H1N1, Ebola, Chikungunya…) pour évoquer des zoonoses connues sous d’autres cieux, mais aussi chez nous. La rapidité des transports conjuguée aux changements climatiques en cours et aux échanges commerciaux dans le monde facilite la transmission des zoonoses et renforce leurs impacts sur les sociétés humaines. Le virus du chikungunya, transmis aux humains par le moustique tigre est originaire d’Afrique de l’Est. Sous l’effet du transport aérien, mais aussi du réchauffement climatique, les moustiques se sont propagés en Asie, Océanie et même en Europe et en Amérique.

Particulièrement, l’élevage intensif (volailles, porcs, bovins…) permet le passage d’agents infectieux du milieu naturel aux animaux et leur transmission aux humains. L’agriculture industrielle est parmi les activités qui génèrent le plus de risques pour la santé humaine. Surtout parce que les animaux d’élevage ont des systèmes immunitaires fragilisées suite à la sélection des souches élevées. Ces modes d’élevage ne permettent pas aux animaux de se reproduire pour que la sélection naturelle s’opère, ce qui assure aux animaux de développer une immunité face aux agents infectieux. C’est aussi le cas des monocultures, pour la production de biocarburants par exemple, qui se font aux dépens des milieux naturels défrichés (forêts, steppes…) et ne laissent presque plus d’espace aux espèces qui vivent isolément des humains de se maintenir et se reproduire sans risque de passer des parasites ou d’autres agents (bactéries, champignons, virus…) aux humains.

Il est aussi un point important à évoquer, à savoir que la consommation de la viande d’animaux non domestiques peut être la cause de transmission d’agents pathogènes. Ceci concerne particulièrement les chasseurs et braconniers dont les comportements –responsables ou pas– pourraient faciliter la transmission des zoonoses.

L’état de l’environnement, au-delà de la crise

Sans revenir aux diagnostics qui ont été faits sur l’état de notre environnement, force est de constater que les discussions autour de la crise du coronavirus se sont focalisées sur les façons qui nous permettent de l’éviter et les mesures d’hygiène qui pourraient éviter sa transmission. Il n’y a pas eu de discussion sur les causes profondes ayant permis son émergence et sa transmission, et les comportements que nous sommes appelés à adopter pour que de telles pandémies ne puissent pas avoir lieu dans l’avenir.

Il est clair par exemple que de nombreux individus ont profité du confinement pour s’attaquer aux forêts par le défrichement et la coupe des arbres[1]. En outre, de nouveaux phénomènes ont t relevés, tels que la mortalité massive des poissons dans la région de Monastir ou l’extension de la pollution à Gabès, incitant la municipalité à porter plainte contre le Groupe Chimique Tunisien, accusé d’être la cause de la pollution. Des comportements récusables ont aussi eu lieu, notamment la destruction des nids des oiseaux dans les salins de Thyna ou de sebkhet Sedjoumi, dénotant des attitudes irresponsables. Sans même parler du braconnage qui continue à sévir en toute impunité.

Les discussions autour des conséquences sanitaires de l’extension de la technologie 5G, pourtant d’actualité en Europe par exemple, ne sont suivies que par peu de nos concitoyens. Pourtant, cette technologie est soupçonnée d’avoir de graves conséquences sur la santé humaine, par ses forts rayonnements. Il y a lieu d’évoquer aussi les appels à l’annulation de la dette[2], pourtant désignée pour être une des causes de la fragilisation des systèmes de santé des pays ne pouvant pas faire face aux crises sanitaires. Le modèle de développement adopté, basé sur la fourniture des biens et services destinés aux marchés extérieurs ne semble pas être remis en cause, par le  gouvernement.

Même si les débats autour de l’agriculture et les appels à l’orienter vers l’accomplissement de notre souveraineté alimentaire ont suscité de l’intérêt, force est de constater que les modèles de production, basés sur le recours aux semences dites améliorées et à l’utilisation intensive des intrants (engrais et pesticides) continuent à sévir, et seule une infime partie des exploitants agricoles a tendance à sortir du modèle dominant. Rappelons encore que 60% de la production alimentaire mondiale est assurée par les petits producteurs, et que les grandes exploitations ne contribuent que maigrement à répondre aux besoins alimentaires de l’humanité…

Par rapport au climat, il est clair que le confinement a permis la réduction des gaz à effet de serre. Des appels ont été lancés pour répondre aux exigences des accords de Paris (COP 21) et à pousser le monde à réduire les émissions des gaz à effet de serre. Ces appels seront l’objet des mobilisations à venir autour des changements climatiques en cours.

Pour conclure, disons clairement que la plupart de nos concitoyens n’ont pas tiré les leçons nécessaires de cette crise. Ils sont appelés à participer aux discussions à toutes les échelles (nationale, régionale et internationale) et à se pencher sur les débats qui secouent notre société et celles qui nous sont proches. Si certains appels ont été lancés par la société civile[3] méritent d’être appuyés, d’autres initiatives devraient également voir le jour.

Au-delà de la dynamique initiée par la société civile, l’immobilisme demeure la posture des autorités nationales par rapport à l’environnement. Il est temps que les autorités assument leurs responsabilités en matière de préservation de notre environnement des agressions qu’il subit. Sortir de l’attentisme qui nous paralyse depuis des années devient une priorité absolue.

Notes

    [1] Voir par exemple ce qui s’est passé à Aïn Sallam, à Aïn Draham ; https://lapresse.tn/61364/tribune%e2%94%82vandalisme-des-ressources-naturelles-forestieres-ai%cc%88n-sallam-des-verites-qui-fa%cc%82chent/

    [2] Voir par exemplehttps://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLScYoLb9IOs8ykpJBNCKgN4484gGDTNH-JO2ciZGVVjaJxcdow/viewform?ts=5ec17d25

    [3] Voir par exemple l’appel « Pour une agriculture résiliente », lancé par l’Association Tunisienne pour la Permaculture.

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