Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

J’ai pour habitude de ne jamais reprendre les commentaires des uns et des autres, partant du principe que les opinions de tous sont respectables. Je crois que cela s’appelle l’esprit de tolérance. Pourtant, à lire ici et là des moqueries sur le Peuple Tunisien, que je ne prétends pourtant pas défendre, ça me révolte. Surtout si l’auteur est un Tunisien d’un certain âge et d’un certain niveau intellectuel.
Certes, on ne va pas comparer la situation de la Tunisie pré et post révolution, la dictature de ZABA n’avait rien à voir avec la nullité des dirigeants actuels, la corruption du régime ZABA était sans commune mesure avec les dérives de l’oligarchie qui règne depuis la révolution.
De la même façon, on ne peut pas mettre sur un même pied les privilèges scandaleux dont bénéficiait tout l’entourage du potentat avec les avantages dont profitent les arrivistes et profiteurs actuels.
Mais l’exaspération n’est-elle pas la même ?
Par exaspération, les Tunisiens qui ne pouvaient plus supporter ZABA ont pris le risque de faire ressortir de leurs caches les Islamistes.
Il est toujours difficile de quantifier le degré d’exaspération d’un peuple et on peut parfois se demander ce qu’est vraiment un peuple exaspéré.
Les Tunisiens qui auront été successivement inquiets, déçus, mécontents sont-ils exaspérés une seconde fois en moins d’une dizaine d’années ?
Oui à en croire le résultat des élections et l’apparition de la notion « d’antisystème » et la ferveur populaire du second tour des présidentielles.
La vague est si haute, l’ampleur si grande, l’hécatombe si spectaculaire qu’il est difficile de déterminer qui a gagné et qui a perdu, ce qui est le propre d’un soulèvement.
Un observateur averti conclura que c’est la Tunisie qui a gagné et qu’il n’y pas de perdants, mais c’est sans compter sur l’obstination d’une certaine tranche de la population, qui même si elle se considère comme respectant les principes de la démocratie, a la défaite difficile et l’exprime, sans pour autant remettre en cause le principe démocratique.
Sans remettre en cause le principe de la liberté d’expression qui reste sacré, il ne faut basculer dans la manipulation des plus démunis intellectuellement, en jouant aux grands devins qui sont persuadés de détenir la science infuse pour savoir que durant les quelques années à venir, les choses vont aller de travers.
C’est cette élite qui me révolte.
Faut-il vous rappeler que ce peuple vous a rendu la liberté, dont celle d’expression.
Faut-il encore, vous rappeler que vous vous considérez comme avertis, mais que vous avez laissé faire le despotisme en silence, si vous ne l’avez pas encouragé.
Faut-il aussi vous rappeler que vous devez tout à ce peuple et à ces jeunes que vous méprisez tant.
Une remise en question semble donc nécessaire et imposée par un minimum d’honnêteté intellectuelle.
Il est tout indiqué de se poser les bonnes questions, de se demander par exemple, comment vous en êtes arrivés là ? Comment la classe politique a-t-elle pu être balayée de manière si radicale ? Et comment les électeurs ont-ils pu voter de manière si unanime ?
Alors soyons clairs et regardons les choses en face, le peuple exaspéré a réagi avec beaucoup d’émancipation (les jeunes et bon nombre de moins jeunes) à en croire les événements et à deux reprises en moins de dix ans. Ce qui est dans la nature des choses si l’on examine l’histoire de ce peuple.
Par conséquent, il est peut-être temps de se réveiller et d’abandonner les mauvais reflexes de vouloir donner des leçons à des jeunes, qui ont prouvé qu’ils n’en n’ont nullement besoin, en refusant d’accepter le fait accompli et en aspirant à une meilleure Tunisie pour tous.