Une récente déclaration du porte-parole de l’Africa Corps américain vient éclaircir le tableau. D’après la déclaration, deux membres de l’unité spéciale américaine « Marine Special Operations Command », dont les membres sont surnommés « Raiders » ont reçu des décorations pour faits de bravoure lors « d’un affrontement armé avec des militants d’al Qaïda en Afrique du Nord ». Le porte-parole précise que les faits ont eu lieu durant « une opération de trois jours où les « Raiders » devaient entrainer, conseiller et assister des forces partenaires » lors de laquelle les soldats américains et leurs « partenaires » se sont trouvés attaqués par un groupe de militants d’Al Qaïda, appartenant probablement à la Katiba Oqba Ibn Nafaa.

Si le pays où l’opération a eu lieu n’est pas mentionné « pour des raisons de confidentialité, de protection des forces et de sensibilités diplomatiques », l’opération est assez bien décrite et datée pour qu’on puisse déduire qu’elle a eu lieu au Mont Semama dans la région de Kasserine le 28 février 2017. A l’époque, les médias tunisiens avaient rapporté que des affrontements avec un groupe de terroristes, « avaient causé la blessure d’un soldat de l’armée tunisienne à la jambe ». Si l’on se réfère au récit des faits américain, le soldat en question était à bord d’un hélicoptère, derrière la mitraillette. Face à sa blessure, le « Raider » à bord du même engin aurait pris le relais derrière la mitrailleuse tout en prodiguant les premiers soins pour le soldat blessé, d’où sa décoration. L’opération aurait également causé une blessure parmi les soldats américains.

Les faits rapportés à l’époque par les médias tunisiens n’évoquent pas la présence de troupes américaines. L’information aurait donc été dissimulée, aussi bien par les autorités tunisiennes que par les autorités américaines. Ce n’est que par recoupement d’informations qu’il a été possible d’établir le lien entre l’action telle que rapportée par les médias tunisiens et le récit des autorités militaires américaines. Cette révélation vient donc lever le voile sur ce que beaucoup d’observateurs soupçonnent depuis des années : la présence physique de troupes étrangères aux côtés des troupes tunisiennes dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme ».

Depuis la désignation de la Tunisie par Barack Obama comme « allié majeur non-membre » de l’Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord (OTAN) en 2015, les soupçons de ce type se multiplient. Des fuites révélées par Nawaat faisaient état en 2016 de négociations en cours pour l’implantation d’une base militaire américaine en Tunisie, dans le cadre de « la lutte contre le terrorisme et le trafic des personnes », notamment en Libye. D’autres fuites évoquaient quant à elles, la création d’une base aérienne pour les drones américains opérant en Libye. Les deux informations avaient rapidement été démenties par le ministère de la Défense tunisien, au vu de la sensibilité de la question. En février 2018, le ministre Abdelkrim Zbidi avait d’ailleurs affirmé avoir refusé la demande faite par l’OTAN d’installer une base militaire à Gabès, refus qui aurait bloqué, selon le même ministre, le versement d’une aide européenne de trois millions d’euros destinée à l’armée tunisienne.