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Rappel des faits : le 8 novembre 2017, Lotfi Laamari lance une violente charge contre l’organisation gouvernementale, l’accusant d’avoir soutenu en 2015 la campagne Sayeb Lakhdher dont l’objectif était de s’opposer à l’arbitraire des autorités dans l’attribution de passeports pour les jeunes, le chroniqueur y voyant une complicité dans l’embrigadement des jeunes partis en Syrie à cette époque. Il en profite pour servir sa logorrhée habituelle sur les ONG financées par « l’étranger » et qui complotent contre la stabilité du pays.

Outrée, la principale intéressée exige un droit de réponse qu’elle obtient lors de l’émission du 22 novembre. Pour sa défense, Mme Guellali met en avant les déclarations de l’ONG sur les atrocités commises par les terroristes dans la zone irako-syrienne. Elle rappelle également les sources de financement de son organisation et son indépendance vis-à-vis de des gouvernements. Et concernant la campagne Sayeb Lakhdher, elle souligne sa fierté d’y avoir participé et sa conviction que la lutte contre le terrorisme ne doit pas se faire aux dépens des libertés publiques.

Il n’en fallait pas plus pour que Lotfi Laamari sorte de ses gonds et se lance dans un réquisitoire aussi caricatural que biaisé. Il commence par l’argument massue : Mme Guellali serait islamiste ! La preuve : la campagne Sayeb Lakhder a été soutenue par des associations proches d’Ennahdha comme Egalité et Equité.  Il échafaude une théorie voulant que son indignation cache une crainte des conclusions de la commission parlementaire sur l’embrigadement des jeunes partis en Syrie. Pour gagner la sympathie des « progressistes », il reproche à sa contradictrice de ne pas être à l’image de « la femme tunisienne » (sans qu’il n’explique ce concept fascisant, on devine que « la femme tunisienne » n’est digne de ce nom que si elle pense exactement comme lui). Enfin, pour respecter les canons de la bonne théorie du complot, il accuse l’organisation d’être financée par les services secrets américains et d’avoir cherché à détruire le monde arabe en exécutant le plan d’Obama annoncé lors de son discours du Caire. Rien que ça !

La réaction hystérique du chroniqueur pose plusieurs problèmes. A aucun moment, sauf pour des considérations de gestion du plateau, l’animateur Elyes Gharbi n’a jugé utile d’interrompre ce flot d’accusations dénuées de tout fondement. Si ce discours, digne d’un café du commerce peut être populaire auprès d’un certain auditoire, il n’en contrevient pas moins au cadre juridique régissant les médias (décret-loi 116 et cahier des charges des chaînes de télévision privée). Il s’inscrit dans un mouvement tendant à promouvoir le retour à un ordre autoritaire voire dictatorial en s’appuyant sur la menace terroriste (M. Laamari a reproché à Mme Guellali des réserves émises sur certains articles de la loi antiterroriste de 2015). Mais cette démarche empêche surtout la mise en place d’un véritable dialogue sur le rôle de certaines ONG dans la promotion d’une politique néolibérale qui va dans le sens des bailleurs de fonds de la Tunisie.

Au moment où la tentation autoritaire se fait de plus en plus pressante et décomplexée dans la sphère politico-médiatique, la promotion d’un discours opposé aux droits de l’Homme est un acte irresponsable. La Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA) devrait être plus vigilante et sanctionner ces écarts répétés. En théorie…