C’est donc un déficit d’environ 1,3 milliard de dinars qui vient exercer, chaque mois, une pression sur l’équilibre budgétaire du pays. Cette situation est principalement due à une considérable hausse des importations. Limitée par la faible technicité de son tissu économique, la Tunisie est contrainte à exporter essentiellement des produits à faible valeur ajoutée (produits agricoles, phosphate, etc…), à bas coût. Cependant, le pays importe des produits à très haute valeur ajoutée dont le prix reflète la valeur technologique (produits automobiles, produits pharmaceutiques, appareils électronique, etc…). Cet écart en termes de valeur et de prix a son impact sur le taux de couverture des importations. Celui-ci a chuté à 67,3%, alors qu’il était de 69,5% en 2016 et de 71,9% en 2015.

Importations : la fuite en avant

En temps normal, la hausse des importations peut être interprétée comme un signe de reprise économique, étant donné que les investissements dans certains secteurs sont généralement accompagnés d’une importation de biens d’équipement. Or, actuellement, ce n’est pas le cas. Lors de son audition à l’ARP, le gouverneur de la Banque Centrale, Chedly Ayari, avait tiré la sonnette d’alarme par rapport à l’incapacité de l’Etat à maitriser les importations. « On est arrivé à des niveaux historiques dans le déficit commercial, dû aux excédents entre les importations et les exportations, et les importations ne sont pas toutes nécessaires à nos besoins », relève-t-il.

Ses propos ont été confirmés le lendemain par le secrétaire d’Etat au Commerce, Abdellatif Hmam : « La Tunisie a importé des produits non-essentiels pour une valeur de 5 milliards de dinars dont 140 millions de dinars destinés à l’importation de la mayonnaise et du ketchup ». Ceci n’est qu’un gaspillage des avoirs en devises, spécialement en cette période de crise. Devant ce constat, on ne peut que reprocher aux autorités leurs insuffisances, notamment en matière d’incitations à l’investissement, pour répondre à la demande locale. Les reproches concernent également les industriels, qui n’ont pas assez investi dans la qualité pour se conformer aux standards internationaux.

Les répercussions sur les avoirs en devises

La balance commerciale a un impact direct sur la situation monétaire du pays, car son déficit ne se résorbe qu’avec une injection de devises. Et c’est là que le bât blesse, ce mois-ci les réserves en devises sont tombées sous la barre fatidique des 100 jours. Un indicateur alarmant par rapport à la situation budgétaire, notamment pour le remboursement de la dette extérieure, mais également pour la valeur du dinar qui n’a cessé de chuter ces dernières semaines. Le gouverneur de la BCT a prévenu :

Dans nos relations internationales, notre déficit courant est limité à 8,4% du PIB. Avec les tendances actuelles, on va pouvoir dépasser les 10% du PIB si on ne prend pas de mesures. C’est un seuil extrêmement grave. Il est donc urgent et vital pour le pays de limiter les importations.

Pour faire face à cette urgence, le gouvernement envisage d’appliquer des mesures pour limiter l’importation des produits de consommation non-essentiels. C’est ce qu’a annoncé le ministre du Commerce et de l’Industrie, Zied Laâdhari. Parmi ces mesures : le renforcement des contrôles techniques sur les importations, l’augmentation des taxes douanières sur les produits non-essentiels, la réduction des crédits destinés à l’importation de produits non-essentiels (en coordination avec la Banque Centrale), la rationalisation des importations des institutions et établissements publics, et la réduction des quotas pour les concessionnaires automobiles. Le gouvernement, pourrait-il faire appliquer ces mesures sans trahir ses engagements avec les partenaires internationaux ou déstabiliser les importateurs du secteur privé ? Les indicateurs qui seront publiés dans 6 mois nous en diront plus.