Non-assumé par les autorités israéliennes, l’assassinat de l’ingénieur en aviation Mohamed Zouari a servi à la propagande sioniste à rappeler la force du Mossad, la transnationalité des organisations « terroristes » arabes tout en insistant sur l’inexistence de preuves en reprenant les déclarations officielles tunisiennes. Focus sur la couverture de la chaîne i24 News, lancée en 2013 par le magnat de la presse française Patrick Drahi pour donner voix à la propagande israélienne dans l’arène internationale des chaînes d’information en continu.

Mohamed Zouari a été assassiné dans la matinée du 15 décembre 2016 devant son domicile à Sfax. Son corps a été criblé d’une vingtaine de balles. Les Brigades Ezzedeen Al-Qassam, branche armée du Hamas, ont revendiqué, samedi 17 décembre, l’appartenance de l’ingénieur tunisien à cette organisation en tant que haut cadre responsable du projet de développement de drones baptisé Ababeel. Dans le même communiqué, ils ont également accusé « la perfide main lâche sioniste » de cet assassinat avant de nommer clairement les renseignements israéliens dans des déclarations du porte-parole du Hamas. Cependant, face aux insistantes questions des journalistes tunisiens sur la responsabilité du Mossad, Hédi Majdoub, ministre de l’Intérieur, s’est abstenu d’adhérer à cette version tout en affirmant l’implication « de forces étrangères » dans cet assassinat. Cette volonté de dépolitiser l’affaire, a offert  à la propagande sioniste une occasion pour étaler sa rhétorique traditionnelle. L’émission Défense, diffusée sur i24 News mardi 20 décembre, en est l’illustration parfaite.

Tout puissant Mossad ou l’effronterie sioniste

« Elimination d’un membre du Hamas responsable du programme de drones », c’est le premier titre de ce magazine d’information militariste dans son édition du 20 décembre. Dans une synthèse des événements liés à ce meurtre, la voix off précise que le porte-parole du procureur de Sfax « parle, pour l’heure, de crime et non d’élimination ». Une déclaration rappelée dans les trois premières pages de ce magazine. Or, la version des faits adoptée par i24 News est celle d’une « élimination ». Comme d’habitude, la propagande sioniste ne manque pas d’effronterie. Au moment où les autorités de l’occupation israélienne restent muettes, ses médias font le sale boulot, montrant le Mossad dans une position de force y compris face au droit international.

D’ailleurs, le même terme est employé dans le deuxième reportage de Défense qui prétend révéler que « le cadre du Hamas éliminé était responsable des commandos-marins ». Après l’affirmation dans le titre, la voix off se réfugie dans le conditionnel. Avec la propagande sioniste, effronterie et médiocrité font bon ménage. En témoigne la troisième page du magazine titrée « Israël – Contre-terrorisme : la politique de l’élimination ciblée de terroristes ». La présentatrice indique, en souriant, que « le Mossad a toujours fait des éliminations ciblées l’une de ses marques de fabrique ». Et c‘est parti pour une rétrospective jubilatoire des antécédents du Mossad en la matière.

Forcir Zouari, duper l’audimat

Dans la première des trois pages consacrées à l’assassinat de Zouari, le magazine d’i24 News présente l’ingénieur tunisien à la fois comme un opposant à Ben Ali, donc un partisan du déstabilisateur printemps arabe, et comme un proche de Kadhafi qui jongle assez bien pour se rapprocher en même temps du régime syrien, du Hamas, du Hezbollah et de l’Iran. Ils lui brossent ainsi le portrait d’un ennemi de la stabilité, un militant proche des « dictatures les plus sanguinaires » et un agent « des organisations terroristes ». Dans la deuxième page de ce magazine TV, on lui accorde d’autres connexions en prétendant qu’il est « soutenu par les Frères Musulmans, était en contact avec le Hamas, le Hezbollah et certains agents de l’Etat Islamique tunisien ». Il faut être dupe pour croire qu’on peut à la fois être soutenu par les Frères Musulmans, ligne du parti au pouvoir Ennahdha et allié à l’organisation de l’Etat Islamique qui les considère comme des « tyrans ». Il faut être encore plus dupe pour croire qu’on peut à la fois être l’ami de Daesh et du Hezbollah qui se sont affrontés à plusieurs reprises sur le sol syrien.

Durant près de la moitié de l’émission Défense focalisée sur l’assassinat de Zouari, tout un dispositif a été déployé pour discréditer « les ennemis d’Israël ». A commencer par le terme « terroriste » utilisé à tout bout de champ jusqu’à l’évocation d’alliances politiques incohérentes tout en passant par l’instrumentalisation de la position du gouvernement tunisien présentée à la fois comme une preuve d’innocence israélienne et comme un signe d’impuissance tunisienne.