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La Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA) a sanctionné, mercredi 26 octobre, Nessma pour rétention de documents et refus d’obtempérer aux demandes relatives à la situation financière de la chaîne et les activités politiques de son représentant légal. Le jour même, l’instance de régulation a mis fin aux procédures de régularisation de Radio Kalima visant l’obtention de la licence de diffusion et a donné le feu vert à l’Office National de la Télédiffusion de couper le signal de la radio. Lundi 24 octobre, le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) a appelé le ministère public à traduire le lobbyiste Chafik Jarraya en justice suite à son affirmation d’avoir « acheté tous les journalistes » dans Liman Yajroo Faqat [Ceux qui osent] du dimanche 23 octobre. Le jour même, un collectif de quelques dizaines de journalistes s’est mobilisé pour porter plainte contre « l’homme d’affaires » suspecté de corruption. Le lendemain, le parquet a ouvert une instruction au sujet des déclarations de Jarraya. A ce stade, le Syndicat général des médias relevant de l’UGTT a réitéré les mêmes revendications dans un communiqué tardif. Idem pour la Fédération Tunisienne des Directeurs des Journaux. Mercredi 19 octobre, la HAICA s’est résolue à suspendre Andi Ma Nqolek  [Quelque chose à te dire]  pour trois mois pour atteinte aux droits de l’enfance, à la vie privée et à la dignité humaine.

Affaire Andi ma nqollek, un cas d’école

« Le droit à une information pluraliste et intègre », évoqué dans l’article 127 de la Constitution n’est pas un avantage sectoriel mais un droit citoyen. La liberté de la presse, l’indépendance des médias et leur responsabilité sociale ne devraient pas impliquer seulement les journalistes, leur syndicat et l’autorité de régulation. Les citoyens, qu’ils s’agissent d’individus, d’associations ou autres organismes de la société civile, ont un rôle à jouer. La vigilance citoyenne est une nécessité, surtout quand la volonté politique se montre quasiment inexistante et quand les campagnes anti-régulation gagnent en virulence. La scandaleuse bourde d’Alaa Chebbi et la sanction qui lui a été infligé par la HAICA suite à la campagne citoyenne contre la banalisation et l’impunité du viol en témoigne. Les instances de régulation ne tirent pas uniquement leur force et leur légitimité des textes de lois mais aussi de l’exigence citoyenne qui donne sens à leur mandat.

Pour des citoyens partenaires des régulateurs

Les syndicats et autres corps professionnels n’exercent pas leur rôle d’autorégulateur en rupture avec le débat citoyen. Sinon, ils seraient réduits à un corporatisme aveugle sous la pression de divers cercles d’influence. La vigilance citoyenne devrait s’exprimer haut et fort et veiller inlassablement à rectifier les trajectoires et à participer à la bataille de la transparence, de l’indépendance et du professionnalisme. Les outils existent. Chaque citoyen peut porter plainte auprès de la HAICA par voie de courriel ou directement dans un espace dédié sur son site web. Le SNJT est aussi facilement accessible et il publie annuellement des rapports sur les dépassements déontologiques. L’arsenal logistique des organismes professionnels et le dispositif juridique du régulateur sont parfois insuffisants pour sanctionner les mauvaises pratiques. La mobilisation citoyenne peut pallier à ces insuffisances. D’ailleurs, certaines de ces actions ont appuyé le démarrage du processus de réforme des médias. En l’occurrence, la création de l’Instance Nationale de la Réforme de l’Information et de la Communication (INRIC).

D’ailleurs, cet organisme, malgré son autorité limitée aux prérogatives consultatives, a grandement contribué à l’élaboration et l’adoption du décret-loi 116 portant sur la création de la HAICA. Bien évidemment, les risques ne manquent pas dont celui de l’instrumentalisation politique des formes de contestations citoyenne comme ce fut le cas du « Sit-in des médias de la honte » organisé par une nébuleuse islamiste en 2012 devant la Télévision Nationale. Pour s’en préserver, l’attachement aux valeurs constitutionnelles et la consolidation des efforts des régulateurs sont les seuls boucliers.