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Etre naturalisé tunisien, c’est marrant. chanter l’hymne national tunisien, c’est carrément hilarant. Pour la première fois, on réalise que la poésie romantique et résistante d’Abou El Kacem Chebbi peut être perçue comme une drôle de comédie. C’est l’exploit de l’émission « 35 heures de Baba », diffusée sur la chaîne française Canal 8 entre le jeudi 13 et le samedi 15 octobre. Un des chroniqueurs de l’émission, Matthieu Delormeau a plusieurs fois exprimé son souhait de devenir tunisien, comme l’animateur binational de l’émission Cyril Hanouna alias Baba. Une posture qui l’a toujours renvoyé à un univers peu créatif, une sorte de burlesque extrêmement cheap. Souvent mal inspirée, il tombe dans la facilité, et donc, dans les clichés. Même les stéréotypes qu’il emploie sont souvent erronés.

La valse aux clichés

Desservi par sa faible culture générale, il perd la boussole en fredonnant une chanson algérienne de Cheb Khaled et en se faisant appeler Kader, un nom inexistant en Tunisie. Dans cette mise en scène qui se veut cocasse, un employé de l’Ambassade de Tunisie à Paris s’est glissé dans le rôle du « nègre de maison », en servant l’hymne national comme une soupe comique. La valse aux clichés attribués à la Tunisie s’est poursuivie dans cette émission-fleuve. Delormeau se met dans l’habit d’une femme de harem tel que dessiné par les fantasmes de Walt Disney. Il part à la recherche d’un chameau planqué dans les coulisses. Pour se lancer dans sa mission, il est accompagné par un orchestre folklorique tunisien. Un chanteur tunisien méconnu s’est fait baptisé Christophe Makroudh par Hanouna. « C’est comme Christophe Maé mais version tunisienne », lance l’animateur. Le chanteur tunisien sera appelé à chanter « Il est où le chameau ? » au lieu d’ « Il est où le bonheur ? » de Christophe Maé. Toujours dans la caricature facile, notre compatriote chante faux et prononce mal le français. Nolens volens, certains médias français arrivent toujours à dénicher des Chalghoumi, des arabes prêts à à se fondre dans le moule mainstream et à répondre favorablement à ses attentes en termes de clichés.

Irresponsable ministère du tourisme tunisien

Le pire dans cette mise en scène : Il s’agit d’une opération de publicité clandestine commandé par le ministère du Tourisme. Depuis les années 70, le tourisme tunisien n’a pas changé d’images, ne s’est pas adapté aux profonds changements de la société et la culture tunisiennes. Il n’a pas non plus appris à valoriser le nouveau potentiel de cette destination. A part cette stratégie de communication qui fait du surplace, l’irresponsabilité citoyenne d’une telle opération est carrément choquante. Au moment où le dérapage misogyne d’Alaa Chebbi dans Andi Manqollek [ Quelque chose à te dire] est largement contesté en Tunisie et sanctionné par la HAICA, le gouvernement a décidé d’investir dans cette émission aux dérapages fréquents. Le dernier en date a été commis dans cette édition à travers une agression sexuelle en live.

Par ailleurs, certains médias occidentaux succombent facilement aux fantasmes orientalistes et se laissent séduire par les clichés, des peaux de bananes qui les font tomber dans les intox et les approximations. Les exemples en témoignant ne manquent pas. L’un des plus représentatifs est celui de l’intox lancée par CNN, en mars 2015, attestant que Tataouine est devenue une base djihadiste. La fausse nouvelle a été reprise aveuglement par certains médias français. Les fantasmes orientalistes sont tellement tentants, même aujourd’hui après 60 ans d’indépendance.