Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

Le journaliste moyen qui vous pose une question, n’écoute pas votre réponse, il écoute son préjugé.Charles Dantzig

Tele-poubelle-Tele-realite-et-pornographie-sociale
Tele-poubelle-Tele-realite-et-pornographie-sociale

Dans les pays démocratiques, les médias sont scrupuleusement encadrés à travers la juridiction, la société civile ou bien les instances de veille médiatique. C’est ainsi que l’ensemble du corps médiatique suit des formations sur le traitement épineux de la question du genre dans l’objectif de sensibiliser le public aux problèmes relatifs à ce sujet, notamment les abus et les violences faites aux femmes.

Or, c’est bien sur ce volet qu’un animateur tunisien semble se détacher du lot et fait figure de contre-exemple dans un paysage médiatique international en perpétuelle mutation et de plus en plus sensible aux problématiques du genre.

Quelques années auparavant, Alaa Chebbi s’est déjà distingué par ses « brillantes prestations » concernant des affaires de violences conjugales, encourageant implicitement les conjoints violents, venus fièrement étaler leurs déboires, à recommencer. Il octroyait également au public le droit de rire et d’applaudir après chaque récit relatant des faits de violences conjugales, transformant cet acte tragique en une scène comique et le conjoint violent en un acteur aux allures sympathiques, voire clownesques[1].

Pourtant, à cette époque, ni la Haica ni les associations féministes  n’ont jugé utile de rappeler l’animateur à ses obligations déontologiques et n’ont dénoncé ces agissements contrecarrant toutes les règles internationales luttant contre les violences faites aux femmes.

Face à cet immobilisme, Alaa Chebbi récidive. Dans son émission Andi mankollek, l’animateur invite Hajer, mineure enceinte, victime d’abus sexuel et d’inceste. On s’attendait à ce que l’animateur, fort de son expérience, allait exprimer son horreur et prendre la défense de la jeune femme. Peine perdue. Fidèle à son concept de télévision spectacle – là il ne s’agit même pas de télévision spectacle mais du degré zéro de la télévision – Si Alaa Chebbi ignore encore une fois la législation tunisienne et les textes onusiens en matière de lutte contre les violences faites aux femmes et surfe en solo, faisant de la victime une coupable et l’invitant à se marier avec son violeur ! Une technique bien rodée dont le discours et le renversement des rôles se voudraient à l’image de la société tunisienne. Toutefois, cette pratique populiste et nauséabonde rend la télévision tunisienne très en retard par rapport au traitement des problématiques liées au genre.

Aussi, nous espérons que cette fois les autorités concernées prendront ce dérapage au sérieux. Nous espérons également que les organisations de la société civile sortent de leur tour d’ivoire. et entameront des programmes de formation efficaces afin de sensibiliser nos journalistes aux violences faites aux femmes et à la manière avec laquelle ce sujet devrait être approché. Et pour cause, en présence de sujets aussi difficiles, certains médias ont pu dépasser le buzz dans le traitement des sujets de société pour élever les consciences. Enti fin Si Alaa ? [ Où en êtes-vous M. Chebbi ?]

[1] Voir Zarrouk, Hajer Les violences conjugales au prisme de la télévision tunisienne : les séries et les talk-shows, in. Recherches féministes, Université Laval.