Un certain formatage ?
De toute façon, le forum jeunesse n’est pas conçu pour le débat de fond, pour la discussion politique. Il est plutôt destiné à la mise en valeur de « projets » portés par la société civile tunisienne. A l’issue du forum, 12 projets seront sélectionnés, « accompagnés » par le Lab’ESS (Laboratoire d’Economie Sociale et Solidaire), et les meilleurs d’entre eux pourront bénéficier d’un appui financier de l’Institut français.
Les dix ateliers thématiques du forum sont dévolus à l’élaboration de ces projets. Ils ont pour ambition de « proposer des solutions concrètes aux attentes des jeunes des régions de l’intérieur ». Rien qu’à lire leurs descriptifs, parsemés de hash-tags génériques ( #innovation, #liensocial), on comprend l’idéologie sous-jacente. Il est dit par exemple que « la notion de développement durable est trop souvent mise en opposition avec l’idée de compétition économique mondiale » ou que « la culture peut résoudre le problème de l’employabilité ». Les problématiques sont abordées sous l’angle de l’initiative individuelle, comme si les possibilités d’organisation collective étaient éliminées d’emblée.
Les ateliers regroupent une dizaine ou une quinzaine de participants. Ils sont animés par les lauréats de l’édition précédente, appuyés par les volontaires du Lab’ESS. Des jeux et des animations les structurent. On commence par les présentations avec l’objet-bazar (chacun choisit un objet qui symbolise sa personnalité), on inscrit nos attentes sur un post-it, on remplit un diagramme PESTEL (qui consiste à décliner les facteurs politiques, économiques, sociaux, technologiques, environnementaux et légaux qui influeront sur le projet), etc.
Certains participants semblent un peu déroutés et ont du mal à s’exprimer en français. D’autres, déjà rodés aux projets avec l’AFD (Agence Française de Développement), le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), etc., maîtrisent bien le jargon de la coopération : renforcement de capacités, mise à niveau, encadrement, structuration, et (de nouveau) incubation… Ils comprennent mieux les objectifs de l’atelier et paraissent plus sûrs d’eux.
On finit par se demander si ceux qui décrocheront les financements, ceux qui tireront leur épingle du jeu, seront ceux qui savent le mieux s’adapter à la « culture » de la coopération ou bien ceux qui auront véritablement les idées les plus innovantes, les plus réalistes, les plus pertinentes, les plus en phase avec la situation locale.