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Le nom de Fathi Abdennadher ne vous dit pas grand-chose et pourtant! Introuvable le jour où Ben Ali est tombé, ce juriste rôdé au traficotage des textes juridiques et aux tricheries électorales, reprend du service. Un document obtenu par Nawaat prouve sa complicité dans l’élaboration du projet de loi contre-révolutionnaire de réconciliation économique et financière, cousu dans l’antichambre du palais de Carthage, sous la houlette de Ridha Belhaj dir-cab de BCE.

Le 15 janvier 2011, Fathi Abdennadher est toujours président du Conseil constitutionnel, là où a été fomenté la “mascarade démocratique” de Ben Ali. C’est lui qui doit annoncer, la mort dans l’âme, que Foued Mebazaa est président de la République, après avoir disparu dans la nature, pendant la longue nuit du 14 janvier.

Les acrobaties constitutionnelles, il s’y connait. Président du Conseil constitutionnel de 1999 à 2011, c’est lui qui valide, la modification de l’article 39 de l’ancienne Constitution, approuvée par référendum le 26 mai 2002, pour ouvrir la voie à la réélection du candidat Ben Ali qui peut se représenter à deux reprises, en 2004 et en 2009.

Le 29 juin 2010, c’est lui, également, qui déclare “constitutionnelle” la loi n° 2010-35 complétant les dispositions de l’article 61 bis du code pénal pour réprimer la société civile. Un article unique compose cette loi : « Il est ajouté un deuxième paragraphe aux dispositions de l’article 61 bis du code pénal ainsi libellé : Article 61 bis – (paragraphe deux) – Est coupable de la même infraction visée au paragraphe précédent et puni des mêmes peines prévues à l’article 62 du présent code, tout tunisien qui aura sciemment établi, directement ou indirectement, des contacts avec des agents d’une puissance, d’une institution ou d’une organisation étrangère dont le but est d’inciter à porter atteinte aux intérêts vitaux de la Tunisie. Est considéré comme intérêt vital de la Tunisie tout ce qui se rapporte à sa sécurité économique. »

En avril 2012, c’est encore lui qui fait l’objet d’une enquête judiciaire sur la disparition d’une partie des documents administratifs du Conseil constitutionnel. Inculpé, selon les articles 32 et 100 du code pénal, il ne sera pas condamné.

En 2015, cet anticonstitutionnaliste récidiviste ressurgit de l’ombre pour proposer ses talents de charcuteur ès-Droit afin de saper les fondements de la justice transitionnelle.

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Un anticonstitutionnaliste récidiviste
Ainsi, dans son exposé des motifs juridiques et politiques du projet de loi de réconciliation économique et financière, Fathi Abdennadher avance que le paragraphe 9 de l’article 148 de la Constitution est une dérive, car il contredit les droits et libertés garantis par l’article 39 de la Constitution. Pourtant, l’article 39 réfère à “l’enseignement public” et non aux libertés. Serait-ce alors un lapsus révélateur d’un obsessionnel article 39 modifié et validé à l’infini pour pérenniser le pouvoir des dictateurs et le sien?

L’Etat s’engage à appliquer le système de la justice transitionnelle dans tous ses domaines et dans les délais prescrits par la législation qui s’y rapporte. Sont irrecevable dans ce contexte l’évocation de la non-rétroactivité des lois, de l’existence d’une amnistie antérieure, de l’autorité de la chose jugée, ou de la prescription du crime ou de la peine.Paragraphe 9 de l’article 148 de la Constitution

Pour le juriste, le dernier paragraphe de l’article 148 s’oppose également aux chartes et conventions internationles ratifiées par la Tunisie, puisqu’il oblige l’État à mettre en œuvre la justice transitionnelle en affirmant que les principes de prescription ou de rétroactivité ne sont pas valables pour tout ce qui relève de la justice transitionnelle. Il rappelle, en l’occurrence, que l’imprescriptibilité ne s’applique qu’aux crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

En outre, l’article 8 de la loi sur la Justice transitionnelle a ajouté dans le mandat des chambres spécialisées, des violations comme la fraude des élections ou l’exil forcé. Or, ces crimes ne figurent pas dans le code pénal tunisien, ce qui est une violation du principe de légalité des délits et des peines, justifie Abdennadher.

Porté par la vague contre-révolutionnaire, il affirme que ce paragraphe n’est que “le fruit d’un chantage“, car il a été “parachuté à la dernière minute“, par une “minorité au pouvoir“, dans le cadre d’une entente au sein de la Constituante.

Il propose donc deux solutions, l’une radicale et l’autre alternative. Afin de “sauvegarder la pureté de la Constitution“, la première recommande d’engager “une initiative constitutionnelle” pour débarrasser la Constitution de ses “failles” en supprimant purement et simplement le paragraphe 9 de l’article 148, qui “ne prédit que des malheurs“. Par ailleurs, s’il est impossible d’annuler ce paragraphe, dans le contexte actuel, il suggère d’amender la loi de la justice transitionnelle. Rodé au système de la propagande, Abdennadher n’hésite par à recommander une campagne pour démontrer à l’opinion publique “ses multiples entorses aux droits de l’homme“.

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D’autres propositions sont avancées par l’avocat zélé pour estropier l’Instance Vérité et Dignité avant de lui porter le coup de grâce : révision de sa composition, limitation de son mandat à deux ans, ainsi que la promulgation d’une amnistie à durée limité, ciblant différentes catégories, sous certaines conditions.

Fathi Abdennadher conclut son plaidoyer avec une remarque qu’il considère “importante” en conseillant de prendre pour modèle la Loi organique n° 2014-17 du 12 juin 2014, portant dispositions liées à la justice transitionnelle et aux affaires liées à la période du 17 décembre 2010 au 28 février 2011, qui a amnistié des personnes condamnées, en totale opposition avec les dispositions de la justice transtionnelle.
Enfin, il préconise vivement de réviser les articles 2 et 3 de Loi organique n° 2014-17 du 12 juin 2014.