Hacking Team, une société italienne spécialisée dans la vente de logiciels et solutions de surveillance et de déchiffrement, classée par RSF comme ennemi de l’Internet, a été piratée le 6 juillet 2015, mettant ainsi 400 Gb de leurs données à disposition du public. Parmi les clients de cette société nous retrouvons l’Agence Tunisienne de l’Internet (ATI). L’ATI, d’après les documents, a profité des services de Hacking Team via un contrat pour une version « démo », en pleine période de la révolution de 2011.

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Ce contrat était établi, initialement, pour une période de test de 45 jours, à partir de fin septembre 2010, mais s’est étendu jusqu’au 3 juillet 2011, date à laquelle la société italienne a perdu tout espoir en une quelconque acquisition par la Tunisie de sa solution proposée. Une solution qui, comme démontrée par l’un des échanges d’emails entre les employés de Hacking Team, témoigne et se félicite ironiquement de ce qui a été pratiqué sous la dictature, via leurs équipements, à savoir le vol des informations des données de connection des utilisateurs de Facebook, Yahoo et Gmail, etc.

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Source : Wikileaks.org

De plus, l’utilisation de la solution de ce fournisseur s’est accrue la dernière semaine du mois de décembre 2010, alors que les Tunisiens se révoltaient dans les rues, et n’avaient à ce moment là qu’internet et les réseaux sociaux pour alerter le monde. C’est alors que les Italiens ont essayé via un forcing visant la signature d’un contrat pour toute l’année 2011, toujours selon les échanges d’emails que nous avons pu lire depuis le piratage de leurs serveurs. Le PDG de RESI présente ce qui arrive en Tunisie à cette période comme une «opportunité». Une opportunité non ‘saisie ‘ par la Tunisie puisque le contact s’est rompu avec les autorités à la date du 16 décembre 2010.

Ces révélations viennent confirmer les informations énoncées, lors de l’Arab Bloggers Meeting de 2011, par Moez Chakchouk, PDG de l’ATI depuis février 2011. En effet, lors de ladite réunion organisée par Nawaat et Global Voices, Chakchouk avait expliqué dans sa présentation que la Tunisie avait été « un laboratoire d’expérimentation de solutions de surveillance et de censure internet, pour le compte des firmes occidentales ». Pas tout à fait transparent, puisque quand bien même il avait exposé les montants des coûts du système de surveillance, il s’est tu concernant les noms de ces sociétés à l’exception de McAfee (Smartfilter).

Par ailleurs, d’autres langues se sont déliées après le 14 Janvier 2011, celle de Kamel Saadaoui, PDG de l’ATI durant les années cruciales de la surveillance, avait quant à lui donné en en off les noms d’autres fournisseurs tel que Bluecoat Inc (BCSI) et NetApp Inc (NTAP).

D’autres noms de sociétés ont été déterminés via des travaux de recherche, dont la plus complète réalisée par Ben Wagner dans son rapport sur l’exportation des technologies de surveillance et de censure.

Cependant, toute la lumière sur l’un des plus complexes systèmes de surveillance au monde n’est pas encore faite. Nous demeurons jusqu’à aujourd’hui sans visibilité claire sur ce qui a réellement été utilisé comme techniques et solutions sous Ben Ali à des fins de contrôle et de censure.

D’autant plus que la transparence sélective depuis 2011, quant au sujet de la surveillance internet, spécialement depuis l’établissement de l’Agence Technique des Télécommunications (ATT), ne nous permet pas de savoir si certains contrats avec ce type de fournisseurs ont été renouvelés ou non, dans le cadre de la lutte contre le cyber-terrorisme puisque le décret même de création de cette agence n’exige aucunement de rendre publiques les informations relatives aux équipements utilisés.