Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

essebsi-ghannouchi

Messieurs,

Depuis la révolution, vous avez alternativement et quasiment exclusivement été les deux plus hauts commandants du bateau Tunisie.

Ceux qui me connaissent savent que je ne suis partisan ni de l’un, ni de l’autre. En tant que libéral, je m’oppose autant à la vision d’une direction par un clergé administratif que par un clergé religieux.
En tant que votre adversaire idéologique commun, je me dois néanmoins d’admettre que le pays aurait pu être dans une situation bien pire si d’autres avaient été à votre place.
Vous avez combattu l’un contre l’autre, dans une guerre politicienne, une guerre de survie des idées de l’un contre les idées de l’autre. Mais vous avez su préserver l’essentiel, à savoir la paix entre les Tunisiens. Du moins à ce jour. Et de cela, je vous en suis gré.

A l’issue de la révolution, nous n’étions pas prêts à assumer notre propre gestion. La Tunisie était quasiment ingérable. Les pressions étrangères énormes. La crise presque en tout que nous connaissons était inévitable. Inutile de revenir sur la longue liste de nos problèmes.

Vous étiez tous deux à la retraite. Le destin a décidé de vous en sortir pour vous confier notre avenir. Un avenir qui, bientôt, ne vous concernera plus.
Dans deux ou trois ans, vos deux camps se combattront dans le feu d’artifice politicien qu’imposera la bataille électorale. La fenêtre temporelle que l’Histoire a réservé à la réflexion sage risque de se fermer à nouveau. Et vous ne serez probablement plus au devant de la scène.

J’espère que vous aurez la sagesse que vous impose votre âge, celle d’être capable de transcender les intérêts partisans de vos partisans.
Nous sommes 10 millions à être fatigués d’espérer. Epuisés par un cycle de faux espoirs et de déceptions qui se suivent. C’est à vous deux que le destin semble avoir remis les clés du pays et c’est donc à vous deux de trouver les solutions. Et si vous n’en voyez pas, alors vous devez vous creuser les méninges. Et si vous ne croyez pas qu’il puisse y avoir de solutions, alors faites semblant car dans cette déprime généralisée, la dimension psychologique est importante.

Je vous invite donc à vous rencontrer plus souvent que vous ne rencontrez vos partisans, d’oublier vos querelles et de discuter entre vous comme vous n’avez jamais discuté auparavant. Je vous appelle à un brainstorming de folie. Nous avons besoin de voir “nos deux sages” unis dans une méditation transcendantale rien que pour notre avenir et non en pompiers pour éteindre des incendies. C’est bon pour notre moral.

Le pays a besoin d’électrochocs positifs pour sortir de sa léthargie. Ou à défaut, de placébos qui semblent mûrement réfléchis et pleins de sagesse. Il faut en trouver.

Comme on dit dans le management, lorsque tout semble bloqué, c’est l’indication qu’il faut sortir des sentiers battus (think out of the box).
Et puis qui sait ? Personne n’est à l’abri d’une vraie bonne idée.

Qu’Allah veille sur la Tunisie et qu’il vous donne toute la sagesse dont vous avez besoin.

BEN M’BAREK Mohamed. Economiste.