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L’horreur a encore frappé. Un degré de plus ajouté à la bestialité instinctive de l’Homme, mise à nue. L’inhumanité appelant la férocité, la cavalcade des anomalies et des incohérences humaines « transcendant » continûment nos réalités universelles, de plus en plus menacées.

La sauvagerie de l’actualité internationale nous rattrape soudainement et, dans un vertigineux élan de sadisme, nous susurre à l’oreille que nos « vacances » estivales se préparent à garder l’âpre goût de l’hémoglobine.

États-Unis. Caroline du Sud. Charleston. Eglise Emanuel African Methodist Episcopal Church, surnommée «Mother Emanuel». Mercredi 17 juin 2015 au soir. Dylann Roof. Neuf personnes tuées, trois hommes et six femmes. Neuf personnes alors recueillies dans la solennité de leurs prières. Certaines étaient de dos, d’autres de face pour accueillir cette balle qui s’apprêtait à les percuter de plein fouet, son élément déclencheur étant fermement décidé à en finir avec leurs vies.

Le début d’un énième film d’action made in U.S.A ? Une scène quelconque d’un blockbuster américain à l’affiche ? Le dernier épisode de la dernière saison de la dernière série?

Non. Juste la réalité. Une réalité géographiquement loin de chez nous, mais tellement proche si l’on se rappelle un seul instant notre condition de simple mortel. Aucune frontière ne devrait écarter et éloigner les Hommes les uns des autres, pour les détourner de leur humanité.

Une réalité comme une certitude, comme une évidence qui martèle nos esprits depuis l’annonce du carnage dans cette église fondée en 1816, emblème de la communauté noire africaine américaine, historique de leur mouvement aux États-Unis, une icône des plus anciennes congrégations noires du Sud, et de la lutte contre l’esclavage, une icône de leurs libertés. Acquises ? L’on se pose plus que jamais la question.

De Martin Luther King qui y a prononcé un discours en 1962 jusqu’à son pasteur actuel -Clementa Pinckney, tué dans l’assaille le 17 juin dernier, élu démocrate au Sénat et militant pour les droits civiques en Caroline du Sud- 53 ans se sont écoulés, et toujours ce même sentiment de continuité d’une persécution et d’une violence discriminatoire ascendantes.

Évidemment, un tsunami de réactions et de commentaires a envahi les réseaux sociaux dès l’alerte. Mais pouvons-nous décrypter un massacre, pour en exacerber la souffrance, ses tourments et leurs brûlures animiques ? Devons-nous « admettre la transformation des espèces, [et] du même coup admettre implicitement une transmutation, une métamorphose continuelle du principe animique » ? (Revue des deux mondes, volume 3, 1869).

Secours. Solidarité. Union. Les Américains, tout Etat confondu, se sont rués vers Charleston. Spiritualistes, adversaires de la haine, activistes, célèbres ou inconnus, mais tous enfants d’une Amérique malade de son racisme.

Ferguson, Baltimore (pour citer une actualité toute récente), hommes noirs tués par la police, hommes noirs tués par leurs « compatriotes », les crimes de haine aux États-Unis ne se comptent plus et ne s’appréhendent guère. Barack Obama a même souligné, dans la première conférence de presse qui a suivi l’attentat de la « Mother Emanuel », que ce genre de crime odieux, à part aux États-Unis, n’arrivait plus dans aucun pays développé.

De terribles images montrant Dylann Roof après son arrestation parcourent actuellement les médias internationaux, toutes plus horrifiantes les unes que les autres. Effroyables parce que ne laissant transparaître ni entrevoir aucune émotion chez ce meurtrier. Glaciales, impassibles, implacables, ses expressions faciales demeurent figées, même devant les pardons (sic !) des proches des victimes.

Que s’est-il passé et que peut-il se passer dans la tête de ce jeune homme tout juste sorti de l’adolescence ou encore en post adolescence ? Comment Dylann Roof est-il passé inaperçu ? A l’heure des réseaux sociaux où tout et n’importe quoi portent à signalement, comment est-il passé entre les filets sécuritaires ?

Un être humain capable d’un pareil crime, d’une haine semblable, entraînant un tel passage à l’acte, n’en est plus un. Devenu une machine à tuer, il en détient la pleine véracité. Un monstre de guerre, un terroriste interne nourri aux discours extrémistes, racistes, suprématistes, délicatement instillés dans ses veines, jusqu’à l’implosion. Car il s’agit bien de terrorisme made in USA à tous les niveaux. Dylann Roof a bien prémédité son acte, il a longuement « flairé » sa proie avant de l’attaquer, sa cible étant ici une église noire américaine emplie de symboles, culturel, social et forcément politique, pour la communauté « afro » aux États-Unis, et dans ses États du Sud en particulier. Ce terrorisme hyper dirigé est souvent un terrorisme d’extrême droite américaine, dont les filiations se discernent et se retrouvent chez les « White Supremacists », le Ku Klux Klan, des groupuscules affiliés, ou, comme c’est le cas ici pour Charleston, un terrorisme actionné par ce que l’on appelle communément aujourd’hui un « loup solitaire ». Un individu alimenté, gavé aux discours haineux et supra racistes envers toutes les communautés autres que celles des « blancs ». Dylann roof, une mécanique dopée, imperceptiblement huilée pour semer la mort, à laquelle l’on a offert une arme à feu en guise de cadeau d’anniversaire.

À part sa page « Facebook » saturée de propos racistes et venimeux, Dylann Roof avait son site web personnel, tout juste réactualisé avant la tuerie. Un site où la haine des noirs ne faisait aucun doute. Dylann Roof a même annoncé ce qu’il se préparait à faire, invoquant en toute quiétude qu’il était l’élu pour commettre ce crime. Il s’était autoproclamé massacreur de vies d’hommes et de femmes noirs, ces « pestiférés au quotient intellectuel inexistant », « voleurs de nos biens » et « violeurs de nos femmes blanches ».

Un suprématiste blanc, affichant clairement ses bords et ses penchants, un hypra raciste prônant le passage à l’acte absolu pour la purification des races, brandissant fièrement, presque dans toutes ses poses, le drapeau confédéré, le drapeau sudiste raciste, faisant légion dans les États du Sud et haut symbole du racisme impitoyable. Un autre de ses drapeaux fétiches ? Celui de l’Afrique du Sud pendant l’apartheid, ou celui de l’ex-Rhodésie, deux régimes ségrégationnistes en puissance, gouvernements adulés par tous les fidèles et dignes héritiers des mouvances néonazis.

Et pour enjoliver cette belle poésie, Dylann Roof ne manquait jamais d’apposer, dès que possible, les chiffres 14 et 88, connus par les réseaux extrémistes comme étant les chiffres d’Hitler. Joyeuse appartenance.

Notons que ces groupes extrémistes se sont multipliés depuis l’élection de Barack Obama, premier président noir de l’histoire des États-Unis, même si beaucoup d’entre eux sont devenus clandestins. Il paraît évident que le mythe d’une Amérique qui a définitivement cicatrisé les blessures et meurtrissures de la ségrégation, est concrètement jeté aux oubliettes. L’écart polymorphe entre blancs et noirs est toujours plus parlant… à tous les niveaux.

Sommes-nous dans un néo-apartheid ? Une forme mutante d’un néo-colonialisme ravageur ? Une bombe à retardement depuis longtemps déclenchée, et dont l’éclat meurtrier des projectiles ne va pas s’arrêter de sitôt, vu l’indifférence calculée des politiques américains face à cette situation d‘urgence devenue presque incontrôlable. Des politiques craintifs qui ne veulent point se mouiller et un Etat fédéral qui suit dans un total désengagement.

Même si les citoyens américains, toute origine confondue, considèrent la problématique du conflit ethnique comme étant la priorité de leurs pays, les politiques y demeurent insensibles jusqu’ici. A l’aube de la campagne présidentielle de 2016, devant la question raciale, républicains comme démocrates sont aux abonnés absents.

Avec ce drame insupportable survenu à Charleston la semaine dernière, ce vaudeville tragique et amer typique de notre contemporanéité, marquant encore une fois au fer rouge l’histoire à l’envers de l’humanité, une certitude : l’esclavagisme n’a pas été aboli. La servitude existe encore. Il ne faut point être doté d’une anima hyper développée ou surdimensionnée pour le constater ou le ressentir au plus profond de ses entrailles. Inégalités ethniques, extrêmes violences sociales, sociétales, policières, agressivité vécue quotidiennement par un « groupe racial » qui ne devrait plus en être un depuis longtemps, qui n’aurait jamais dû en être un.

Est-ce utopique de penser à un monde sans structure de confréries ? Comment peut-on encore parler de « noirs » et de « blancs » et quantifier leurs valeurs d’Hommes en fonction de leurs couleurs et/ou de leurs origines ? Et si nous parlons encore de « noirs » pour les anathématiser après des siècles de stigmatisation, où, quand et comment pourront-ils un jour être libres d’être ce qu’ils sont ?

Hkeya-logoChronique à paraître une fois par semaine, « Hkeya » se propose de discourir d’un événement national et/ou international servant de « prétexte » pour soulever des questionnements autour d’une réalité socio, politico ou médiatico-culturelle.
Précisément, il ne s’agit pas ici de couvrir une actualité de manière « classique », mais de soulever des interrogations actuelles tout en invitant tout un chacun à la réflexion et à la discussion.
Sans tomber dans le billet d’humeur narcissique et unilatérale, « Hkeya » veut attrouper et convoquer des histoires pour faire avancer le débat citoyen.