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« Shams ». Littéralement « soleil ». Tel est le nom improbable d’une association fondée dans la douleur. Certains, dont ses membres diront que celle-ci entend défendre et protéger les droits des homosexuels en Tunisie, d’autres avanceront que « Shams » dit avoir été crée pour la défense des minorités, et ce pour obtenir son visa. Alors, minorités de qui, de quoi ? Au niveau racial, spirituel, génital, sexuel, organique, physique, ce terme est bien trop large et bien trop généraliste.

L’on a même lu sur certains organes de presse « papier » locaux que ladite association serait même factice ou du moins que les raisons qu’elle a avancées pour avoir sa licence le seraient. Certains journalistes de ces quotidiens tunisiens avancent que « Shams » a été crée pour défendre les minorités sur un niveau matériel et moral, pour protéger les jeunes contre le suicide et lutter contre celui-ci, pour sensibiliser l’opinion contre les risques des maladies sexuellement transmissibles, lutter contre les discriminations, protéger les droits de l’homme, toute une série d’objectifs construits sur du vague et un flou artistique. « Shams » a pourtant obtenu son visa d’activité aux lendemains de la journée internationale contre l’homophobie et la transphobie. L’on ajoute également dans l’ensemble des médias de la place que les actuels responsables gouvernementaux n’ont octroyé l’agrément à l’association que sur ces bases et qu’il n’était jamais question de « défendre ou faire propager l’homosexualité », dixit Ahmed Nemlaghi, Journal Le Temps, 27 Mai 2015.

Défendre ce serait donc propager, l’homosexualité. Et quel terme « propager » comme si c’était une maladie. Comment peut-on parler de « propagation » quand nous abordons l’homosexualité ? Comme s’il s’agissait d’une maladie dangereuse ou d’une épidémie hautement contagieuse, alors qu’il s’agit finalement d’un choix de vie, de choix d’existence, de choix sexuels et, nous l’oublions toujours, de choix amoureux. Oui d’amour ou de possibilité d’amour entre deux personnes du même sexe, car quand l’opinion générale parle d’homosexualité, elle évoque uniquement le bord sexuel, comme si les homosexuels n’étaient in fine que des machines sexuelles. Une image dégradante leur ait indéfiniment accolée.

Nous constations une société civile enragée face aux homosexuels. Oui homosexuels. C’est une réalité ou plutôt une possibilité sexuelle qui en choque plus d’un. Encore. Et parmi les plus progressistes et les plus avant-gardistes. Il faut croire que chez l’humanus tunisianus, le bouton acceptation et tolérance veut être taillé sur mesure. Les mesures des diktats.

Des homosexuels, des lesbiennes, des bisexuels, des transgenres. « Différence » trop difficile à tolérer et à accepter, même comme idée. Pourquoi les Tunisiens ont-ils tellement de mal à admettre leurs compatriotes, leurs concitoyens, même d’orientation amoureuse, et sexuelle autre ?

Des homosexuels qui ont longtemps vécu reclus, en huis-clos dans le désespoir de n’exister que pour eux-mêmes et leurs semblables. Aucune appartenance dans une nation qui les considère comme des criminels, de dangereux débaucheurs, au mieux des êtres pathologiques.

Et n’importe quelle personne qui se hasarderait à défendre les droits des homosexuels comme faisant partie des droits humains, partie des libertés individuelles, se retrouvera également cataloguée, stigmatisée, jugée et condamnée. Bannie, rejetée, comme si elle était contaminée par un mal incurable.

Si l’on va compter en pourcentage le nombre de personnes dans la population tunisienne qui sont actuellement capables d’accepter l’idée de l’homosexualité comme un éventuel choix de vie, nous allons presque frôler le zéro. Même ceux qui l’acceptent, l’approuvent ou y adhèrent sont emplis de préjugés et de jugements ségrégationnistes qui finiront toujours par cataloguer les homosexuels dans un rang parallèle ou perpendiculaire au leur mais jamais continuel comme une possibilité d’existence qui pourrait se faire dans la continuité.

Le mufti de la république parle de « déviation de la nature humaine » quand il décrit les homosexuels. Rached Ghannouchi évoque une transgression des lois (il est vrai que certaines associations islamistes qui ont versé en toute impunité dans le terrorisme sont meilleures en matière de légalité et de respect des lois), Hamdi Jebali se dit horrifié quant à l’avenir des Tunisiens avec l’homosexualité installée comme un droit et une liberté individuelle (le sixième califat aurait été certainement plus propice à l’avenir clément d’une Tunisie moderne). Et la majorité d’une population qui préfère le retour à la polygamie, voir à la pédophilie, au lieu de voir l’homosexualité légalisée et acceptée en Tunisie. Quelle tragédie d’ignorance. Comparer l’incomparable. Comment est-ce possible ?

Evidement aucun politique ne se montre solidaire de la cause homosexuelle. Trop risqué pour leur image et la dorure de leurs blasons.

Dans un pays où l’homosexualité est encore considérée comme un crime passible de prison, de quelle liberté parle-t-on ? Les sociétés où le pax a été adopté et/ou le mariage pour tous est en vigueur sont-elles des sociétés malades, perverses ou incitatrices à la débauche ? Le Canada, la Belgique, les Pays-Bas, l’Espagne, la Norvège, l’Afrique du Sud, le Portugal, la Suède, pour ne citer qu’eux. Une vingtaine de pays qui allient acte et parole pour donner un sens à une réelle démocratie. A bien regarder ces dites sociétés, elles paraissent bien développées et exemplaires en matière d’application des droits humains.

Aujourd’hui, des procès dont l’ouverture est en cours pour la dissolution de « Shams » et une horde d’avocats réunis pour organiser des actions en justice pour son abolition et sa disparition totale du paysage national. Ils préfèrent certainement que les complexes et frustrations s’accroissent pour donner naissance à toutes formes de maladies physiques et spirituelles mutantes.

Seulement, dépénaliser l’homosexualité s’érige en nécessité. Une obligation nationale. Il faut réellement saisir que c’est de l’ordre de l’aberration absolue que d’emprisonner pendant des années des individus voulant simplement jouir de leurs préférences de genre. Voulant simplement être eux-mêmes, sans faire de mal à personne.

Au sein de l’univers carcéral tunisien, les homosexuels cohabitent avec des prisonniers ayant commis des actes souvent abjectes et dont la plupart sont condamnés soit à perpétuité soit à mort. Il faut savoir également que dans certains pays, l’homosexualité est encore passible de la peine de mort. Une dizaine de pays environ, entre l’Afrique et le Moyen-Orient, où l’Arabie Saoudite, fidèle à son wahabisme post-moderne, arrive en tête de peloton.

Il ne s’agit plus ici de double peine ou de triple peine mais de peine surréelle et multiforme. Exclusion sociale, familiale, professionnelle. Les homosexuels souffrent de maux pluriels mais restés inavoués.

L’hypocrisie générale dont ils font les frais trouve entre autres choses ses origines dans l’écriture d’une Constitution incohérente et contradictoire. Quand l’article 230 du codé pénal criminalise très clairement l’homosexualité, des articles de la Constitution sacralisent les libertés individuelles. Où se trouvent alors la justesse et l’équilibres du propos dans une Constitution qui protège et bafoue dans un même temps nos libertés.